Environnement - Du Nucléaire et ses à-cotés
Le Nucléaire est soudainement revenu à la mode chez beaucoup de politiques et dirigeants. Il faut montrer que l’on répond aux enjeux climatiques et vite. Mais là, n’est-ce pas un peu vite ? D’autant que la filière a souffert de bien d’autres maux que les attaques écologistes.
Alors, en préambule, il faut que je dise que j’ai été biberonné à l’énergie nucléaire. Normal, quand un parent travaille dans une énergie liée à cela. Normal quand on nous ramène des “goodies” vantant cette énergie miraculeuse. On a vu la centrale thermique du coin disparaître et on a profité des tarifs préférentiels en plus . Donc le nucléaire, c’était vu comme “vachement mieux” que le reste. Et puis, premier incident avec Tchernobyl, les mensonges d’état sur la radio-activité, même s’il faut toujours relativiser. Three Mile Island, c’était un incident lointain dont personne ne parlait. Mais là c’était à coté, en Ukraine dont la voisine d’en face était d’origine. Un nuage qui revient vers nous mais encore l’omerta, le mystère. La série viendra bien plus tard mais on doute un peu. Sauf que ce sont les russes, des centrales vétustes, pas rigoureuses dans la conception face à l’excellence française tant vantée. Non, c’est toujours bien le nucléaire. Et puis je fais le stage qui va bien dans le bon service, en relation directe avec les analyses pour valider les problèmes de corrosion, etc… Là, les incidents remontent, sous le couvert du secret. Je passe une visite médicale même si je suis très loin des échantillons radio-actifs. Mais les problèmes remontés ne sont déjà plus chez l’exploitant des centrales. Il est devenu l’œuvre de sous-traitants pour faire baisser les coûts, encore et encore, dégraisser le mammouth public et enrichir le privé. Plusieurs fois j’entends parler d’incidents qui frisent la catastrophe. Des associations et organismes sont maintenant présents pour surveiller les rejets, ou essayent de l’être. On entend parler d’affaires de sous-traitants irradiés, mal formés. Exactement ce que j’entendais aussi sans que cela laisse de trace, et cela chaque semaine. Je deviens méfiant. Et puis c’est Fukushima quelques années plus tard, les discours des spécialistes français d’abord rassurants avant qu’ils s’aperçoivent que le monstre a échappé à ses créateurs. Forcément, maintenant, j’ai un autre à-priori très différent en connaissant l’évolution des coulisses de cette production, en ayant aussi croisé d’anciens sous-traitants qui confirment qu’il y a la théorie et la pratique du terrain avec la pression de la rentabilité.
L’Uranium
Le problème du nucléaire, c’est déjà son combustible. A savoir l’Uranium sous différentes formes selon sa “préparation”. Il ne vient pas de France mais de : 42% du Kazakhstan, 13% du Canada, d’Australie, de Namibie et plus proche de nous pour 6% du Niger, ou encore de Chine, Russie. Je vous laisse deviner la complexité des relations internationales qui en découlent. On y rajoute un peu de Zirconium, du Plutonium pour le MOX. Sachant que les isotopes de Plutonium proviennent de l’Uranium. Et on retrouve encore Chine, Russie, Australie, Afrique du sud pour le Zirconium. Rien qu’avec ces trois substance, on a un des cœurs du problème de l’indépendance énergétique qui découlerait du nucléaire. La capacité de production est amplement suffisante par rapport à une consommation moyenne de réacteur. Ça ne se chiffre qu’en tonne par réacteur mais si les réserves venaient à ne plus être alimentées durablement, cela finirait par poser un problème. Surtout si c’est aussi bien géré que le reste par des personnes qui considèrent tout de manière comptable, détestent les stocks et leur coût induit. Le très pro-nucléaire Shift Project de Jancovici tient quelques ressources sur le sujet. Récemment encore, on voyait que la l’extraction et la production n’est pas sans risque pour l’environnement. Bref, comme les autres énergies non renouvelables.
