Musique - The Throbs - The Language Of Thieves And Vagabonds (1991)
Il y a des groupes qui n’ont pas eu la chance d’éclore à la bonne période, celle où leur musique aurait été à la mode. Les années 80 étaient les années Hard-rock…pas les années 90. Les Throbs auraient pu tomber dans l’oubli…et c’est grace à l’intervention de mon épouse, grande prêtresse du hard-glam devant laquelle je me prosterne humblement, que j’en parle aujourd’hui.
L’origine des Throbs est au Canada puisque le chanteur Ronnie «Sweetheart» Collie est de Toronto. Pourtant ils sont identifiés comme New-Yorkais car c’est la rencontre avec le bassiste Danny Nordahl (Faster Pussycat, Hollywood Roses) qui scelle le destin du groupe en 1988. S’y ajoutent le batteur Ronnie Magri (NYC Blues devils et ayant joué avec Little Richard ou Joey Ramone) et le guitariste d’origine suédoise Roger Ericson. 1988, le Hard-rock commence à tirer la langue face à d’autres styles, au Thrash qui vient plutôt de la côte ouest des USA. Le Rap commence à montrer à faire son trou. Mais qu’importe les modes, les Throbs croient dur comme fer (ou Metal, ha ha ) à ce qu’ils font. Et Geffen, toujours à l’affut d’un groupe de plus, les signe en les faisant produire par des pointures : Bob Ezrin (Aerosmith, Deep Purple, Kiss, Alice Cooper, Pink Floyd) et Dick Wagner (Alice Cooper, Kiss, Meat Loaf). Sur le papier, tout doit fonctionner. Et en effet, l’album est une belle réalisation, tout à fait à la hauteur du concurrent de L.A. : Les Guns N’ Roses qui sortent le diptyque Use Your Illusion cette année là, chez…. Geffen.
Et tout commence sur quelques notes façon cithare avant que le son devienne heavy et que la voix de Ron Collie arrive : Une voix aux accents plus rauques, presque gutturale parfois et au son un peu serré qui sied parfaitement au style.. Et quel écrin pour cette voix que ce premier titre «Underground» ! Un titre puissant, au refrain imparable avec les chœurs derrière, un superbe solo de guitare, un break tout en douceur mais aux accents punk. Les bases du Sleaze rock sont là ! L’album continue à 100 à l’heure sur «Come down sister», sans doute plus classique dans ses riffs mais qui crie son «New York City streets again». On y trouve aussi une ambiance plus gothique que l’on retrouve en filigrane de l’album. Pourtant il y a plus de gaieté dans «It’s not the end of the world» et son piano jazzy et son ambiance plus rock’n roll le tout avec un coté décadent. L’intro de Dreaming en guitare-voix avec juste des Oh Oh est typique sleaze mais le morceau prend son temps pour décoller, bien aidé par la rythmique lourde de Ronnie Magri. On voit bien tout l’art de Bob Ezrin dans la production de ce morceau qui aurait pu sombrer dans le banal avec quelqu’un d’autre. Et justement avec «Honey Child», on fait un retour dans les 70s, ce qui explique peut-être cette pochette d’album très psychédélique : Une balade fédératrice qu’on a envie de chanter en chœur au coin du feu. Après cette pause rythmique, cela repart sur le même tempo que «It’s not the end..» avec «Rip it up». Du piano, des riffs endiablés, la voix aiguisé de Ronnie, une rythmique appuyée, on en redemande….et on imagine la puissance du morceau en live.
Mais c’est dans un «Ocean of love» plus posé que l’on continue. Des «oh-oh-ocean of love» répétitifs avant que peu à peu l’ambiance sleaze ne revienne par petite touche. Certaines parties du morceau m’ont fait penser aux… Guns et pourtant le solo n’a rien à voir avec ce qu’aurait pu produire Slash. Mais l’ambiance du morceau dans sa deuxième partie est bien de la même veine que l’Appetite for destruction des concurrents de L.A.. On revient à du classique avec le très 70s «Only way out». C’est plus planant pour ce mid tempo qui trouve pourtant sa place par la qualité de sa production, notamment par les arpèges de guitare. Cela a beau paraître d’une simplicité déconcertante, c’est imparable niveau mélodique pendant ces 6 minutes de bonheur. Alors que le «Sweet addiction» qui suit est aussi bien dans ce mélange de glam et de punk qui définissait le sleaze rock de l’époque. C’est rythmé, avec un son tranchant et brut. La voix de Ronnie gronde avec la batterie de son presque homonyme. Et après cette addiction, un petit «Ecstacy» ? J’y trouverai presque un mix entre Kiss et les Rolling Stones avec une production plus minimaliste toutefois qui n’enlève rien à la qualité du morceau. Du bon Rock’n’roll qui doit aussi donner sa pleine mesure en live, notamment ce solo de piano. Et vient alors le moment fatidique : Le dernier morceau, «Strange Behavior» dans cette édition (puisqu’il y a eu une autre édition en 2007 à la pochette plus classique). Une voix plus susurrée, une ambiance plus lourde, de beaux arpèges et le punk revient lentement mêlé à ces chœurs très glam. Le morceau pourrait presque être une synthèse de l’album en allant chercher les diverses influences entrevues jusqu’ici. Le solo, par exemple, reste moderne tout en empruntant un peu aux 70s, et l’ambiance générale est plus sombre «Don’t mind my strange behaviour, I ain’t no stranger to you». Et tout cet ensemble reste cohérent et passionnant. Bob Ezrin et Dick Wagner ont su lier toutes ses influences dans un package passionnant à écouter et réécouter. Il se dégage souvent un coté incantatoire de l’ensemble. Un grand album…
Oui mais voilà, quelque part du coté de Seattle, un certain Dave Grohl a rejoint ses copains Kurt et Krist pour commettre une révolution musicale avec un album baptisé «Nevermind». Le Grunge est né et va balayer ces années de Hard-rock et Hair-Metal. Le look glam sleaze des Throbs devient soudains has-been en même temps que ce style musical. Ils avaient pourtant tout pour réussir … s’ils étaient venus avec leur look 2 ou 3 ans plus tôt. Aujourd’hui, seuls les spécialistes du genre et quelques groupes scandinaves sleaze citeront cet album. Et pourtant en 88, ils existaient mais n’étaient pas encore dans les radars de Geffen.
Le succès tient parfois à peu de choses…Et cela n’empèche pas le groupe de se retrouver plus tard. Entre temps, Danny Nordahl sera allé du coté de L.A. pour rejoindre les «Faster Pussycat». Glam Forever !