Geopolitiko 4 - Minorités et génocides

Si cette année, on a beaucoup entendu parlé de Gaza et posé la question du génocide, ce n’est pas le seul endroit de la planète sujet à cela. Intéressons nous aux autres conflits de ce type.

Il y a déjà débat sur le sens juridique du mot Génocide. Il faut donc quelques définitions pour bien comprendre. Selon Wikipedia c’est «est un crime consistant en l’élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d’un groupe national, ethnique ou encore religieux, en tant que tel, ce qui veut dire que des membres du groupe sont tués, brisés mentalement et physiquement, ou rendus incapables de procréer, en vue de rendre difficile ou impossible la vie du groupe ainsi réduit. Le génocide peut être perpétré par divers moyens, le plus répandu et le plus évident étant le meurtre collectif.» Le Larousse est assez proche avec «Crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ; sont qualifiés de génocide les atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, la soumission à des conditions d’existence mettant en péril la vie du groupe, les entraves aux naissances et les transferts forcés d’enfants qui visent à un tel but.» Et donc la notion est apparue surtout au 20ème siècle dont le premier fut celui des Hereros et Namas de Namibie, par les colonisateurs … allemands en 1904. Mais rétrospectivement, l’histoire de l’humanité a connu bien des génocides comme celui des indiens d’Amérique par les colons états-uniens, des populations amérindiennes par les colons espagnols …mais plus proche de nous, nous pouvons nous poser la question sur la répression vendéenne en 1793-94, la période de l’esclavage, ou moins connu, la chute de l’empire Cham au 15ème siècle, certaines conquêtes de Gengis Khan, et la bataille de Carthage en 149 av JC. L’histoire ne sert jamais de leçon et se répète siècles après siècles dans cette soif d’autodestruction bien humaine. Penchons nous donc sur cette époque actuelle par continents.

En Afrique

Bien que le continent Africain ait aujourd’hui le nombre de conflits le plus important, il n’y a pas de génocide reconnu à ce jour au 21ème siècle. Mais reconnaître un génocide, c’est long et pourtant la situation ressemble à cela dans nombres de régions de ce continent : Le Darfour, j’en ai parlé dans le dernier numéro de Geopolitiko. En République Démocratique du Congo, la situation des Bantous et des Pygmées a été jugée comme génocidaire en 2016. La situation reste toujours tendue mais on tarde à voir des actions juridiques sur ce sujet. Le souvenir du génocide Rwandais reste encore frais et continue d’être instruit, notamment dans la responsabilité occidentale, ONU comprise. En République Centraficaine, le souvenir des violences religieuses et ethniques n’est pas encore très documenté. Peut-on aussi considérer certaines mesures politiques vis à vis des populations qui fuient les guerres à travers le nord de l’Afrique comme des génocides ? L’histoire se penchera un jour sur ce qu’il se passe en Libye, par exemple, ou ce qu’était la politique de Khadafi en son temps, suite à des accords avec des pays européens. Le fait de couler des «bateaux de migrants» a été documenté aussi bien sur les côtes africaines qu’aux abords de l’Europe (Turquie, Grèce). Et sans aller jusqu’à parler de génocide, il convient de parler du sort réservé aux albinos, dans certains pays, ou bien même aux personnes LGBT. Et puis il y a les massacres perpétrés par des groupes armées dans le Sahel qui ne sont pas encore dans le systématisme d’un génocide, mais reste importants vis à vis de communautés religieuses. Ce n’est hélas pas limité à l’Afrique. Il faut ajouter des exactions encore peu documentées autour de l’exploitation des minerais et du pétrole, comme ce que l’on voit au Mozambique. Je parle plus loin de cas similaires autour de l’huile de palme.

