Musique - Every Dawn's a mountain de Tamino (2025)
Il y a des albums et des artistes qui viennent sans bruit, sans tambour ni trompettes mais nous touchent.
Je dois cette découverte à l’ami Odysseus. Et je l’en remercie. Car il y avait peu de chance que cet artiste Belge (et dont le père est Egyptien, ça a son importance…) croise ma route. Et pourtant c’est ici son troisième album. Je n’ai même pas pris le temps de déformer mon jugement en écoutant ce qu’il avait fait précédemment. Sa mère, musicienne, lui a donné cette passion…et ce prénom prédestiné (cf La Flute Enchantée de Mozart). Mais même si les fées se penchent sur un berceau, encore faut-il transformer l’essai. Conservatoire d’Amsterdam, étude sur la musique arabe qui lui donne cette particularité vocale, oreille absolue, pratique du piano, de la guitare et du oud, tout semble s’aligner. Il se fait un nom sur la scène belge dans les années 2016-2020 et passe même à Rock(!) en Seine. Il a droit à l’Olympia avec le premier album baptisé Amir comme son deuxième prénom…Et malgré la bonne presse, je n’en entend toujours pas parlé. Jusqu’à ce coup de pouce du destin…
J’ai assez vite pensé au April de VAST en l’écoutant. Ces premières notes de guitare, épurées avec juste la voix sur “My Heroine” captent immédiatement. D’abord grave, la voix de Tamino grimpe dans les aigus, devient plus intense et je comprends les comparaisons avec Jeff Buckley. Le morceau installe l’ambience générale de l’album. Car s’il y a du violoncelle sur “Babylon” et un peu de synthétiseur, c’est pour mieux mettre en valeur la voix et capter tous les sons de cette session acoustique. Il dit être inspiré par Nick Cave ou Leonard Cohen. Il y aura de cela dans l’album mais ici c’est encore un morceau qui capte par son intensité progressive et les prouesses vocales du chanteur qui paraissent si faciles pour lui. Sans avoir une signature vocale marquante, il trouve ici sa singularité en couvrant plusieurs octaves avec des inspirations lyriques ou arabisantes. C’est le cas encore avec le titre qui donne son nom à l’album avec des choeurs féminins. Une autre guitare ou une basse suffisent à installer cette douceur. C’est mélancolique, pas forcément joyeux mais tellement beau.
Les arrangements de guitare sont très réussis comme cette intro de “Sanpaku” pour un morceau tout en douceur. Autre joli moment, ce “Sanctuary” en duo avec la chanteuse nippono-américaine Mitski. Leurs voix s’allient parfaitement autant par leurs graves que leurs aigues. Un morceau plus folk sur une relation à distance : “Is it late where you are (Is it late where you are) Does my call disturb you, In the peace of your war (In the peace of your war) In the comfort of the dark”, chanté en canon. On peut être surpris par l’ambiance plus grave et un peu jazzy de “Raven”. J’ai pensé à des premiers albums de Sting, même si les montées dans les aigus de Tamino rende cela très différent ensuite. On reste dans une ambiance feutrée pour “Willow”. “Night falls within, it bleeds through the bark, Its shadow contains a piece of my heart”. Pas de quoi se réjouir sinon de la poésie du moment. Il y également un inspiration très arabe dans “Dissolve” où il parle de ce monde que l’on trahit et un peu plus encore…Là encore la mélancolie est très présente. Les mélodies paraissent simples et pourtant cela fonctionne par l’ambiance qui est installée et la poésie des paroles. Ici on y ajoute du Oud en plus du violoncelle et de la guitare. Un long morceau qui nous emmène hors du temps.
C’est d’ailleurs le sentiment qui domine à l’écoute de l’album. C’est d’être hors du temps et de prendre simplement le temps d’écouter et réfléchir. Pas vraiment ce qui prévaut dans une musique devenue jetable avec le streaming. La pochette est aussi très sobre avec cette silhouette et ce portrait comme une montagne à gravir. Et quand l’album se termine sur “Amsterdam”, nous n’avons pas envie que cela s’arrête, comme pour rester dans cette bulle. “I’m going to my mother’s old café Where she would work when I was on the way”. Il y a aussi l’envie de retrouver son passé, de beaux souvenirs, sans rester complètement dans cette nostalgie. Un album inspirant.