Réflexion - La merdification condamne-t-elle ... le reste ?

Suite au premier article sur le sujet, Sima m’a fait remarqué que j’avais été un peu trop exclusif sur la technologie. De quoi élargir le sujet.

Pour reprendre exactement son commentaire, «… en effet cela fait déjà un bon moment déjà que je ne suis pas satisfait des résultats Google par exemple, il y aurait d’autres exemples. Puisque je parle moteur, ce que j’en attends c’est qu’il me donne des résultats qui ne viennent pas de plateforme commerciale et/ou «centralisante». Par exemple si je cherche avec les mots clés “recette de crêpe bretonne”, je sais que Google va m’envoyer vers “marmiton” et d’autres sites, toujours les mêmes quelle que soit la recette demandée d’ailleurs. Alors qu’en utilisant Mojeek c’est mon principal moteur de recherche, il me fait découvrir d’autres sites. Est-ce que la merdification n’a pas commencé bien avant la technologie informatique ? Par externalisation de certaines tâches dans d’autres métiers… Quand j’étais mécanicien lorsqu’une vitesse craquait ou sautait ou bloquait, on démontait et changeait les synchros, voire le train fixe ou pignons en fonction de la panne. Sur les modèles plus récents, déjà à l’époque, on sortait la boite pour un échange standard. Par exemple un mécanicien qui apprend, comme l’on dit, sur le tas ! Sans faire d’école, et il n’y a pas de honte à ça, il ne connaît pas forcément les fondamentaux alors qu’il sait très bien manipuler une valise diagnostique.»

Et effectivement, il y a bien longtemps que l’on ne peut plus trouver la petite pièce qui nous manque et on préfère nous vendre un kit complet, plus cher évidemment. Tellement cher que l’on n’a plus envie de réparer par rapport à un neuf. Récemment, j’avais un problème avec un lampadaire acheté il y a pratiquement 20 ans. Ce n’est pas l’ampoule mais ça ne fonctionne plus. Et je sens comme un grippage dans l’interrupteur. C’est du moulé et si je l’ouvre, je vais casser quelque chose. Je regarde le prix d’un modèle équivalent : 10 Euros !… made in Asia évidemment. Je regarde le premier interrupteur de remplacement dans la chaîne de bricolage d’à coté : 11 Euros ! Legrand, c’est cher. Mais finalement j’ai réussi à retrouver des interrupteurs trois fois moins cher et je m’en garde un jeu d’avance pour les autres. Déjà, on a tué nous même les quincailleries en leur préférant des chaînes de bricolage où l’on ne trouve jamais la pièce à l’unité. Bilan j’ai des petits tiroirs plein de petites pièces, de vis, etc … Mais en achetant le premier truc venu sans regarder sa réparabilité, on fait la même erreur et on risque de jeter prématurément un matériel. Il y a peu c’était le réfrigérateur qui faisait des siennes pour une sonde déficiente, un kit comprenant en fait plusieurs sondes et qui coûte presque un tiers du prix d’un neuf avec la main d’oeuvre. Là encore, on a laissé faire la disparition du petit réparateur local parce qu’il n’intéresse pas la grande chaîne de magasin d’électroménager. Ouf, j’en ai un près de chez moi qui bosse un peu pour des magasins. De gros délais mais on y arrive. Il y a sinon des ateliers participatifs, des associations qui se montent un peu partout. On commence enfin à réagir.

Pourtant, en même temps, les marques se posent la question de la réparabilité ou pas. Avoir un objet qui dure trop longtemps, c’est être sur que le client n’en achètera pas un autre avant longtemps. Mais ne pas faire réparable ou faire trop fragile, c’est souvent perdre un client. Le juste milieu a petit à petit été rogné pour préserver la sacro-sainte croissance chère aux capitalistes. Prenez votre cafetière à dosettes. Elle n’est pas faite pour être démontée. On ne précise pas trop qu’il ne faut pas la nettoyer avec n’importe quoi parce que les durites ne supporteront pas le traitement. Un nettoyage régulier avec le bon produit et c’est plus de 10 ans de vie, parfois. Pour les modèles utilisant une pression plus élevée (le truc de George C…), forcément on fragilise les choses aussi. Et on peut même la vendre un peu à perte si derrière on se fait la plus grosse marge sur les dosettes. Le client n’y voit que du feu. On ne va quand même pas lui dire qu’il pourrait parfois utiliser une dosette recyclable pour mettre le café qu’il veut. Parfois on pourrait se dire simplement que la bonne vieille cafetière italienne était pas si mal, si on n’avait pas la flemme de préparer ça et de faire chauffer l’eau… et d’avoir un peu trop de café quand on peut n’en faire que 1 ou 2.

Les exemples ne manquent pas et aujourd’hui encore, dans notre volonté de consommer moins d’hydrocarbures pour se chauffer, on nous parle des pompes à chaleur. Sans parler des plusieurs types et de l’adaptabilité du logement à cela, la technologie est très souvent mal maîtrisée par les installateurs. Il y a des bases de thermodynamique…Mais il y a aussi plus de composants électroniques qui sont mis à rude épreuve, mal protégés. J’ai même vu des cables trop courts pour opérer correctement la maintenance périodique de l’engin. Pour rester dans l’électrique, je vérifie des instruments de mesure d’intensité électrique : Des pinces ampérométriques, que ça s’appelle. Il y a un enroulement de fil et une charnière. Sauf qu’à force d’utilisation, les fils se plient et finissent par perdre de leur capacité à transmettre le signal (je vulgarise)…jusqu’à ne plus pouvoir mesure correctement. Défaut de conception ou limite physique du principe, ça se discute. La solution est d’avoir un anneau fermé mais c’est plus contraignant à utiliser. Donc il faut être conscient de cette faiblesse dans son utilisation . Certains de mes clients ont un modèle qui dure 2 ans, quand d’autres arrivent à plus de 6 ans.

Malheureusement, nous n’avons pas connaissance de tous les éléments techniques pour décider dans un achat. Nous n’allons pas systématiquement voir une vidéo d’un.e type qui désosse un matériel pour comprendre comment c’est fait et ses faiblesses éventuels. Si j’avais accès à un dossier confidentiel lorsque j’ai acheté ma voiture, c’est par mon métier…19 ans après, elle roule toujours aussi bien. Je n’ai pas ce luxe pour une télévision, une perceuse, une tondeuse ou un fer à repasser. Et puis il y aura aussi l’élément prix… Certaines marques profitent d’une bonne réputation, qui est aussi parfois usurpée. L’appel à un ami ? Ah si c’était si simple de connaître les informations sur les produits vendus par sa boite…Même en discutant un peu, on ne sait pas tout. Par contre, une chose est sûre, c’est que notre civilisation de la croissance tend naturellement à cette merdification. Nous avons pourtant répondu à des besoins essentiels par le passé. Il faudrait s’en souvenir.


Ecrit le : 09/12/2024
Categorie : geek, reflexion
Tags : geek,réflexion,automobile,mécanique,capitalisme

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