le problème des Déchets
La production de déchets est souvent avancée comme le problème numéro 1 du nucléaire et n’en fait pas une énergie renouvelable. Il faut relativiser tout cela. Car un déchet c’est une masse mais aussi une dangerosité. Dans le meilleur des cas, on estime à 300 ans la radiotoxicité à faire “disparaître”…On dira plutôt pour arriver à un seuil de non dangerosité. C’est beaucoup et déjà après un traitement, donc un transport préalable…donc une pollution, une énergie supplémentaire. Mais soit, il y en a pour d’autres types de déchets liés à l’énergie. En masse, c’est officiellement 2Kg par Habitant pour la production annuelle française, selon les chiffres EDF. 120 Millions de kilos…120 000 tonnes ? Le gouvernement parle de 1,5 millions de m³ pour tous les déchets radioactifs en équivalent conditionné. Pour comparer, on est à plus de 300 millions de tonnes de déchets annuels en France dont 12 millions sont dangereux. Par comparaison, l’Allemagne est au double, le Royaume-uni à la moitié. Donc pris comme cela, ce n’est pas énorme, évidemment. Pourtant, se voit-on vivre à coté ou au dessus de ces déchets ? Pas vraiment et on le voit à Bures où l’on prévoit seulement 85 000 m³ pour les plus radioactifs. Le refiler aux copains, pas question non plus. Donc il y a un véritable problème d’acceptabilité de ce déchet, bien au delà du volume et de la durée. Je vis à coté d’une plaine dans laquelle on enfouit aussi des déchets moins dangereux, à quelques kilomètres…et on a recouvert tout ça d’un champ de panneaux solaire. Je connais des pays où des îlots ont fini par être construits sur ce genre de choses après des années. On ne sait évidemment jamais tout ça, sinon après des années, les protagonistes n’étant plus de ce monde.
Un transport de déchets
Le coût d’exploitation et de démantèlement
Si la situation a été critique pendant l’hiver 2022-2023, c’est à cause de la non-disponibilité des centrales nucléaires, dit-on. Beaucoup ont accusé les précédents gouvernement, les écologistes qui ne veulent plus du nucléaire. Il faut reconnaître surtout que se passer du nucléaire, ça peut se faire, mais que ça nécessite une planification (telle que fut aussi définie la politique énergétique française après la seconde guerre mondiale) et des mesures sociétales (voir plus loin). Tout ce que n’ont pas fait les Chrirac, Sarkozy, Hollande ou Macron. En attendant, il y a le fait que les centrales existantes vieillissent mais surtout n’ont pas bénéficié d’un budget de maintenance adéquat. On répondra que maintenir un outil qui n’a plus d’avenir ça ne sert à rien. Mais il faut pourtant le maintenir tant qu’il n’a pas été remplacé. Avec des objectifs de budget de maintenance en baisse chaque année, on ne peut aller que vers une maintenance au rabais avec soient des personnels moins compétents, soient des pièces non remplacées et son corollaire de problèmes repoussés avec le tas de sable. Au final, lorsque l’on attend le point de non retour, la réparation coûte plus cher et oblige à un arrêt prolongé. Malheureusement, cette gestion uniquement comptable de la maintenance est un mal très français, une sorte de philosophie d’entreprise qui devrait disparaître.
Le Risque zéro n’existe pas
On peut toujours dire ce que l’on veut sur l’invulnérabilité des centrales…Les catastrophes arrivent toujours par excès de confiance. Excès de confiance par rapport aux compétences humaines (cf Tchernobyl), à la nature (cf Fukushima) pour des phénomènes rares mais qui sont de plus en plus probables. Ainsi le problème de la sécheresse, des fortes chaleurs n’a-t-il pas été dimensionné de la même manière que ce que nous rencontrerons aujourd’hui. Toutes les catastrophes étant la conjonction de plusieurs causes sous évaluées, je ne considère jamais que l’on a pris en compte tous les paramètres. Imaginez juste un petit séisme pendant une sécheresse qui ne permet pas de refroidir assez vite le combustible et une mauvaise gestion par une équipe de maintenance en remplacement et c’est un drame. Comme j’ai dit que l’on sous-évaluait la maintenance (de manière chronique dans l’industrie française) et l’analyse de risque des assureurs (là aussi, voir AZF, Lubrizol, …), il ne faut pas négliger les conséquences d’un accident majeur. Pourtant, le risque fait aussi partie du boulot, et on ne vit jamais sans risque. Ne pas utiliser quelque chose parce qu’il y a un risque, c’est arrêter de faire toute activité.
…mais ne pas oublier qu’il existe sur autres énergies
Alors ensuite, face à cela, il y a un risque pour l’hydro-électrique (catastrophe de Fréjus…) avec là aussi les impacts des manifestations climatiques. Il y a même un risque de perturbations économiques et géopolitiques dans certaines régions du globe. On peut parler du risque pour les éoliennes quand on regarde les perturbations sur le vivant autour ou le fait d’avoir bâclé le raccordement au réseau avec perturbations électro-magnétiques à la clé. Pour le solaire, le risque n’est-il pas à la fois dans les modes de production et la durée de vie ? et ainsi de suite…On voit bien que tous ces risques n’ont pas des impacts durables ou larges sur la population humaine, animale et le végétal. De là peut-on se dire que ce risque et ses impacts jouent un rôle dans le choix de l’énergie en fonction du pays. Trop souvent, on décide d’implantation pour des raisons économiques ou sociales (recherche d’un gisement d’emploi, du moindre coût), et le risque vient ensuite, surtout ces dernières années.