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En Asie

Dans le continent le plus peuplé, on continue de parler du sort des Rohingyas (j’avais écrit sur le sujet ailleurs qu’ici…) en Birmanie. Dans un cadre plus général, le pays reste en guerre civile avec de nombreuses minorités qui s’opposent à la junte militaire. Cela ne fait plus la une de l’actualité et l’ancienne dirigeante Aung San Suu Kyi reste emprisonnée. Tout n’a pas été clair sous sa direction non plus. Plus au nord, ce sont les Ouïghours, cette minorité aussi musulmane, qui subissent une répression sanglante en Chine. On peut aussi la comparer au sort des Tibétains, également en Chine. Un problème pas seulement religieux mais ethnique avec la volonté d’une unification de la Chine sous l’égide des Hans. Par le passé, on a vu le même type de politique s’appliquer au Vietnam avec les minorités montagnardes. Et puis l’ouverture du pays a montré un attrait touristique qui a en partie sauvé ces populations. Elles restent bien souvent en dessous du seuil de pauvreté et encore mal vues pour des raisons historiques.

Il y a aussi des raisons économiques qui poussent à des massacres qui se passent dans le secret. Ainsi, les expulsions et massacres pour l’huile de palme existent avec des multinationales qui exproprient des paysans, parfois des minorités locales dans les pays producteurs. Les autorités locales ferment les yeux avec une corruption bien présente et des intérêts économiques qui priment. Si le boycott de nos achats a peu de conséquences pour des cas comme les Rohingyas, il y a à se poser des questions sur notre consommation d’huile de palme et le manque de transparence sur l’origine. Évidemment, la real-politik règne et il ne faut pas se fâcher avec des pays comme l’Indonésie qui offre aussi d’autres marchés aux entreprises occidentales.

Et si on inclut le Proche-orient, il faut parler évidemment de ce qui se passe aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie avec des expulsions de population, des détournements de fleuve, de la ségrégation, et depuis Octobre 2023 des bombardements méthodiques. Il n’y aura pas assez d’années pour observer la passivité internationale qui s’explique aussi par ce lourd poids du génocide juif chez certaines grandes puissances, ou de ce qui est en cours par d’autres puissances actuelles (voir plus haut). S’ajoute aussi le cas du Liban, pays victime de ses voisins, de la localisation des sources des fleuves de la région et maintenant sous les bombes israéliennes. On n’oublie pas ce qui continue de se passer en Syrie, en Irak vis à vis de minorités, et jusqu’au sud-est de la Turquie. J’avais déjà traité du Kurdistan par le passé. Le problème reste entier et a été mis sous le tapis des occidentaux, une fois que les USA les ont utilisés pour lutter contre l’E.I.. L’opposition Chiite-Sunnite prend une tournure étonnante vis à vis du conflit Israelo-Palestinien mais reste toujours présente, notamment au Yemen. Ce n’est pas un génocide mais qui sait si un jour nous n’en verrons pas à nouveau des résurgences comme ce que l’on a vu vis à vis des Yézidis, des Coptes, …

Plus proche de nous, il y a la zone du Caucase et des risques en Arménie/Azerbadjian, ainsi qu’en Géorgie. L’Ossétie et le Daghestan sont, comme l’Abkhazie sujet à des conflits permanents, surveillés par le voisin Russe. Le pouvoir géorgien reste donc encore peu indépendant pour régler ces problèmes de minorités. L’Abkhazie, par exemple, fait partie du territoire Géorgien pour la majorité des pays dans le monde, mais est pourtant reconnue indépendante par la Russie.

