Automobile - Comment les constructeurs essaient de contourner les normes
Les voitures électriques ne se vendent pas autant que prévu. Alors voilà les constructeurs qui se rabattent sur les hybrides… Mais qui trouvent encore des moyens pour maximiser les profits, quite à contourner légalement les normes.
J’avais déjà parlé des hybrides rechargeables et de la fausse bonne idée que cela constituait pour bon nombre de conducteurs qui ne peuvent/veulent pas recharger leur véhicule. L’hybride rechargeable n’a d’avantage que si on peut maximiser l’utilisation en électrique du véhicule et que la partie hybride est d’utilisation minoritaire puisqu’elle est plus lourde que dans un véhicule hybride non rechargeable. Mais ce n’est pas aussi efficace en électrique qu’une pure voiture électrique du fait aussi de cette surcharge pondérale. Le pire des deux mondes ? Pas forcément puisque des constructeurs ont ressorti de la naphtaline une solution préhistorique : L’EREV pour Extended Range Electric Vehicle ou Véhicule à prolongation d’autonomie. L’idée est de rajouter un moteur thermique qui fait office de groupe électrogène. Quand je parle de préhistoire, c’est parce qu’une société française avait fait ça sur une base de Kangoo dans les années 2000 avant de revenir à un système plus classique. C’était Cléanova avec derrière le groupe Dassault et Heuliez (RIP…) via la SVE. Un flop…Et puis BMW avait proposé cette option dans ces premières i3, autant dire qu’ils montraient le peu de confiance qu’ils avaient en leur propre conception, pourtant remarquable mais gâchée par des choix marketing et stylistique. A l’époque, on promettait 9 litres d’essence pour 180 km de plus en autonomie, soit un 5l/100 km très théorique selon les anciennes normes NEDC. Évidemment, la plus imposante Prius faisait bien mieux en hybride pur. Fort heureusement, les possesseurs d’i3 REX ont peu utilisé ce système, plus là pour rassurer, mais qui pesait son poids, si j’en crois le site spritmonitor.de.
Un indice : Le ministre du redressement productif l’a adoré
Après cette page d’histoire, voyons comme gagner de l’argent avec ces deux solutions, quand on est un constructeur :
Un hybride rechargeable baclé
Sachant que la dernière norme WLTP mesure sur une longueur de parcours connue, le truc pour afficher une consommation correcte est de dimensionner la batterie du véhicule pour cette distance. Et donc, on a vu, notamment chez les constructeurs allemands, des batteries de système hybride rechargeable atteindre plus de 20KWh, ce qui dans un véhicule électrique permet allègrement de franchir 100km. L’inconvénient c’est que c’est lourd, que ça rajoute un prix considérable pour le client, que ça consommera donc plus qu’une électrique dans le même exercice et plus aussi qu’une essence seule car il y a un autre problème. L’hybridation avait pour but initial d’apporter le meilleur des deux mondes, c’est à dire de compenser les phases énergivores du thermique par l’apport de l’électrique, et inversement. Si je schématise, on privilégie le thermique sur les hautes vitesses en stabilisé (autoroute) et l’électrique sur les faibles vitesses en dynamique (ville). Il y a donc une stratégie moteur à définir dans ce que l’on appelle la cartographie et cela prend du temps, donc de l’argent. En dimensionnant largement la batterie pour passer la norme (décidément une culture d’entreprise chez VW…), pas besoin de passer trop de temps à une cartographie spécifique du thermique, on se contente de mettre la même qu’avant ou à peine. J’ai donc vu arriver ces gros SUV de 200ch à plus de 55 000 euros afficher officiellement 0,5l/100 km selon la norme (zéro, ça aurait fait louche…), mais être plus proche de 7 à 8l/100km en réel après avoir vidé la batterie avec un poids de 1900kg. Certains clients s’y retrouveront à l’usage mais auront surtout dépensé 10 000 euros de trop par rapport à un véhicule mieux conçu et plus économe. Ce qui était de l’ordre du cas particulier, lorsque j’écrivais sur le sujet, est devenu symptomatique de l’industrie allemande dans toute sa décadence. Mais ça fait aussi des envieux ailleurs.
Forcément, ça fait un capot bien rempli
Des EREV à gogo ou pour gogo ?
J’avais vu arriver le Mazda MX30 avec prolongateur d’autonomie avec curiosité. Ils avaient été jusqu’à faire des prototypes avec leur fameux (!?) moteur rotatif, mais je ne croyais pas à une version série. mais si, ils en ont casé un dedans, sous le capot, pour apporter 75ch pour recharger les batteries…Rendez-vous compte de cette puissance excessive qui ne va pas aux roues. Seulement 85km d’autonomie pour la partie électrique et un réservoir normal de 50l pour alimenter leur groupe électrogène. Bilan, une catastrophe puisqu’on oscille entre 8 à 10l/100km dans la réalité avec un truc bruyant au possible. Un vrai délire d’ingénieur à coté de ses pompes. Et bien figurez vous que les chinois se sont dit qu’ils allaient reprendre aussi le concept, sans le rotatif mais pour caser ça dans de gros SUV électrique. Et vas y que je t’annonce de 1000 km d’autonomie sur des véhicules de 2,6 tonnes. Le truc c’est que ça contourne aussi des normes car d’un coté, on mesure l’autonomie en déchargeant totalement la batterie et forcément le thermique va aider. De l’autre la norme te mesure des émissions sur un parcours où le thermique ne se déclenche pas. Génial ! Pourquoi ça ne fonctionne pas comme espéré (j’avais oublié le coup de l’Opel Ampera / Chevrolet Volt de GM aussi dans le genre fiasco mémorable) ? Tout simplement parce que le thermique doit faire le job sans prendre en compte son domaine de prédilection. Il va même être sollicité par à-coup donnant des phases très énergivores lorsqu’on pourrait s’en passer dans une stratégie série-parallèle vue chez Toyota ou Hyundai-Kia et même Renault.
Un vrai délire d’ingénieur
A l’heure qu’il est, il y a peu de ces EREV sur le marché européen et tant mieux. Mais je crains que cela ne dure pas très longtemps, notamment sur le marché des utilitaires qui s’ouvre à de nouvelles marques. Vue les difficultés de certains constructeurs peu scrupuleux, ils pourraient voir cette technologie peu coûteuse comme une bonne occasion. En Chine, ce sont surtout des néo-constructeurs qui font cela mais j’ai vu aussi BYD proposer cela pour contrer rapidement des offres concurrentielles. C’est une véritable guerre que se livrent cette multitude d’acteurs sur le marché intérieur, ne laissant maintenant que des miettes aux constructeurs occidentaux, japonais ou coréens. Le marketing fera le reste pour faire prendre des vessies pour des lanternes. La parade pourrait venir d’une évolution des règles de la WLTP, déjà pas très bien écrite dans certains domaines. Une mesure des émissions ou de la consommation sur toute l’autonomie, par exemple serait un plus, mais aussi un coût conséquent à l’heure où les constructeurs essaient de limiter leurs durées d’essais.
A l’heure du réchauffement climatique et des difficultés de l’industrie à faire sa transition, il serait bienvenue que les têtes pensantes pensent efficacité, sobriété et surtout que ça reste accessible au plus grand nombre. A ce petit jeu, les solutions existent déjà et il suffit de travailler à les optimiser plutôt que de créer des monstres semblables aux dinosaures…Ils ont disparus justement après un changement climatique.