Blog - Journal de Campagne 1
Je sais, j’avais dit que je ne rempilerai pas. Mais voilà, Macron en a décidé autrement, et me voilà embarqué dans une campagne express contre l’arrivée de l’extrême droite en France.
Pour être tout à fait honnête, j’ai essayé de maintenir le groupe d’action en vie durant ces deux ans. Après la défaite locale aux législatives 2022, ce fut déjà dur de retrouver l’envie. Encore plus dur après la campagne contre la réforme injuste des retraites. Nous avons fait les Européennes à minima, parce que d’une part je n’étais pas d’accord sur la mise en avant de Gaza comme sujet (même si le sujet doit être traité par ailleurs…), et je n’étais pas forcément d’accord non plus avec les déclarations et agissements de certains ténors du parti durant ces deux ans. Si «la fureur et le bruit» sont intéressants pour se faire connaître, cette stratégie finit par desservir et nous rendre inaudibles, voire repoussants vis à vis de l’ensemble de la gauche…donc le vote plafonne. Je reste persuadé que la vote pour Manon Aubry aux européennes a fini par augmenter quand justement elle a pu parler elle même d’autres sujets que Gaza…même si le sujet Palestine a fait «surperformer» dans quelques quartiers. Le clientélisme, très peu pour moi… Et c’est sans doute pour ça que je ne suis pas fait pour la politique. Bref, depuis Macron a (encore) pété un boulon et aidé un peu plus encore l’extrême droite à arriver au pouvoir. Oh il n’est pas seul depuis 15 ou 20 ans, Sarkozy, Hollande et les médias ayant aidés à repeindre le parti de Marine Le Pen, opportunément renommé à la suite d’une faillite et de la reprise en main de la fille de son père.
En fin de campagne des européennes, je m’étais dit qu’il faudrait installer la campagne sur le long terme dans les trois ans à venir pour que Les Insoumis soient présents et connus dans les quartiers. Quelques matériels génériques pouvaient aider…Mais aussitôt après, branle-bas de combat avec cet appel de Ruffin et d’autres à l’unité, un «Front populaire» nouvelle version et du matériel de campagne créé très vite au siège, mais disponible un peu moins vite. J’ai passé les commandes et je suis allé chercher tout ce que j’ai pu. Un rapide calcul du besoin en affiche dans les villes que nous couvrons dans la circonscription nous ont mis à l’abri du besoin. Ce fut plus difficile pour les tracts mais heureusement, les groupes des différentes villes sont solidaires. Aussitôt l’annonce des élections faite, de nouvelles personnes se sont inscrites dans le groupe. Ne rêvons pas, beaucoup l’ont fait par curiosité et n’imaginent pas le boulot ou l’énergie que ça représente pour que ça fonctionne un peu. Et encore, nous avons à progresser sur bien des points. Donc nous en avons vu peu sur les actions mises en place et je pense qu’à terme, ça ne fera qu’une personne en plus. J’ai appelé ou contacté toutes les personnes une par une, les anciens compris. Mais comme c’est une période avec des départs en vacances, c’est compliqué. Ajoutons à cela le fait que les inscriptions sur les listes ont été bloquées rapidement, et c’est un bordel sans nom. Madame et moi avons pris sur nous pour réaliser les collages pendant que j’ai battu le terrain modestement avec les quelques militantEs volontaires. Car oui, il y a une majorité de femmes et on devrait ne pas l’oublier en haut lieu. Ce n’est pas pareil dans toutes les villes, mais dans ma ville, c’est le cas avec aussi une population plus «riche» que dans d’autres villes, moins «racisée» (je déteste ce mot aussi…).
Le problème c’est que nous sommes dans une circonscription PS. J’ai essayé de garder un contact cordial avec le PS local, ça peut aider pour la suite, notamment les municipales. Les scores des Européennes ont été plutôt corrects : 13% pour LFI dans une des villes (et 35% dans un des quartiers les plus pauvres), 10,3 % dans l’autre soit légèrement au dessus de la moyenne nationale. Le PS était à 16% et 15%….mais le RN est subitement passé à 19 et 22%, autour du niveau de Renaissance ici, alors qu’il était loin derrière il y a 2 ans Il s’est donc passé quelque chose et c’est le ras-le-bol matérialisé par le matraquage de l’immigration comme sujet dans les médias et l’omniprésence du RN durant les Européennes. Ajoutons à cela que nous avons hérité du pire candidat possible pour les insoumis : Un éphémère ancien ministre de Macron qui a démissionné à la suite de la loi immigration justement (vous savez, celle inspirée par… le RN), qui a travaillé avec Borne, Valls, Cazeneuve. J’ai rencontré le type deux fois et contrairement au PS idolâtre de tout, j’ai vite jaugé ce gars comme trop libéral, pas très synthétique dans son discours, peu charismatique. On fera avec… Même si je ne le vois pas défendre des sujets qui me tiennent à coeur, comme l’abolition de la Corrida, par exemple, ou même une retraite à 60 ans, alors qu’il a travaillé à cette réforme inique.