Le mix énergétique dépend du lieu
Lorsque l’on observe la carte de la France, on voit que la répartition des moyens de production d’électricité est hétérogène. Pour l’hydro-électrique, il faut des configurations particulières du terrain, du cours d’une rivière ou d’un fleuve. Pour le solaire, il faut un bon taux d’ensoleillement. Pour l’éolien, il faut un couloir de vent. Pour le nucléaire, il faut une source de refroidissement et de production de vapeur. Etc… Et même pour des centrales au fuel, au charbon, il faut faire arriver la source d’approvisionnement de la centrale. La France est un des pays européen qui permet le mix le plus riche en source. Pourtant, un seul choix a longtemps perduré, malgré quelques essais. Ainsi, je me souviens du prototype de centrale solaire Thémis dans les années 80. Un bel outil initié après le choc pétrolier mais arrêté durant la cohabitation pour cause de rentabilité ou des erreurs de conception. Mais cet arrêt fut aussi très préjudiciable pour cette filière. Car au lieu de corriger les erreurs, c’est un long sommeil de 20 ans qui se prolongea avant qu’enfin on reparle de la possibilité de solaire en France. Avec notre façade maritime importante, il y a aussi de nombreuses possibilités dans l’énergie marémotrice qui profite des vagues et marées. Là aussi, depuis l’essai de la Rance (dont l’idée date des années 1920 !!), on a trouvé que ce n’était pas rentable. Faux, puisque la Centrale participe à hauteur de 25% à la production de la région Bretagne et que le coût d’exploitation depuis la modernisation reste inférieur à celui du nucléaire. Pourtant, aucun autre projet d’aménagement n’a été tenté depuis. Le problème est plus sur l’envasement qui se produit et l’impact écologique sur la faune. Plutôt que sur une telle installation lourde, on s’orienterait maintenant sur des installations qui ne sont plus des barrages, qui sont plus flexibles, modulables et déplaçables.
Un exemple de production par région à un instant t
Le problème n’est pas la source mais la consommation
Le problème de disponibilité de l’énergie, c’est mettre en rapport la production avec le besoin. On peut augmenter la production à hauteur du besoin, mais on peut aussi diminuer le besoin tout en maintenant le niveau de production ou l’adaptant. Aucune politique forte n’a été mise en place pour diminuer ce besoin, donc cette consommation. Si l’on regarde les postes de consommation de l’énergie électrique en France, on voit que c’est :
Après, il convient aussi de se dire qu’il y aura des évolutions et que l’énergie des transports est amenée à grandir pour sa part d’électricité, tandis que l’industrie, au fil de ses évolutions peut aussi varier, quand le numérique avec le stockage de données, le streaming, etc prend de plus en plus en compte le besoin de sobriété, ce qui n’est pas au rythme de l’explosion des besoins.
Une économie trop électrique
Imagine-t-on se passer d’électricité aujourd’hui ? Avec une économie qui recourt au numérique, cela est impossible. Pire encore, en s’orientant vers la seule voiture électrique pour se déplacer, on accentue encore le phénomène. Mais là aussi, nous ne sommes pas prêt à avoir une voiture solaire (contraignante en terme d’impact au sol) ou à une source comme l’hydrogène (impactant sur le mode de production et le rendement), sachant qu’il y a toujours de l’électrique dedans, ne serait-ce que dans les modes de production des éléments constituants. Se passer de l’électricité, c’est l’image débile sortie par un président français…Il y a, en tant que citoyens et terriens, à se poser de nouvelles questions sur nos besoins vitaux et ceux qui sont accessoires. Il y a aussi à regarder nos consommations quotidiennes que nous connaissons assez mal.
Si le poste “chauffage” peut changer selon les choix de chacun, il est lui aussi amené à évoluer avec les fluctuations économiques sur les sources de chauffage et les changements climatiques. Il y a de cela 70 ans, les postes froid et lavage n’avaient rien à voir et c’est le progrès technique qui a amené ces nouveaux besoins et nouvelles possiblités. Tout miser sur les progrès de la science n’est pourtant pas la solution. Si nous pouvions regarder aussi autour de nous les meilleures pratiques de chacun, nous pourrions créer une émulation bien plus positive que ce “toujours plus” qui prévaut aujourd’hui. Et si je me challenge un peu plus maintenant sur la consommation d’énergie, c’est justement qu’il y a la force de l’habitude en notre défaveur.
L’énergie, il ne faut pas en manquer pour les challenges futurs
PS : Pour ceux qui disent que l’Allemagne a remplacé le nucléaire par le charbon, on peut maintenant dire que c’est faut depuis 2019 (Source)