Cinéma - Le chateau solitaire dans le miroir de Keiichi Hara (2022)
Adaptation d’un roman de la romancière Mizuki Tsujimura, également adapté en manga par Taketomi Tomo, ce film est un petit chef d’œuvre passé inaperçu.
Il est vrai qu’il n’a pas la flamboyance visuelle d’un film de Ghibli ou de Makoto Shinkai. J’avais déjà traité d’une oeuvre de Keichii Hara, Wonderland le royaume sans pluie. Celui qui a fait ses armes sur le personnage de Doraemon, commence à se faire un sacré beau palmarès de films. Mais cette fois, il m’a bouleversé comme rarement. Cela tient sans doute beaucoup à l’histoire originelle mais encore fallait-il savoir comment la mettre en images.
Kokoro est une jeune collégienne qui refuse de retourner dans son établissement car cela provoque en elle une angoisse insupportable. Mais un jour, le miroir de sa chambre se met à briller et elle se retrouve dans un chateau magique perché sur une petite île au milieu de l’océan. Elle y retrouve 6 autres collégiens qu’elle ne connaît pas. C’est une fillette en costume de chaperon rouge avec un masque de loup qui leur donne pour mission de trouver la clé cachée dans le chateau. Mais ils n’ont que quelques heures dans la journée pour explorer le chateau. Le reste du temps, ils reviennent chez eux. Qui sont-ils et quel est le lien entre eux ? Et qui est ce loup qui les menacent s’ils ne partent pas à l’heure ? Quel vœux feront-ils s’ils trouvent la clé? Autant de secrets que le film distille patiemment.
Il faut en effet près de 2h pour comprendre tout ce conte moderne. En dehors de ce chateau qui paraît assez lisse d’aspect, on reste soit au collège avec Kokoro, mais surtout chez elle avec sa mère, femme au foyer, seul le père travaillant. Oui, le Japon reste encore ainsi. Je ne peux donner plus d’indices pour tout comprendre, cela gâcherait ce film. Mais vous l’aurez un peu compris : Le sujet principal est le harcèlement scolaire. C’est le mal qui ronge Kokoro, en proie à une bande de filles dans sa classe qui n’ont même pas besoin d’internet pour exercer pression et menaces sur la pauvre collégienne. On découvre très vite que d’autres collégiens du groupe semble avoir quelques similitudes…Mais pas tous. Alors que se passe-t-il ? Keichii Hara met remarquablement en scène ce mystère et la tension qui s’installe au fil des mois pour retrouver la clé. On en sait peu à peu plus sur les participants à ce «jeu» mais sans comprendre. C’est aussi un jeu pour le spectateur. Mais c’est surtout une galerie de personnage qui nous rend forcément proche de l’un d’eux…soit pour quelque chose qui nous est arrivé ou dont nous avons été témoin.
Bref, préparez les mouchoirs, sans prendre le grand modèle «tombeau des lucioles». Il y a du positif tout de même dans cette histoire émouvante. La solidarité et la cohésion du groupe sont des valeurs très japonaises, dont parfois on ferait bien de s’inspirer. Le film est touchant par les problèmes qu’il soulève et qui sont universels….hélas. Cela pourrait aussi se passer en France, aurait pu se passer aussi dans d’autres pays d’Europe, d’Asie, d’Amérique du nord. On interroge aussi le rôle des adultes, des enseignants sur l’aveuglement qu’il peut y avoir. Ce n’est déjà pas facile pour une victime de parler de cela. C’est très facile d’être dupé par ces tortionnaires d’une dizaine d’années. J’ai ainsi peu de confiance dans l’humain quand je vois ce qu’il est capable de faire vis à vis de ses congénères, si jeune. Et tout cela est magnifié par l’excellente partition de la compositrice Harumi Fuki, qui n’a maintenant rien à envier à ses pairs. La fin du film explique aussi la pauvreté des décors, mais chut… le meilleur moyen de comprendre, c’est bien de le voir dans une séance de rattrapage. Un film qui me paraît aussi parfait pour aborder ce sujet avec des élèves. J’aurais presque tendance à penser que ceux qui ne pleurent pas ont quelque chose à se reprocher…vous me direz ce que vous en pensez, hein ?