Descender de Lemire et NGuyen (2015-2018)
Voici une saga en 6 épisodes qui mèle le space opera à des thèmes plus récents, puisant ses inspirations dans des classiques du genre SF. Une réussite qui met un peu de temps à démarrer, comme si le récit avait été construit d’une traite.
A l’origine ce ces 6 tomes, il y a le scénariste canadien Jeff Lemire qui a beaucoup travaillé sur d’autres comics, indé ou pas (DC…) )et a reçu un Will Eisner award pour Trillium, Black Hammer, … Bref, un auteur chevronné. Et à ses côtés, pour mettre tout ça en image, il y a Dustin Nguyen, un habitué des derniers batman de DC et qui a obtenu le prix Eisner pour son dessin avec cette série justement. Mais avant d’aller plus loin, voyons le sujet plus en détail.
La galaxie se remet péniblement du traumatisme causé par l’apparition, il y a dix ans, des Récolteurs, des robots de la taille d’une planète qui surgirent en plusieurs points de l’univers pour détruire les êtres vivants, les humains au sens large. A la suite de cela, il y eut la révolte des machines contre les Hommes mais aussi des Bot-groms perpétrés par des humains mais aussi les Gnish’iens, peuple guerrier rival des humains et surtout de la CGU, conglomérat qui dirige l’univers. C’est dans cet univers en pleine reconstruction que s’éveille Tim-21. Sans le savoir, le petit droïde cache dans ses circuits imprimés l’héritage et les véritables intentions des Récolteurs. Un secret dont tous les gouvernements de la galaxie rêveraient de s’emparer.
Si Tim-21 est le personnage centrale de la saga, il y a d’autres personnages importants qui s’entrecroisent au fil des albums. Tim-21 rappelle un peu le héros du film A.I. adapté d’une nouvelle (Les Supertoys durent tout l’été) de Brian Aldiss. Ce n’est qu’une des inspirations de l’auteur mais aussi du dessinateur. Car on pense à Star Wars, à Star Trek, entre autres pour le design des peuples et le rôle des humains là dedans. Il y a Quon, le savant qui est présumé être le “père” de Tim-21. Pour aller le chercher, on envoie la capitaine Telsa, fière représentante de la CGU. et puis ensuite, on se demande ce qu’est devenu Andy, l’enfant dont Tim-21 était le compagnon de jeu…Et qui n’a pas été retrouvé sur la planète minière. Ces personnages apparaissent peu à peu au cours des 3 premiers tomes pour construire ce véritable Space Opera. Car l’enjeu est multiple entre les quêtes personnelles de nos héros et le destin de la galaxie entre la C.G.U., les Gnishiens et les robots révoltés.
Si Dustin Nguyen a eu un prix pour ces albums, c’est parce qu’ils sont réalisés à l’encre et l’aquarelle. Ce n’est pas la première fois qu’il use de cette technique mais il atteint là la maîtrise parfaite, sachant en plus que les albums sont parus dans une période plutôt courte. On voit le grain du support utilisé puis peu à peu on l’oublie pour voir les personnages vivre, les décors se magnifier avec notamment des villes spatiales grandioses, des planètes différentes et fascinantes et leurs peuples qui ne sont pas tous humanoïdes.
L’histoire fonctionne parfaitement même s’il faut une longue mise en place dans le premier tome qui peut perdre un peu le lecteur. Il y a bien sûr des incohérences ou simplification parfois qui pourraient rebuter le puriste SF. Le jeu est parfois de trouver les analogies avec d’autres sagas ou les sources d’inspiration de l’auteur et du dessinateur. Point de super-héros ici mais on entrevoit à un moment un clin d’œil à un maître japonais qui a fait des émules, dont j’ai déjà parlé ici. Et lorsqu’arrive le dernier tome et le dénouement de la saga, il y a une envie de se replonger dans l’univers créé, d’en savoir un peu plus sur les héros, leurs failles, … Le propre d’une grande série.
Sortie avant que l’on parle d’IA pour tout et n’importe quoi, la série interroge sur le rôle que nous donnons aujourd’hui aux machines et au développement de l’IA. Ce n’est pas de la philosophie non plus mais derrière cela, il y a aussi la vision utilitariste que l’on a de toute chose, dont la nature. La planète d’où vient Tim-21 en est un peu le symbole puisque les humains voulaient piller ses ressources et que quelque chose s’est mal passé. La Terre est supposée avoir disparu ou été abandonnée pour une autre planète. On parle donc aussi de colonisation et asservissement. Là aussi le développement pourrait aller plus loin mais ça suffit pour une saga distrayante comme celle là.
Les mêmes auteurs ont aussi fait Ascender…qui se passe 10 ans plus tard. Et qui sait s’il n’y aura pas autre chose à l’avenir ?