France - Pourquoi LFI ne pourra jamais gagner la présidentielle dans cette stratégie ?
Après la progression de Jean-Luc Mélenchon sur la présidentielle 2022, on pourrait penser un peu vite que la prochaine fois sera la bonne. Mais un peu comme pour Marine Le Pen (le seul point commun), il reste un plafond de verre à briser. La création de la NUPES n’y suffira sans doute pas.
En étant sur le terrain, lors des distributions de tracts, le visage de Mélenchon est clivant. L’avantage c’est qu’il est connu et donc attire des gens qui ne retiennent qu’une ou deux choses de sa politique. Mais il repousse aussi d’autres personnes qui ne retiennent pas vraiment plus, mais surtout le négatif. Il ne faut pas se leurrer, on peut écrire un beau programme en 100, 200 ou 600 mesures, il ne sera lu que par les personnes les plus motivées par la chose politique. Même la profession de foi, en voie de disparition, se retrouve souvent survolée et l’électorat ne retient que ce qu’il veut bien, une mesure phare. Il faut reconnaître que le candidat Macron, en ne faisant pas campagne ou en disant tout et son contraire, avait bien compris la technique. Alors, en étant simpliste, on pourrait se dire qu’il suffit de faire pareil et de trouver la bonne personne et de faire un bon coup de marketing avec une presse un peu complice. Si c’était si simple, Zemmour aurait été président. (argh…).
Lorsque je parle de plafond de verre, c’est justement par rapport à la figure de Mélenchon qui est trop connu maintenant pour ses excès et des petites phrases malheureuses. A force, on ne les retient pas toutes mais il en reste une ou deux en mémoire. Ces petites phrases peuvent motiver les plus à gauche de son électorat, les plus virulents, mais paradoxalement vont faire fuir les autres, plus au centre. Avec 22% et même en y ajoutant le score de Roussel, cela aurait pu tout juste le qualifier au deuxième tour. Mais il aurait été laminé au second par une campagne assassine pour le disqualifier comme dirigeant, comme on a vu lors des législatives en qualifiant la LFI d’anti-républicains.
Le seul moyen de gagner serait d’aller reconquérir ce centre gauche qui est allé chez Macron. Il n’est certes pas énorme mais il attise les convoitise des vieux éléphants comme Hollande, Cazeneuve, Le Foll, ou Cambadélis, ces mêmes personnes qui ont trahies leur électorat et ruiné le PS pour 15 ans au moins. Ils n’ont strictement aucune chance de revenir mais leur capacité de destruction est encore bien présente. En effet, comme Mélenchon pour le centre gauche, ils représentent tout ce que le reste de la gauche ne veut plus jamais. Donc, s’allier avec eux ne paraît pas possible. La difficulté de l’équation est donc de séduire cet électorat modéré, attiré par le capitalisme vaguement social, avec une utopie européenne en tête…tout en gardant l’électorat anti-capitaliste et méfiant envers l’Europe.
L’autre possibilité d’étendre la base électorale, est d’aller chercher l’électorat ouvrier et rural qui est parti chez Marine le Pen. Dans l’hypothèse d’un deuxième tour où elle ne serait pas qualifiée, pourquoi pas. Mais cela paraît peu probable dans la configuration actuelle, surtout que Macron ne peut pas se représenter et que sa succession paraît difficile. Là, le discours de LFI est trop technique, trop loin des réalités du monde rural, même si on parle d’eau. La bifurcation écologique, ça fait peur car on pense souvent taxe, perte d’emploi. Je me souviens d’un ouvrier de l’automobile qui ne voulait pas voter Mélenchon car pour lui cela représentait une raison de licencier pour son entreprise, de délocaliser… Les vieilles peurs des rouges restent encore présentes.
