Réflexion - Un mois pour rien ?
Il y a un mois, on votait pour les législatives. Je n’avais pas de grandes attentes et pourtant il y a eu une courte victoire… relative. Malgré cela, c’est l’impression que rien n’a changé. De quoi dégoûter l’électeur et le militant ?
La semaine d’après les législatives, les militants du groupe fêtaient cette première victoire, même si nous ne nous faisons guère d’illusions sur le devenir de «notre» candidat, cet ex-macroniste déçu plutôt que vrai socialiste de gauche (il faut vraiment préciser maintenant, c’est compliqué…). Même pour la présidence de l’assemblée nationale à venir, nous avions vu venir la petite alliance avec les «Républicains», ou même avec le RN de Chenu, très copain avec Yael Braun-Pivet. C’est là que le discours «barrage» des macronistes est largement hypocrite, évidemment… Et c’est aussi là qu’il faut différencier l’observateur politisé que nous sommes en tant que militant, du «péquin moyen» qui ne voit ça que distraitement à travers les unes des médias, quels qu’ils soient. Pour le second, cela apparaît comme des magouilles pour avoir des postes, des avantages (logements de fonction, supplément de subventions ou indemnités…). Ce n’est pas totalement faux mais il y a des rapports de force qui se jouent aussi ici pour toutes les questions de règlements et de budgets de l’assemblée nationale, ainsi que l’agenda pour examiner les différents projets de loi. Le prochain jalon important va être le budget de l’état et selon le gouvernement en place, cela sera plus ou moins important.
Donc, quelques jours après notre apéro de victoire, nous voilà à passer la journée à observer les déclarations, les accords et suivre le 1er tour, le 2ème tour et enfin le 3ème tour qui a décidé de la présidence de l’assemblée. Il s’en est fallu de quelques voix pour que le candidat Nouveau Front Populaire passe…Mais ces quelques voix étaient chez des indépendants qui ont été peut-être plus courtisés alors par la droite (Macron est de droite…). C’est le jeu et la gauche ne fut pas bonne sur cet exercice. Pendant ce temps, depuis le soir des élections qui ont vu la gauche virer en tête parmi les 3 blocs, tout le monde cherchait à savoir qui serait le/la premier.e ministre proposé.e. Un à une, les candidat.es étaient refusés par une composante de l’alliance, PS et LFI se disputant le leadership au sein du nouveau front populaire. Comme je l’ai déjà dit, deux philosophies s’opposent …même maintenant qu’une candidate est désignée :
- Le programme rien que le programme : On essaie d’appliquer à la lettre le programme, on joue le jeu des amendements, on passe au vote et advienne que pourra. Le risque c’est de paraître dogmatique, de sembler ne pas vouloir de changement sur ce que l’on souhaite et de risquer d’être censurer très rapidement. L’avantage, c’est de respecter à la lettre ce pourquoi les électeurs ont voté. Reste à savoir quand même si les électeurs votent encore pour des idées et des programmes et pas seulement pour des personnes….Je vais développer ensuite.
- Négocier chaque point du programme avant : Cela veut dire faire des concessions avant le passage dans la moulinette des amendements et introduire possiblement des alliances avec certaines composantes de l’opposition, comme par exemple une illusoire «aile gauche» de la Macronie dont il ne reste que Sacha Houlié, le seul qui a eu le courage de ne pas garder le lien avec l’EPR (Ensemble Pour la République, le nouveau nom de l’alliance macroniste). Là, c’est typiquement le réalisme à la Mitterrand 1983, le reniement possible de beaucoup d’éléments du programme….donc du vote des électeurs. C’est un peu faire du Hollande avec les conséquences que l’on connaît.
