BD - Grand Prix de Marvano (2010)
Amateurs d’histoire et/ou d’automobile, voilà une série plus qu’intéressante. Le dessinateur et scénariste belge Marvano nous emmène dans les années 30, en Allemagne pour parler des mythiques flèches d’argent.
Pour ceux qui ne connaissent pas trop l’histoire de la course automobile, il s’agit des voitures allemandes à la carrosserie polie (couleur métal, donc … argent) qui gagnèrent beaucoup des grands prix automobiles durant les années 30. Elles furent un instrument de propagande de l’Allemagne nazie, mais aussi un instrument de développement de l’industrie allemande puisque la technologie moteur put aussi avoir des débouchés dans les chars ou les avions. A travers 3 albums, réunis aussi dans une intégrale, Marvano (né à Zolder, une ville de circuit) va nous compter l’histoire de ces pilotes un peu fous sur leurs machines surpuissantes, et comment certains parvinrent à se défaire de l’emprise d’Hitler. L’intégrale bénéficie d’une préface du grand pilote belge Jacky Ickx ainsi que d’une introduction historique qui remet cela dans le contexte de l’histoire de l’automobile. Un peu comme moi, l’auteur préfère cette période des gentlemens drivers à celle de ces “voyous” qui n’hésitent pas à zigzaguer ou se pousser dehors. Les premiers savaient pourtant que la mort était présente à chaque course.
Afin de ne pas sombrer dans le discours historique, Marvano nous a concocté une véritable histoire avec un héros en fil rouge. C’est un anglais, Leslie Torville qui prend ce rôle, promotionné par une mystérieuse aristocrate anglaise et sa soeur, proche elle du régime Allemand. Mais tout commence pourtant avec Hans Stuck, le père du pilote Hans-Joachim Stuck qui gagna en endurance dans les années 70-90. Le père fut le roi de la course de côte, un des pionniers sur ces Auto-union concues par l’ingénieur Porsche. Face à lui, il trouva les Mercedes du Dr Alfred Neubauer et ses pilotes Rudy Caracciola, Bernd Rosemeier, etc…Et puis aussi d’autres pilotes comme adversaires, comme le français Louis Chiron qui après la période Bugatti, courra sur des Alfa Romeo P3 (au début avec son ami Caracciola) mais aussi des Talbot. Il y a aussi Achille Varzi, l’un des meilleurs coureurs italiens avec Luigi Fagioli et Tazio Nuvolari. Si le fantasque et doué Rosemeier ne survécut pas à cette période (accident lors d’un essai de record de vitesse), ces coureurs trompèrent la mort en course et pendant la guerre.
Marvano a beau admirer ses héros, il n’en rappelle pas moins la mise au ban de la société des juifs puis leur extermination, ainsi que l’exil en Palestine. Les pilotes allemands étaient enrôlés dans une division spéciale de l’armée, certains étant même des SS, plus pour l’opportunisme parfois que par conviction, même si le doute subsiste. Ainsi Stuck était proche d’Hitler mais marié à une juive ce qui lui cause quelques problèmes. Caracciola, bien qu’allemand, n’était pas le prototype de l’aryen avec ses cheveux bruns et son nom italien. Marvano utilise habilement son héros anglais pour faire le lien entre fiction et réalité. Car il ne faut pas se leurrer, il prend quelques libertés avec la réalité historique, sauf dans la course automobile et la reconstitution visuelle de ces voitures incroyables, jusqu’à l’Alfa Romeo 16C Bimotore de la scuderia Ferrari. Les planches sont magnifiques avec les couleurs vives de Bérengère Marquebreucq. On a une ligne claire traditionnelle mais moderne, du mouvement, du sens du cadrage.
L’histoire s’arrête au début de la guerre. Neubauer sera aussi de l’aventure des 2èmes flèches d’argent des années 50, terminée tragiquement au Mans. Porsche, après la Volkswagen, fonda la marque que l’on connaît aujourd’hui.