Fable - Le Château du pouvoir

Il était une fois un royaume qui élisait son roi tous les 5 ans. La dernière fois, un jeune prince avait déjoué les pronostics en abattant quelques familles et en battant la princesse héritière d’une famille exilée.

Ce Prince avait forgé sa principauté patiemment, en étant des cabinets et ministères, des banques, ces antichambres du pouvoir pour mettre en place ses pions et saper les pouvoirs en place. Ainsi la grande famille Focialo qui avait accédé au pouvoir suprême par rejet de la famille Tsarko avait appliqué tout ce que ses électeurs détestaient pour se disqualifier durablement. Jusqu’à mettre en premier ministre un traître de la pire espèce qui avait parsemé sa carrière de cadavres politiques et de cendres encore brûlantes. Le Prince, alors conseiller du roi, en devint ministre de l’économie et de l’industrie pour accéder aux plus grandes fortunes du royaume et justifier ses déplacements plus facilement pour fomenter son complot. Lorsque le roi en place fut au plus bas, il ne lui restait plus qu’à trahir en se présentant à sa succession tout en ayant l’air frais comme un nouveau né en politique.

Là était l’intelligence du Prince, de s’appuyer sur les soutiens d’un ancien prétendant trop volage comme sur ceux que la période Tsarko avait horripilé. Il promettait aux uns le contraire de ce qu’il promettait aux autres mais qu’importe, il le faisait habillement, maniant la langue qui flattait les puissants et les communicants. Au fond, personne ne pouvait définir sa pensée, mêlant beaucoup de conservatisme qu’il déguisait en nouveauté. Les autres prétendants furent étrangement disqualifiés, pour les favoris, par ce qui, au fond, n’était un secret pour personne mais un arrangement entre puissants. Il s’en fallut pourtant de peu au premier tour pour qu’une bande d’hurluberlus dissidents d’anciens Focialos et de la vieille famille Comunita, ne vienne troubler le second tour entre lui et la princesse de la famille Lopane. Tout le monde connaissait déjà l’issue puisqu’il était de coutume de se réunir contre cette famille que personne ne voulait voir au pouvoir, tout en pillant de plus en plus ses sombres idées.

Au soir de son accession au trône, il y en avait beaucoup pour croire à ses boniments et ses promesses contraires. Il promettait une rénovation politique, habilement personnifiée par de nouvelles têtes. Mais à y regarder de plus près, ils avaient essentiellement son profil de traîtres à leur propre camp pour leurs intérêts particuliers. Ainsi prit-il comme premier ministre un ancien et ambitieux sbire de la famille Tsarko pour semer la zizanie chez ses rivaux, tandis qu’il prenait aussi quelques bannis des Focialos en décrépitude, des membres d’une veille famille déchue, les Mezzo pour donner l’impression d’une alliance sans en avoir l’intention. Son intention fut vite claire : Garder le pouvoir, quoi qu’il en coûte, et de nouvelle politique, il n’y eu point, celle-ci ressemblant encore plus à celle d’il y a des dizaines d’années plus tôt dans l’assemblée des députés. Les décrets furent vite oubliés, sinon pour vite favoriser les plus riches familles. Il alla même jusqu’à débaucher une figure de la famille Loverde, une famille qui avait le vent en poupe dans la situation d’urgence climatique de la planète.

Il ne lui restait qu’à s’occuper de l’hurluberlu un peu sanguin qui avait failli s’inviter au deuxième tour, celui de la famille Scarlatto. Comme il était connu pour ses coups de sang et un certain égocentrisme (finalement pas plus que ses concurrents…), il suffisait de lui mettre la pression avec affaires et presse et il s’emporta de manière exagérée devant les caméras. En plus, lui aussi voulait rénover la politique en étant dedans depuis plus de 35 ans, ce qui manquait de crédibilité pour beaucoup. Et voilà notre prince devenu roi à régner pour 5 ans sans vraiment d’autre boussole que de conserver ses soutiens chez les puissants en appliquant la feuille de route qu’ils souhaitaient. Par contre, il y allait aussi de ses petits phrases assassines, ne se cachant même plus de la haine qu’il entretenait pour les basses castes de son peuple. Sans même parler des affaires et de l’entourage encombrant qu’il avait amené dans ses cercles.