Le souci avec le programme du Nouveau Front Populaire c’est que c’est un tout cohérent. On ne peut pas appliquer le SMIC à 1600 Euros s’il n’y a pas de quoi financer une caisse permettant d’indemniser les plus petites entreprises, si on ne va pas chercher l’Impôt Sur la Fortune ou une taxe sur les super-profits. On ne peut pas financer certaines mesures sur l’éducation si on ne prépare pas une réforme des tranches d’impôts, etc…Car de l’autre coté, il ne faut pas oublier que Macron n’a présenté aucun programme économique en dehors de la gabegie à la Bruno Le Maire, et que le programme du RN s’est détricoté du social, qui était déjà un leurre puisque cela consistait à baisser encore les recettes fiscales et cotisations ce qui ne peut aboutir à plus de service public. Mais ça, c’est masqué par le «On n’a pas essayé»… Si, c’est aussi typiquement ce qu’un Sarkozy a fait avec là aussi une catastrophe en terme de budget de l’état. La mémoire est courte alors que tous les chiffres sont disponibles aujourd’hui pour celui qui cherche.
A travers ces deux philosophies qui s’opposent entre LFI et PS, on a vu se dessiner des clivages internes dans le PS et EELV aussi, dont chacun cherchait le soutien. Chez les Verts, il y a une ligne anti-croissance, plutôt proche de l’anti-capitalisme donc plus LFI… et une autre plus PS compatible qui parle de croissance verte. Chez le PS, c’est aussi une ligne libérale (Glucksman, Hollande..) face à une ligne moins franchement libérale sans être totalement dans l’anticapitalisme. J’ai du mal à citer une personnalité pour la représenter parce que Faure n’est pas franchement de ceux là, tentant l’improbable synthèse. Il a certainement comme seule boussole le fait de ne plus trahir les électeurs car lui se souvient de la coquille vide qu’il a reçu en héritage du hollandisme. Et donc pendant 2 semaines, on a eu droit à des allers retours, des signes de rupture du pacte et au milieu, les communistes (!!) et les verts qui tentaient de proposer autre chose. On a même parler du vote de tous les députés de gauche ce qui a effrayé LFI…enfin le staff dirigeant car au niveau de mon groupe c’était plutôt accepté, moins semble-t-il chez les militants PS et PC du coin qui y voyaient une sorte de primaire … secondaire. Oh c’est compliqué parfois de se faire comprendre entre toutes ces chapelles.
Et pendant ce temps, tout continuait à l’assemblée avec cette fois le retour de baton pour Braun-Pivet. Le bureau de l’assemblée avec les secrétaires et les questeurs est passé à gauche même si les «républicains» ont eu le fruit de leur accord. Le RN a eu droit à un cordon sanitaire façon Parlement Européen… ce qui paraît scandaleux pour les observateurs qui trouvaient ça normal à Bruxelles, cherchez la cohérence. Là aussi, c’est une question de fond sur le traitement que l’on doit réserver à l’extrême droite…quand en Wallonie ils n’ont pas l’accès si simplement aux médias et restent peu représentés parmi l’assemblée. Durant les votes, on a vu critiqué le fait que les députés LFI ne serraient pas la main du scrutateur RN…alors même que quelques macronistes faisaient de même, et que … Fillon ou Darmanin avaient faits de même 7 ans ou parfois même 2 ans plus tôt. Hypocrisie de la médiacratie… Donc par le jeu d’alliances recomposées avec les indépendants et des absences de certains pendant les votes, la bascule s’était faite de l’autre coté dans l’assemblée. Le parlementarisme, donc…Mais le président ne l’entendait pas comme ça, vivant toujours dans sa propre réalité qui lui a fait oublier qu’il est la cause de tout cela et que si c’est ingouvernable c’est que nous seulement le vote a montré 3 blocs mais qu’il a fracturé ces oppositions modérées pendant 7 ans, tout en favorisant la propagation des idées de l’extrême droite. Aussi refusait-il avec ses vagues alliés de reconnaître la possibilité même d’un gouvernement de gauche, n’entendant que celui «d’union nationale», ce qui est impossible de par les clivages qu’il a contribué à installer.