Une autre peur, c’est paradoxalement la 6ème République, mise en avant aujourd’hui par l’ensemble de la NUPES. On pourrait croire que les gens en ont assez du régime présidentiel à la Macron. Ils en ont surtout assez de Macron, du 49.3, mais pour le reste, une 6ème République serait un saut dans l’inconnu. L’inconnu, ça fait peur, surtout à la bourgeoisie, au centre. Donc autant rester, pour eux, dans un système connu, même imparfait que l’on peut amender. Après tout, les USA n’ont connu qu’une seule constitution. Et là encore il y a une équation difficile car pour le reste de l’électorat de gauche, c’est un impératif. Ce qui inquiète aussi, c’est l’image des parlementaires LFI dans l’assemblée. Il y a le réel, mais il y a aussi ce qu’en renvoient les médias avec la recherche du spectaculaire pour faire du buzz et de l’audience. Les invectives, le bruit, ça fait plus de buzz que montrer le travail parlementaire, les propositions, les projets de loi rejetés, etc…Là aussi, adoucir sans se renier va être l’exercice difficile. Le PS et EELV dans cette posture plus douce sont totalement absents. D’ailleurs les chaînes info les oublient souvent lors des prises de parole communes de la NUPES.
Admettons que l’on trouve la bonne formule, il reste aussi un autre boulet à traîner : Adrien Quatennens, ce député qui a eu la main lourde avec sa femme. Sanctionné par la justice, il l’a été mais n’a pas pour autant Purgé sa peine au sens juridique du terme. Sa réhabilitation prendra plus de temps que la peine aussi et il sera ressorti du chapeau par tous les éditocrates aux ordres que l’on trouvera en face du ou de la candidate LFI. La décision de réintégrer Quatennens si vite a été une erreur majeure. La France Insoumise se gargarisait d’exemplarité sur beaucoup de sujets dont celui du féminisme mais la réalité l’a rattrapé. EELV a été piégé dans un possible excès inverse mais qui sera moins dommageable. Il fallait alors être exemplaire et suivre ce que pensait aussi les autres membres de la NUPES. Les vieux réflexes masculinistes ont repris le dessus, hélas. Et si cela n’affectera pas tout l’électorat de gauche, cela laisse des traces durables sur l’étiquette LFI.
Alors qui ? Je vois la petite musique médiatique trouver du bon chez François Ruffin. Il est malin et a théorisé, et même expérimenté dans sa circonscription un discours visant l’électorat ouvrier et rural qui manque tant à la gauche. Il n’a pas d’étiquette LFI réelle. Il entreprend d’adoucir son image en parlant sans cesse d’apaisement, ayant bien compris la problématique de la gauche actuelle. Les sondeurs commencent à s’y intéresser et il pourrait potentiellement être dans un deuxième tour si l’électorat était aussi morcelé qu’aujourd’hui. Sauf que c’est oublier un certain nombre de casseroles. Il y a de petites magouilles (remboursées) sur la gestion de son journal Fakir, de l’utilisation de fond parlementaire qui peuvent ressortir. Il y a ce manque de clarté sur l’affaire Adama Traoré et même des discours qui peuvent rappeler Fabien Roussel dans l’ambiguïté sur l’immigration, les frontières. A vouloir tout saisir, on fait le grand écart.
Alors quoi faire ? Je pense que cette question revient déjà dans l’esprit de certains. Il y a toujours une grosse part d’égo chez un ou une politicien(ne). Mélenchon peut se poser la question de rempiler, malgré un age en contradiction avec le sujet de la retraite à 60 ans ou des politiciens professionnels que la gauche n’aime pas. Adouber quelqu’un trop tôt, c’est mettre la zizanie dans le mouvement avec la guerre des chef(fes). Ne rien dire et laisser faire, c’est peut-être se faire dicter un candidat par les médias et la “sondagocratie”. Après tout, ça fonctionne parfois (Macron, Hollande). Cela sera d’ailleurs similaire dans le bloc libéral et qui sait, dans l’extrême droite. Bien malin aujourd’hui sera celui qui prédira l’avenir. Dans une France à vif, morcelée et divisée, il est bien plus difficile qu’autrefois de faire le consensus ou faire croire à la nouveauté rassurante. Il va pourtant falloir résoudre ce problème, qu’un mathématicien de LFI ne pourra résoudre seul.