Mais voilà qu’une bande de gueux se rebella dans les provinces du royaume, arborant une tunique couleur citron pour bien se faire voire de tous les observateurs qui n’observaient plus grand chose depuis des années. Leurs revendications allaient d’abord sur le pouvoir d’achat, le coût trop important de l’énergie, du carburant pour vivre avec des petits salaires, des petites retraites, des boulots précaires. Sans leaders, sinon quelques égocentriques opportunistes, le jeune roi manœuvra habilement pour que la situation pourrisse, pour que, comme toujours dans un pourrissement, ce soient les extrêmes qui prennent la main. Et de là l’impression que le message originel était brouillé, que le mouvement était raciste, sectaire. Pendant ce temps, notre bon roi descendit dans l’arène pour donner l’impression d’écouter, sans pourtant rien entendre sinon donner une première aumône via le bon vouloir du patronat. Il prenait les cahiers de doléances d’une main pour s’en essuyer le fondement avec, de l’autre main. Pour l’éloignement des services publics, et toutes les autres revendications, ce fut délégué aux régions, départements et communes au budget déjà exsangue avec de jolis exemples médiatiques brandis en étendard par la cavalerie médiatique du roi. Et il se dit que tous ces beaux cahiers servirent les noëls suivant dans les cheminées de son château.

Pendant cette crise, la police du roi se lâcha contre tous ses gueux indisciplinés qu’on laissa d’abord céder à la violence, conséquence du pourrissement, pour justifier l’usage de cette même violence ensuite. Le roi alla jusqu’à légitimer la violence en attendant que le pire se produise pour céder des mesures. La justice fut expéditive avec certains, aveugles dans les bannissement de la société, sans jamais attraper les vrais coupables, comme c’est toujours le cas quand on arrive à manipuler une foule en colère. On éborgna, estropia jusqu’à ce que tous les mouvements de contestation prennent peur face à cette police. Ainsi, le terrain était préparé pour la réforme suivant, celle des retraites, jugée indispensable alors que dans la globalité, il y avait d’autres solutions pour un équilibre qui satisfasse tout le monde, surtout les concernés, les travailleurs. Chez ce roi comme les précédents, réforme résonnait comme retour en arrière, à la grande joie des puissants. Il faut dire que faute d’idées et d’entourage compétent, il prenait conseil chez une organisation de mercenaires internationaux, leur offrant un large budget tout en fermant les yeux sur leurs oublis dans les impôts. Qu’importait même les conseils les plus imbéciles, il y avait toujours un ou une ministre pour sonder la réaction du peuple en répétant comme un perroquet ce qu’on lui avait soufflé.

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Toute ressemblance avec des personnages ayant réellement existé, serait purement fortuite (image twitter en mode macaron)

Mais un méchant virus venu de l’empire qui voulait dominer le monde allait en décider autrement. D’abord sceptique, tous les royaumes voisins prirent à la légère cette maladie inconnue. On était sûr que les hôpitaux étaient prêts, alors que justement ils étaient déjà en grève pour avoir des moyens supplémentaires, de meilleurs salaires, bien inférieurs aux royaumes voisins. On pensait avoir de quoi se protéger quand tout avait été jeté par les rois précédents et continuait de l’être par celui-ci. La situation dégénéra et les hôpitaux étaient engorgés, débordés. Les morts s’accumulaient comme dans la dernière grande épidémie du siècle dernier ou la plus sévère des grippes saisonnières. On mentait sur les mesures pour ne pas créer de panique, parce qu’il n’y avait rien pour répondre. Le pays était dans le peloton de tête des royaumes les plus touchés et le resta durant le reste du règne sans que ça n’émeuve plus que cela les observateurs qui regardaient leur nombril. Et peu à peu, les libertés reculaient encore, quand les décisions semblaient prises autour d’une piste de dés avec son ministre des écoles, lui aussi très primaire.

Si l’appauvrissement du peuple du royaume avait déjà commencé avec le précédent roi (dont il fut le tenant de la politique économique), il s’était poursuivi dans le début de règne et allait sérieusement s’accentuer avec ce virus. “Quoi qu’il en coûte”, on mit quand même des garde-fous pour que la situation n’explose pas avec chômage partiel et primes. Enfin pas pour tout le monde puisque certains des habitants de ce royaume changèrent de métier, si bien que l’on avait du mal à recruter dans les filières dites pénibles que l’on payait si peu. Avec ça l’inflation était au plus haut comme dans les royaumes voisins. Mais on dit toujours que ça ira mieux demain. Sauf qu’en plus la dette se creusait (donnant encore des excuses pour plus d’austérité pour les pauvres) et que le pays importait de plus en plus, surtout de l’empire de l’est. Cela n’empêcha pas les plus riches de faire fortune durant cette période et les entreprises ayant utilisé tous les rouages du chômage partiel et des aides, d’annoncer des bénéfices records, à peine redistribués aux employés restés en première ligne. Le monarque parlait de redémarrage incroyable (+6,25%) quand en réalité on peinait à retrouver la situation d’avant la pandémie (-8%). Surtout que demain, le monarque pensait à …

