Suite et fin de ce petit journal d’une campagne inattendue, embarqué dans le second tour.

L’enjeu était déjà d’être au deuxième tour dans ma circonscription et mieux encore d’être en position éligible. C’est fait. En si peu de temps, nous ne pouvions couvrir et réveiller tous les électeurs, surtout que nous n’avions que peu de matériel de campagne à part quelques tracts relativement neutres vis à vis de cet attelage de la gauche qu’est le Nouveau Front Populaire. Donc pas ou peu de porte-à-porte, du tractage direct, des «boitages», du collage… Le problème de l’abstention reste important mais nous avons limité les dégâts dans les bureau de vote très favorables à la gauche et qui avaient manqué en 2022. Mieux aussi, nous avons réussi à tenir plutôt en majorité les affichages publics. Mais combien d’arrachages, combien d’affiches officielles dégradées ou arrachées qu’il a fallu mettre chaque jour. Cette campagne a été bien plus violente que les autres, nous disent les plus anciens militants. Mais ce n’était rien par rapport à la campagne médiatique.

Pendant ces trois semaines de campagne, rien n’a été épargné à La France Insoumise et par extension à ses alliés. Parti de la paix et du droit international, voilà que l’on nous qualifie d’antisémites. Une vieille ritournelle dès que l’on s’attaque au gouvernement d’extrême droite israélien, où que l’on soit dans le monde. Imaginez que l’Afrique du Sud doit être un pays d’antisémites, comme l’Espagne aujourd’hui, pour ces gens. Mais avant, ces attaques ne venaient que de militants pro-Likoud et/ou d’extrême droite israélienne. Maintenant, c’est un «élément de langage» trouvé par le RN et les Macronistes (tiens, curieux cette proximité…) et repris par quasiment tous les médias télévisuels et éditocrates. L’instrumentalisation des juifs dans cette campagne est dégueulasse et dénoncée heureusement par les juifs modérés (il en reste mais on ne les interroge jamais). Car ne nous trompons pas, en qualifiant d’antisémite tout opposant à la politique de Netanyahu, on fait plus POUR l’antisémitisme que CONTRE. On propage cette idée les juifs sont puissants, manipulent,… les arguments justement affichés par les nazis dans les années 30, ou les antisémites après l’affaire Dreyfus. Mais si ces influenceurs télévisuels propagent ces insanités sur la gauche et LFI, c’est surtout parce que le programme de la gauche mettrait en danger leurs maîtres, les grandes fortunes qui possèdent les médias aujourd’hui en France, mais aussi leurs propres privilèges à travers le retour de l’ISF, le barême des impots qui s’attaquent aux ménages touchant plus de 4300 Euros (soit 8% des Français).

Et si cette campagne dégueulasse accuse de tous les maux la gauche et utilise Mélenchon comme un épouvantail, cela ne s’arrête pas là. Alors qu’il y a une centaine de candidat.es réellement racistes et/ou violents parmi les candidat.es du RN, ces même médias les masquent, l’oublient et drapent ainsi le parti de la haine d’immenses vertus, s’attaquant mollement à un programme économique faisant des cadeaux aux plus riches à coup de ristournes fiscales, baisse des cotisations (et pas charges), de la TVA, etc…un bon vieux programme de droite libérale. Le paroxysme du dégueulasse a été atteint lorsque dans le dernier débat de premier tour, le premier ministre Attal a brandi un site internet faisant soit-disant le calcul des montants de retraite après le programme du NFP… Évidemment un site mensonger, basé sur un amendement de Jérôme Guedj (PS) mais mal retranscrit volontairement. Il a fallu une menace judiciaire de LFI pour qu’il soit retiré. Le mal a été limité mais démontre une fois de plus que le parti des «Fake News», c’est bien celui de Macron et son allié tacite, le RN. Tout cela n’a fait que continuer depuis la fin du premier tour avec des mensonges pour justifier de ne pas faire «le front républicain» face au danger du RN. SI tous les candidats de gauche arrivés 3ème se sont désistés, ce n’est pas réciproque chez les candidats Macronistes, qu’on ne peut plus appeler centristes. C’est le flou artistique et seuls une petite poignée d’historiques du Chiraquisme ont rappelé les fondamentaux. Le pays est divisé comme jamais et l’on voit le Macronisme explosé entre ceux qui reconnaissent (un peu) le fait que la Gauche n’est pas diabolique, et les autres qui se rapprochent peu à peu de leur ancienne famille, la droite. Petit à petit, nous allons retrouvé un bipartisme mais bien plus extrême et à droite qu’avant.

