Musique et Cinéma - Becoming Led Zeppelin de Bernard MacMahon (2025)
Comment rendre hommage à ce groupe incroyable au cinéma ? Il ne fallait pas un banal biopic insipide qui aurait réécrit la réalité mais bien un documentaire avec les vrais acteurs de cette histoire : Les Musiciens.
Et qu’importe si les fans de Hard-Rock et de Rock ont les cheveux épars ou un peu gris…C’était le public de la salle IMAX où nous sommes allé voir ce documentaire de 2h retraçant un pan de l’histoire de la musique. Cette période commence au sortir de la seconde guerre mondiale, quand des enfants anglais ont découvert la musique américaine, et notamment la musique noire, le blues et le rhythm’n blues. Pour ceux qui connaissent la musique de Led Zeppelin, le lien est évident. Le réalisateur Bernard MacMahon ne semblait pas prédestiné à retracer cette épopée, lui qui est né après ce groupe…Mais n’est-ce justement pas la preuve que ce groupe est devenu intemporel ?
Parce que sans raconter le contenu de ce documentaire, il fallait que toutes les planètes s’alignent pour que Jimmy Page rencontre Robert Plant, pour que John Paul Jones rencontre John Bonham. Chacun avait été précoce dans son art. Chacun avait du génie mais étaient encore dans l’ombre ou derrière d’autres leaders. Et puis il suffit d’une bonne rencontre, d’un évènement pour que cela fonctionne. Il n’y a pas d’autre groupe qui a réuni autant de talent avec autant de réussite. On les a appelé “Supergroupe” à l’époque et le recette a été tentée par d’autres ensuite, sans retrouver cette magie, cette alchimie. Le documentaire, après les habituelles images d’archives de l’enfance et la jeunesse, souvent inédites, tente de démystifier cette alchimie.
On revoit ainsi le trop rare Jimmy Page à l’écran en interview. Il est la tête pensante, le génie de la guitare mais aussi de la production, qui sut s’entourer. On retrouve un Robert Plant nostalgique et qui esquisse quelques confidences sur les excès et dangers du monde de la musique. Le film préfère s’attarder sur la musique, pas les coulisses. On a le bonheur d’entendre aussi le si sympathique John Paul Jones, virtuose à la basse ou aux arrangements et qui fut l’autre âme du groove incroyable insufflé à ce rock. Et puis on entend le regretté John Bonham, génie de la batterie qui s’inspira si bien de ses ainés au point de les dépasser. La genèse fut pourtant douloureuse et incertaine pour ce premier album. Le documentaire s’arrête au mythique Led Zeppelin II et c’est très bien comme ça. Car il y a déjà de grands morceaux de bravoure, des extraits de concerts incroyables ou des sessions d’enregistrement irréelles. Par exemple il y a cet enregistrement de Page à la guitare accordée façon cithare ou des soli de Bonham, des démonstrations de Plant, … sans oublier la mise en valeur de la basse de Jones. A voir surtout en Imax pour profiter du meilleur des sons, pour prendre cette musique dans les tripes.
Car si Led Zeppelin vient du blues, il a porté aussi le rock dans d’autres sphères, d’autres altitudes. C’était l’époque où l’on expérimentait sans regret. Les radios underground se permettaient de diffuser des albums en intégralité et le format atteignait sans doute son age d’or en étant total. L’accumulation des singles potentiels avec du remplissage tua beaucoup d’albums …ou d’artistes. C’est un peu le sentiment que fit passer Page en réussissant l’improbable : Avoir le contrôle total des albums. Mais loin du génie incontrôlé, il avait appris dans les studios son métier et un peu plus. Il avait l’intelligence d’écouter et de laisser faire ses comparses. On l’entend aujourd’hui parler de la volonté d’entendre chaque membre du groupe, chaque instrument dans l’album. Et le spectateur de tendre l’oreille sur cette bande son comme on ne le fait plus assez souvent. De quoi se poser la question du progrès des outils numériques qui deviennent presque carcan quand les moyens analogiques et presque mécaniques laissaient le champ à l’imagination. Il n’y avait pas que l’archet de violon sur la Telecaster offerte par Jeff Beck…
C’est un voyage dans le temps, c’est vrai mais un voyage dans le champ des possibles. Chacun des membres du groupe défia un destin tracé. Comptable, employé ou maçon, ils osèrent l’incertitude de la musique, enfoncèrent des portes, firent des paris improbables. MacMahon veut un film positif autant qu’émotionnel. Au delà même de la musique et du mythe de Led Zeppelin que l’on (re)découvre autrement, c’est aussi un hommage à la musique dans sa diversité et au Rock que l’on dit souvent mort. Il était bien vivant dans cette séance, passant de la batterie d’un Bennie Goodman’s Big Band (Gene Krupa) à l’un des riffs de guitare les plus samplé de l’histoire. A voir en mettant le volume à 11 !