Voilà le contexte mais c’est l’ambiance globale du pays qui m’a marqué. Je connais ce qui se passait dans les années 30, avant et après le front populaire de 1936. Bien que dans un contete différent, il y a des similitudes. L’antisémitisme a été remplacé par l’islamophobie, mais il y a eu à nouveau un antisémitisme exprimé à cause du conflit en Palestine et des massacres qui y ont lieu quotidiennement. Le taux de cons dans la population étant sensiblement le même, il faut juste un catalyseur pour l’exprimer. Bref, nous avons un climat de haine générale, de peur aussi installée par Macron et ses sbires sans scrupules ni convictions, sinon la conquête d’un petit pouvoir personnel. Tous les jours, mes collègues se lâchent au café contres les étrangers, les musulmans, le mythe d’un argent donné à ceux qui ne font rien, etc…Trop de sujets et pas assez de temps pour démonter ces mensonges. Mais je ne m’attendais pas à ce que la campagne soit encore plus violente et dégueulasse qu’en 2022. Les médias attaquent sans arrêt ce «nouveau front populaire» avec des mensonges, des contre-vérités, d’autant plus quand certains dirigeants sont assez stupides pour donner le flanc à la critique. Qui pour bâillonner Mélenchon Assurancetourix qui chante souvent faux ces derniers temps !? On peut le remercier d’avoir bâti la France insoumise sans tout laisser passer. Mais ça, on verra plus tard, l’urgence n’est pas là. L’urgence, c’est de faire comprendre que le RN reste et sera un parti d’extrême droite, prêt à tous les mensonges pour faire croire qu’il est pour le peuple mais qui a des opinions libérales voire ultralibérales, à destination des commerçants et des grands patrons, mais surtout qu’ils démonteront toute la structure de la société pour supprimer les libertés, ne plus parler d’égalité et user de la menace. Ils ont déjà la police et l’armée avec eux, on le sait par des sondages. Ne manquait que le pouvoir suprême et quelques lois d’exception (c’est fait grace au J.O. et à l’état d’urgence permanent).
Sur le terrain, ce n’est pas encore sensible. Mais la Gauche diabolisée est mal vue encore par certains électeurs. C’est le monde à l’envers. Certains électeurs RN nous cracheraient bien dessus. Il n’y a qu’à voir le nombre d’affiches arrachées, dont celles des panneaux officiels (750 euros d’amende selon la loi). Nous avons vu un type en arracher une juste après notre départ d’un panneau : Le look caricatural du raciste, 60 ans, crané rasé, musclé et tatoué, habillé en noir, la mine patibulaire…une sorte de vieux skinhead qui retrouverait sa jeunesse, surtout quand il est avec 5 ou 6 potes du même genre. Mais dans les quartiers dits Populaires, nous sommes bien accueillis. Nous voyons bien tous les jours les difficultés des gens à subvenir à leurs besoins. C’est une mère obligée de redonner des articles à la caisse car elle n’a plus de quoi payer, c’est un monsieur qui compte chaque centime de gasoil à la pompe, ce sont des voitures qui ne sont même plus utilisées faute d’essence et de réparation et qui dorment sur les parkings en attendant des jours meilleurs. Et sinon, ce sont les enchaînements de crédits pour donner l’illusion de vivre comme tout le monde. Et côté insoumis, c’est un sentiment complexe entre besoin de faire perdre le RN et difficultés à se mobiliser pour un candidat qu’on sait ne pas défendre réellement nos valeurs à terme. Beaucoup se mobilisent dans d’autres circonscriptions «insoumises», même s’il y a parfois peu de chance de gagner. Je suis dans une «swing circo», une circonscription indécise qui peut basculer dans un des trois camps à venir. Le comportement du PS local reste un problème avec la tentation hégémonique du passé, d’autant que les militants ont dépassé souvent les 70 ans. On ne les voit toujours guère sur le terrain, à part pour faire les courses. Oh, l’age est aussi important chez LFI pour une majorité mais ça reste plutôt 50-60 ans plus quelques jeunes et des membres de l’éducation nationale.
Le curseur de la vie politique française est complètement à droite si bien que l’on qualifie d’extrême gauche les insoumis, alors que le programme est moins à gauche que Mitterrand en 1981. La conseil d’état a d’ailleurs remis les choses au clair en rappelant que LFI est à gauche alors que le RN est bien à l’extrême droite. Mais les médias continuent leur matraquage à longueur de journée, à part quelques intervenants favorables dans quelques journaux TV régionaux ou rédactions du service public. Ca devient rare et on entend même parler de purges à France télévision, après celle lancée par Radio France. Je me surprend maintenant à avoir peur du lendemain dans un pays acquis au RN. Ils peuvent connaître où je vis, me harceler et je vais finir par me sentir comme un résistant durant l’occupation si cela dérive vers le pire. Ils en sont capables, lentement, sournoisement d’abord en attendant 2027 pour les pleins pouvoirs. Surtout qu’il n’y aura pas de législatives dans la foulée de la présidentielle. Oh, je ne vais pas dérouler les arguments ici contre eux, sinon rappeler leur incapacité à diriger des municipalités (voir Fréjus..), la nullité de Bardela qui n’a jamais travaillé et ne connaît rien à la vie économique de ce pays. L’histoire jugera tous ceux qui préfèrent aujourd’hui le RN à la gauche, ceux qui votent contre leur caste, leur religion…J’ai presque l’impression d’être en Allemagne dans les années 30, sauf que Macron n’est pas Hindenburg. C’est Néron…Les banlieues brûleront sans qu’il ait à mettre le feu. Il couve déjà et ce n’est pas la pluie abondante qui suffira à l’éteindre. A suivre avec les soucis internes de la gauche, les purges à LFI ou le coté «division» sur des détails…