Mais dans tout cela, la France Insoumise risque de se retrouver isolée à gauche. Et c’est là qu’est le piège qui me fait douter de la suite. Je vois bien se dessiner des tentatives de coalition comme ce que l’on voit en Allemagne ou d’autres démocraties du nord. Cela serait des dissidents LFI vers l’aile gauche de la Macronie, voire quelques candidats d’une droite sociale chrétienne. J’avais déjà écrit par le passé que la Gauche ne pourrait pas gagner sans se modérer pour dépasser le plafond de verre de Mélenchon. Mais la situation n’est plus vraiment la même car c’est quitte ou double. Si une alliance empêchait le RN d’accéder au pouvoir cette fois, il y a l’échéance présidentielle de 2027. Or, il y a trop peu de temps pour reconstruire sur le champ de ruines laissé par Macron. Il y a trop peu de temps pour adoucir le programme du NFP pour qu’il convienne aux pseudo-centristes et ce n’est pas ainsi que l’on sortira de l’ornière. Il y a trop peu de temps pour lutter contre ces médias d’extrême droite et leurs sbires zélés. Mon doute, c’est sur la solution à adopter. La théorie qui veut que laisser le pouvoir au RN les discréditera ensuite est suicidaire. L’extrême droite ne laisse le pouvoir qu’après une catastrophe. La France risque de s’embarquer dans une période d’instabilité parlementaire de trois ans, qui là aussi risque de ne pas abîmer autre chose que la Gauche puisque l’on épargne tout au RN. Et si Marine Tondelier (EELV) parle de respect du programme tout en ouvrant à une alliance, c’est de la communication car au sein même de son parti, on voit la difficulté du consensus. Ce n’est pas dans la culture française et ça ne changera pas en trois ans.

Alors, je m’attends à des trahisons, à des arrangements qui feront encore un peu plus le jeu de l’ennemi. C’est une véritable guerre. Et c’est une résistance patiente et discrète qu’il faudra mettre en place pour reprendre la main, comme la machine implacable du RN a mis du temps à se mettre en place avec des appuis de quelques puissants. Le rapport de la CNCDH mettait en avant le basculement raciste de la France opéré en 2 ans surtout. Il faut faire machine arrière, inlassablement, et ce sera épuisant. Je n’en ai pas l’énergie aujourd’hui pour aller contre chaque propos d’électeur RN car l’énergie est dans d’autres actions. Mais il faudra arriver à débrancher la machine à image qui continue à laver les cerveaux que cela soit à la TV mais aussi sur les réseaux (dont des bots russes semblent s’occuper aussi pour manipuler les tendances), et maintenant le cinéma, la littérature depuis que Bolloré et d’autres rachètent des maisons d’édition ou de production. La lutte semble déséquilibrée ? En réalité, ils n’ont que très peu de militants, quand la gauche en a encore pléthore, notamment dans ceux qui font l’éducation aujourd’hui. Ne pas se résigner, résister, voilà ce qui se profile. Et en même temps, il faudra survivre et encaisser les coups dans un pays qui continuera d’être abîmé. La vision peut paraître pessimiste mais je veux croire que par ces valeurs de Liberté, Égalité, Fraternité, nous nous relèverons, nous irons contre cet individualisme qui nous mine, même dans les rangs de la Gauche.

Le doute, je continue à l’avoir aujourd’hui sur les personnalités de gauche qui pourraient incarner le futur. La politique française est ainsi faite qu’elle personnalise tout. Il faut des leaders, ces monarques cachés et leur cour. C’est évidemment une erreur mais l’humain est souvent égocentrique par nature. Alors en Politique, c’est pire car il y a le pouvoir comme but ultime. Je ne sais pas qui l’aura au soir de ce second tour. J’espère juste avoir contribué au «moins pire» dans ma circonscription et poursuivre ma propre réflexion sur les moyens et outils pour le futur. Quelqu’un me disait qu’un militant reste toujours un militant…Sans doute et ça n’entame en rien mon militantisme sur la cause animale. Quand on aime les animaux, on aime aussi l’animal humain. Le drame de notre futur est aussi que la première présidente pourrait être d’extrême droite…et aller contre l’émancipation feminine et tant d’autres valeurs du féminisme. Là aussi, il semble y avoir un véritable clivage dans la société entre des générations qui pensent que l’on en a assez fait, voire trop, pour l’égalité des sexes (dont des femmes) et ceux qui sont pour un progrès toujours plus grand pour les femmes mais aussi pour les minorités afin de tendre à cette égalité réelle. Inutile de vous dire de quel côté je pense et de quel côté la France risque de basculer. Au delà de la politique politicienne, c’est à une résistance qu’il faudra se consacrer face aux attaques qui seront nombreuses, quelque soit le résultat de dimanche. Et si vous ne vous sentez pas concernés, dites vous qu’après les minorités, ce sera vous qui deviendrez une minorité pour une raison ou une autre. Résistance !