Littérature - Le Déluge de Stephen Markley (2024)
Il y a parfois des livres qui marquent le lecteur sur le moment, entamant des réflexions annexes. Ce pavé de 1000 pages est de ceux-là.
Merci tout d’abord à Odysseus de m’avoir conseillé cette lecture, longue lecture…Il est vrai que les thèmes me parlent : Une sorte de mélange entre une légère uchronie et un peu de futur dystopique, tout cela sur fond d’apocalypse environnemental. Mais ça ne s’arrête pas là puisque l’on suit un groupe militant radical de l’environnement, tout autant qu’une organisation politique, ainsi que des scientifiques, des publicitaires, des lobbyistes, des fédéraux, … Oui ça se passe évidemment aux USA, comme son auteur l’indique, un auteur qui a mis 10 ans à monté ce projet de plus de 1000 pages et je ne sais plus combien de personnages. Attention, si c’est un page turner, il n’est pas du genre facile, justement à cause des personnages en grand nombre mais aussi du style.
Car plutôt que de parler à la première personne ou à la troisième personne, l’auteur alterne cela, y rajoutant parfois des témoignages de personnages annexes comme des rapports de police. Et cela sans même parler des intermèdes descriptifs dans un même chapitre. C’est déroutant mais ça casse aussi la routine qui aurait rendu cette sorte de saga apocalyptique indigeste. Le sujet principal c’est donc le réchauffement climatique et ce que l’on fait pour réagir à cela. Quasiment tous les personnages sont impliqués : Certains le sont comme militant et s’opposent sur la méthode. D’autres sont des politiques ou dans l’entourage de politiques. D’autres aident des lobbyistes chez les climato-sceptiques ou chez les politiques les plus carriéristes. Et enfin il y a ceux qui profitent de la situation pour faire leur trou, comme cet ancien acteur devenu prédicateur du genre évangéliste. Un peu comme un roman d’espionnage, on est embarqué dans tous ces «camps» qui se combattent à distance, ou collaborent sans vraiment le savoir. Le lecteur se sent forcément proche d’un des protagonistes. Là où c’est intéressant aussi, c’est que chacun des personnages a aussi ses problèmes dans sa vie privée, ce qui finit par interférer avec ses propres activités : drogue, enfant, parent, .… tout y passe.
Ce qui m’a attraper dès le départ (un peu avant aujourd’hui) c’est le sujet et l’impression d’un réel probable. L’opposition entre les militants me parle. Il y a d’un coté ceux qui vont essayer de s’intégrer à la vie politique, balayant les écologistes trop mous par un soupçon de radicalité, un talent pour la communication et pour capter la jeunesse. Mais il y a aussi ceux qui ont une radicalité clandestine, adeptes de l’action très radical, jusqu’à l’attentat. Je fais souvent le parallèle avec les suffragettes anglaises qui ont obtenu un résultat en mêlant ces deux types de militantisme. L’auteur reprend très bien cela dans un cadre moderne avec des réseaux sociaux, des mondes virtuels comme de la VR et tout ce qu’on voit poindre déjà son nez comme l’IA. Face à cela, il y a les purs, les scientifiques Cassandre que l’on n’écoute pas. Il y a aussi les tenants de la solution scientifique. Et puis il y a le monde des affaires qui s’en fout du climat tant qu’il faut gagner de l’argent. Donc ils soutiennent certains candidats parfois dans une contradiction avec ce que l’on pense parce que justement il y a des écologistes de façade, des opportunistes. Le coté politique du roman est riche et très américain dans le contexte, actualisé d’ailleurs jusqu’au plus proche des dernières élections. L’auteur ne pouvait pas tout prévoir mais a un coté prophétique qui peut faire froid dans le dos.
Car dans le roman, c’est l’apocalypse avec les énormes feux puissance 10 de ceux déjà connus, les inondations et les cyclones qui détruisent le sud-est du pays, et j’en passe. On y ajoute la radicalité politique de l’extrême droite, la répression des migrants et des minorités religieuses. Trump est vu comme juste un enfant de cœur, prémisse de ce qui pourrait suivre. Markley ne va pas jusqu’à prophétiser sécession ou guerre civile mais chut, je n’en dirai pas plus…Là où ça devient intéressant, c’est que ça nourrit aussi la réflexion autour de ce futur probable pour d’autres régions du globe. Il ne développe pas les cataclysmes sur d’autres pays, en parlant à peine, mais il y a forcément des changements de régime en face des USA. La réponse scientifique est toute aussi désordonnée que lors du SARS-CoV2 avec tous les intérêts économiques en jeu. Le bandeau citant Stephen King à propos de ce livre est certes un peu commercial mais il y a des similitudes avec certaines des plus grandes réussites du maître King. Le principal souci, c’est la longueur puisqu’au delà des croisements des destins, l’issue est plus ou moins connue. Comme ceux que l’on n’écoute pas aujourd’hui, on peste sur ceux qui n’écoutent rien, n’en font qu’à leur tête, vont trop loin. J’ai évidemment mes préférences dans les personnages et je regrette parfois un manque de développement sur une période donnée. Il en va ainsi … 1000 pages c’est déjà beaucoup et ça donne quelques longueurs plus ou moins nécessaires. Un livre qui offre matière à de nombreux débats par les hypothèses qu’il réunit, sauf sur la réalité du climat et de ses conséquences.