Littérature - L'anomalie d'Hervé Le Tellier (2020)
Ce n’est pas si souvent que je lis un lauréat du Goncourt. Mais le dragon galactique m’avait mis sur la voie de celui là par son thème un peu particulier. Vraiment un roman de science-fiction ?
Je me suis renseigné un peu sur l’auteur et il a pas mal de choses pour me plaire : Mathématicien, amateur d’Haïku, de Georges Perec, d’humour noir, etc…Voilà quelqu’un qui aime jouer avec les mots, la littérature et explorer les genres. Ca tombe bien aussi qu’il le fasse dans cet ouvrage : Tout commence par de courtes tranches de vie autour de personnages dont on découvre que le point commun est d’avoir été dans le même avion, le Paris-New York AF006. Le lecteur se demande alors ce qu’il s’est passé dans cet avion pour motiver ces histoires croisées. Et puis voilà qu’on découvre des incohérences, des impossibilités. Jusqu’à ce que l’on découvre cette “anomalie”, ce qui va motiver bien plus qu’un roman de science-fiction mais une sorte de réflexion philosophique et scientifique sur l’humain, le sens de sa vie, sa place dans l’univers…Et si tout ça n’était finalement qu’un jeu ?
Il y a quelques éléments qui me mettent sur cette piste, comme cette mise en abîme à travers un autre écrivain qui a écrit un roman nommé “l’anomalie”. Au passage Le Tellier fait de petits clins d’œil au monde de l’édition. Il a l’œil nerveux avec aussi des allusions culturelles diverses, comme au cinéma (“rencontre du 3ème type”) mais aussi à des séries et d’autres romans. Il faut être attentif car le roman en devient riche. Mais il se lit aussi très facilement, comme une sorte de thriller de science-fiction pour qui passera au dessus de tous ces indices. Plusieurs lectures pour un roman à tiroir assez dans l’esprit d’un Perec en effet. Enfin quand je dis science-fiction, il y en a peu, puisqu’on reste déjà dans notre époque et qu’on ne part que sur des hypothèses qui touchent aux mathématiques ou la physique quantique.
Comme je le disais, il y a finalement des interrogations sur l’humain, ce qu’il fait sur cette planète, sur les religions et leurs évolutions, leurs relations au réel et finalement : Qu’est-ce que le réel ? L’écrivain crée lui même son réel dans ses livres. Un réel imaginaire qui puise souvent dans le réel de l’auteur. C’est encore le cas ici et Le Tellier joue avec cela, avec ce pouvoir suprême de jouer avec des personnages, les mettre dans des situations improbables mais qu’on essaye de relier à du probabilisme avec .. des protocoles. Cela fait réfléchir ou pas et c’est au lecteur de décider d’aller sur certaines voies dans ce grand jeu.
Quelques déceptions pourtant dans quelques étalages inutiles ou théories parfois fumantes qui alourdissent ou ralentissent le récit. M’est avis que c’est bien volontaire pour nous perdre un peu, nous manipuler. Toutes les histoires se calquent dans des styles mais parfois n’aboutissent pas assez pour se fondre dans ce puzzle. Est-ce que cela valait le Goncourt ? Vu le niveau du jury des années précédentes, pourquoi pas. Et puis les prix, ça fait plaisir à quelques parasites mondains parisiens plus qu’autre chose. Ce fut une heureuse découverte qui se termine en plus par une énigme. Mais ça, il faut le lire pour le savoir.