Litterature - Sid Meier's Memoir (2022)
A force de désespérer de voir cette autobiographie paraître en français, je me suis dit que le mieux c’était de le lire en anglais. Sid Meier a accompagné les gamers depuis les années 80 jusqu’à aujourd’hui avant une retraite bien méritée. C’est intéressant d’en connaître plus.
Pour moi c’est évidemment Sid Meier’s Pirates! et Civilization dans ses différentes déclinaisons, surtout les 4 premiers. C’est un des rares développeurs/concepteurs de jeu vidéo dont le nom était mis en avant. C’était aussi un des fondateurs d’un studio mythique pour les fans d’aviation : Microprose…J’avais oublié ses débuts. Et bien tout ça nous arrive de manière presque chronologique dans ses mémoires. Développeur à ses débuts, il se passionne un peu par défi pour le jeu vidéo en se disant qu’il peut faire mieux que ce qu’il sort. Comme beaucoup, il copie un peu ce qui se fait et améliore, avant de se lancer des défis de performance, comme par exemple un jeu à 4 en simultané en 1982…Oui, avant la Wii, ça se faisait. Ou un jeu où l’on collaborait pour diriger un hélico pour l’un et le tir pour l’autre. Ok, il fallait de l’imagination avec les graphismes de l’époque mais les mécaniques de jeu étaient bien moins stéréotypées, en cette période de défrichement d’une nouvelle industrie.
Ce livre témoigne aussi de l’évolution de cette industrie qui est partie de l’artisanat, de personnes qui pouvaient programmer des jeux seuls jusqu’à aujourd’hui où ce sont de grosses équipes qui gèrent tout cela. Déjà, parce qu’avant on se concentrait sur une machine quand aujourd’hui on décline sur tout ce qui sort. Ensuite, il parle de l’arrivée des graphistes, puis des musiciens. Il a connu la vente à la boutique du coin jusqu’à des millions d’exemplaires aujourd’hui, sans perdre heureusement le fil, la passion… Quoique ? On voit une sorte de burn-out et un semblant de pause dans la carrière riche de titres. Enfin riche…Sid Meier tient quand même à remettre les pendules à l’heure en réattribuant la paternité de certains titres où le marketing avait collé son nom sur la boite. Il y a notamment Colonization. Et puis il fait aussi son auto-critique sur l’ouverture qu’emprunta CIV2 avec la possibilité de customiser le jeu, de “tricher” qui permis l’émergence de mods, d’une communauté de joueur et puis finalement aussi de clones à son jeu. Il n’y croyait pas et pourtant il eut l’intelligence de ne pas s’y opposer lorsque le développeur fit cela. Bref, comme le sous-titre du livre, c’est une “Vie dans les jeux vidéo”
Je me suis replongé alors dans la double carrière du monsieur, entre les jeux 4X (ou god games) et les simulateurs. On mettra Pirates dans la première catégorie même s’il diffère beaucoup des Civilization et Alpha Centauri. Il n’y a pas tant d’anecdotes que cela, finalement mais quelques moments de réflexion sur l’évolution du jeu vidéo. Il y a aussi le relationnel avec son acolyte de Microprose, Bill Stealey, et le divorce qui s’en suivra. Le livre est chronologique donc on voit bien le besoin d’alternance entre des projets majeurs et d’autres plutôt pour sortir de la routine ou comme une respiration. Dans ce type d’ouvrage, on aimerait avoir un peu plus de visuels pour se remémorer d’où on est parti et comment cela est devenu une industrie complexe. Par exemple Sid Meier s’occupait du son et du graphisme au début, avant de lâcher le premier exercice quand les machines ont eu plus de possibilités, puis le deuxième quand on a pu avoir de vrais standards dans le domaine de la musique, puis la qualité CD. Au passage, on a oublié le passage de Sid Meier sur la 3DO, un des plus gros flops de l’histoire des consoles.
Une ouvrage d’histoire, pour geek, passionné de jeu vidéo, vieux routier ou jeune curieux. Après la série Netflix sur cela, je vois que nous oublions un peu trop notre histoire européenne et française du jeu vidéo. Ce qui fait qu’il n’y aura peut-être jamais de traductions. En attendant peut-être un jour des autobiographies des quelques stars françaises du domaine. Il n’y en n’a plus guère aujourd’hui avec des studios de plus en plus gros et jouets de placements financiers.