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En Europe

Il n’y a en ce moment pas de génocide comme l’on a pu voir par exemple durant les guerres civiles en ex-Yougoslavie…en faisant abstraction de quelques fausses informations. Toutefois, le sort des Roms dans la Hongrie de Viktor Orban est à surveiller. Ils sont bien l’objet de discrimination voire d’expulsions et de ségrégation à l’école. Pas de massacre donc mais des difficultés pour permettre de vivre ou survivre pour ces populations. La situation conflictuelle entre populations serbes et albanaises au Kosovo reste toujours tendue mais pas de génocide d’un coté comme de l’autre. Il ne faudra pas négliger ce qui s’est passé et continue de se passer en Ukraine avec des déportations forcées, des massacres dans des localités, des viols et pas forcément que du coté russe. Lorsque le conflit cessera, la vérité pourra tenter d’apparaître. Dans le même ordre, la Transnistrie et sa population russe reste une épine pour l’état Moldave qui regarde avec angoisse l’issue du conflit Ukrainien.

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En Amérique

La situation des diverses populations amérindiennes n’est pas très enviable dans beaucoup de pays d’Amérique du sud. Au Chili, la situation des Mapuches est complexe. Il y a une baisse rapide de la population selon les statistiques officielles et qui fait débat. Ils ont bien été expulsés de leurs terres historiques pour des raisons économiques et continuent de l’être. Mais il n’y a pas de massacre proprement dit, malgré la violence qu’il peut y avoir dans ce pays. En Argentine, l’arrivée au pouvoir de Javier Milei montre aussi un retour du racisme envers les populations amérindiennes (dont là aussi les Mapuches sont la majorité). En Bolivie, c’est véritablement un souci politique entre gauche et droite (certains diront extrême…) et la reconnaissance de pratiques culturelles. Au Guatemala, la situation des Ixils (proches des Mayas), victimes d’un génocide dans les années 60, s’est améliorée avec enfin des procès des tortionnaires et responsables.

Au Canada ou aux USA, plus de génocides des populations indiennes mais la tentation de l’expulsion pour des raisons économiques est toujours là avec le gaz de schiste, les oéloducs et autres ressources du sol. Si parfois cela est négocié sans expulsion totale mais avec une rente (qui profite souvent à peu de gens…), il reste des cas scandaleux. Peut-on considérer que les ravages causés par l’alcool et le drogue créent une sorte de génocide indirect chez ses populations particulièrement sensibles ? Le problème est devenu bien plus général chez toutes les minorités de ce pays et surtout chez les plus pauvres. Que se passera-t-il lors d’un éventuel retour de Trump vis à vis des hispaniques en provenance d’Amérique centrale et du sud ? Nul ne le sait.

En Océanie

Après les sombres années de la colonisation de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, il n’y a plus de génocide ou de ségrégation manifeste. On peut regarder le sort réservé aux réfugiés qui sont parqués à Nauru, devenue une île prison (300 prisonniers pour 9800 habitants…). La Kanaky a été évoquée ici aussi mais nous ne sommes pas dans un génocide, même si l’on entend des résurgences de colonialisme et de tentation ségrégationniste chez certains politiques «loyalistes». Ce n’est pas avec ce gouvernement inféodé à l’extrême droite qu’il faut attendre une accalmie sur ce front.

Un numéro un peu plus court que d’habitude pour des problèmes qui mériteraient qu’on s’y attarde complètement. Je n’ai pas parlé complètement du sort réservé aux femmes, aux LGBT dans certains pays, du problème du viol qu’il soit culturel ou utilisé comme arme de guerre. L’humain ne semble jamais avoir de limite pour s’autodétruire. Plus inquiétant encore, c’est le peu de pouvoir des Nations Unies ces dernières décennies dans la résolution de ses problèmes. Il faudrait se pencher sur le poids historique qui continue de peser sur les épaules d’une Europe avec la Shoah mais aussi la Colonisation dans son ensemble. Les USA ont aussi d’autres faits historiques qui ne permettent plus de dire qu’ils sont le gendarme du monde. Mais le fait que le centre de gravité du monde ne soit plus le même fait aussi voir ces cas autrement. Ainsi, il devient plus difficile de défendre des critiques à géométrie variable de la part des chancelleries occidentales.

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Ecrit le : 09/11/2024
Categorie : geopolitique
Tags : géopolitique,démographie,guerre

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