A l’aube du début des JO, le voilà qui parle donc de trêve olympique sur le politique… tout en en faisant par une interview. Et là, patatras, la gauche sort la carte «Nous avons une première ministre». Déni du président qui réinvente sa réalité, oubliant que deux ans plus tôt, lui même n’avait pas la majorité et est passé par 49.3, jouant sur la peur des républicains d’alors de perdre le peu de sièges qui leur restaient. Encore une fois, il a repris d’abord des éléments du discours d’extrême droite, déjà intégré par les «Républicains» … et si peu de ce qu’attend la gauche et ses électeurs. La messe était dite pour lui et nous en sommes au statu-quo avec la recherche d’un rapport de force pour faire plier le président. Reste à savoir comment l’électeur de base voit cela. Comme dit auparavant, il y a l’impression que chacun cherche un poste et oublie l’intérêt commun, le sort des français… En réalité, il y a un enjeu de rupture ou pas de ce qui est pratiqué depuis 30 ans par les gauches et droites libérales qui se sont succédées. Et là on en vient à ce qu’attendent les électeurs d’une élection et de ce qui les décident.
A écouter les interviews d’électeurs, il y a peu d’éléments programmatiques qui ressortent à part une ou deux mesures phares. On parle soit de la sympathie qu’inspire un candidat, soit de ses problèmes personnels, que cela soit le manque d’argent, la hausse des prix, le sentiment d’insécurité et de désordre…Et par rapport à ces problèmes, on ne creuse pas vraiment sur ce qui apparaît comme trop technique entre les tranches d’impôts, les % d’imposition ou de taxe, etc. C’est ici que la gauche a sans doute perdu son vote ouvrier par des discours trop complexes, trop alambiqués et trop techniques….et c’est ici que l’on comprend pourquoi il y a beaucoup d’enseignants dans les votants de la gauche. Sans aller jusqu’à cette lubie de faire passer une sorte de diplôme du votant (on en reviendrait presque au suffrage censitaire…), il y a des questions à se poser sur l’éducation civique mais aussi économique, mais aussi sur la teneur des discours. Si LFI a des accroches qui peuvent paraître simplistes, c’est à dessein, même si derrière il y a des éléments complexes qui sont développés. Mélenchon, quoi qu’on en pense, a des conférences très intéressantes dans un cadre d’éducation populaire, amenant les curieux à s’interroger sur des sujets ignorés comme la gestion de l’eau, l’énergie et la mer. Mais cela reste dans le microcosme du militantisme, celui qu’on qualifie de secte…
Une des idées émises par beaucoup, c’est d’aller expliquer et rééduquer à autre chose que la petite routine médiatique devenue à la solde des puissants. La réaffectation des fréquences de la Télé Numérique Terrestre en est un exemple avec le leurre de la suppression de C8 quand Bolloré garde 6 fréquences, et l’ouverture à de nouveaux milliardaires pro-business et anti-gauche radicale, plutôt qu’à un média de gauche qui aurait pu rééquilibrer les choses. La Gauche n’a pas son milliardaire pour donner le change, évidemment…Aussi ne doit-on compter que sur le décentralisé (tiens, ça me rappelle quelque chose…) et l’action locale pour contrer les puissances de l’argent. On connaît le résultat entre logiciel libre et privatif, entre réseaux sociaux commerciaux et décentralisés. Mais ne partons pourtant pas perdant. La victoire actuelle peut encore paraître amère mais elle n’est que l’aube de futurs combats pour les 20 années à venir… D’ici là, Mélenchon et autres poil à gratter / paratonnerre disparaîtront et laisseront place à d’autres, tout comme les militants comme moi s’épuiseront peut-être mais essaieront de transmettre.
LES JO sont à moitié passés…la pression monte mais rien ne se passe. La leçon des gilets jaunes et de la réforme des retraites n’est toujours pas apprise. On connaît maintenant comment s’exprime la colère dans les urnes. Mais face à un pouvoir égocentrique et aveugle, il ne reste pas beaucoup d’autres moyens que la force, celle là même qui maintient ce pouvoir en place. Et c’est tout le danger de cette situation qui pousse à l’extrémisme dans la seule hypothèse du rejet de la bonne société de toute forme de violence. Effectivement, une analyse de nos révolutions montre que si certains vont au combat, c’est bien ces castes qui ressortent toujours gagnantes ou se reconstituent sous d’autres formes. La victoire de Macron en 2017 n’était en réalité que celle d’une nouvelle caste dans une révolution de façade. L’instabilité bien française n’est pas sans rappeler le 19ème, celui là même qui semble admiré par le patronat pour le social. A suivre…on verra où.