…la réélection du roi. Un des puissants du royaume, un vil seigneur ayant fait fortune dans les anciennes colonies avec moult corruption, faisait lui même avancer ses pions, peu satisfait de tous les anciens rois et de l’actuel. Mais en fin politicien, notre prince-roi utilisa tout cela pour diviser son opposition de droite. La princesse élue par la famille Tsarko semblait une menace mais elle était coincée par cette nouvelle famille Bozoré et son poulain, tout autant que par les amis du monarque trop contents de tenir le pouvoir plutôt que d’attendre le résultat de vaines promesses. Dans les faits, elle était reniée par le patriarche de son camp et ne faisait que répéter les vieilles recettes en plus des arguments des Bozoré et Lopane, au point qu’on avait l’impression d’avoir 3 variantes d’un même programme. En plus, en mettant l’Alliance des royaumes du continent comme thème principal, Le Prince devenu roi savait qu’il allait gêner les soutiens modérés des Tsarko. De l’autre coté de l’échiquier, chacun y allait aussi de petites nuances pour se différencier. L’énergie nucléaire était remise sur le devant de la scène car c’est évidemment ce qui divise les Loverde des Focialo et des Scarlato. Loverde et Focialo passaient plus de temps à critiquer leur adversaire Scarlato qu’à proposer quelque chose de motivant. Les Focialos continuaient même à vivre dans l’illusion de leur glorieux passé sans comprendre que plus jamais ils ne reviendraient sur le trône. Et comme on ne laissait guère d’espace aux autres candidats, il ne leur restait que les deux dernière semaines d’égalité réelle pour exister, en toute hypocrisie de la part de ces observateurs qui regardaient le doigt du roi.

Le monarque avait bien compris qu’il tenait tout son petit monde avec ses habituelles promesses. Il avait sa petite cour de favoris et son ancien premier ministre attendait sagement son tour, sans penser que lui aussi pourrait être trahi par un de ses anciens camarades de ministère. Tout le monde se rangeait pour l’instant derrière le chef et son successeur, c’était plus sûr. La réélection du monarque était bien engagée faute de mieux. Surtout qu’en temps de peur, la conservation du pouvoir est facilité pour le sortant. c’est la figure rassurante pour un humain qui a peur du lendemain. Qu’importe même s’il crée lui même un lendemain plus fragile encore, notamment pour la santé. Et écoute-t-on les idées, lit-on les prospectus et programmes lorsqu’on oublie d’écouter ceux qui semblent disqualifiés par le comportement ? La lutte contre le virus fut aussi rajoutée au centre du débat pour bien diviser ce qui restait à diviser et brandir l’étendard blanc médicamenteux. La crise semblait parvenir à sa fin, du moins dans les annonces, pas les faits quand les grands médecins de la planète continuaient de s’égosiller. Et puis soudain, un lointain roi du continent déclencha un conflit

La guerre s’invitait opportunément dans la campagne. Cela occupait le roi qui ne pouvait descendre dans l’arène, ce qu’il n’avait pas prévu de faire, arguant tel un enfant que les autres avant avaient fait pareil, (na na nèreuh). Et tous les observateurs qui n’avaient pas plus observé que les autres, ressortirent les citations de tous les candidats au trône sur ce fameux roi Vlad 1er, qui pour le coup souhaitait empaler son/ses voisin pour retrouver le royaume de ses ancêtres. Les plus visés furent les Bozoré et les Lopane qui admiraient l’autoritarisme de Vlad, mais aussi les Scarlato qui ne voulaient pas prendre parti et rappelaient aussi le rôle de ce royaume quelques décennies auparavant. On en oubliait presque quand les Tsarko et le roi montraient leurs beaux châteaux pour charmer Vlad, quelques années auparavant, ou tentaient de négocier quelques armes. Le royaume voulait accueillir les habitants du pauvre royaume envahi, laissant pourtant les autres réfugiés des royaumes plus lointains et tout aussi opprimés dans leur misère. Vlad n’étant pas le dernier pour semer la terreur, la peur continuait ainsi à prospérer dans tous les royaumes du continent, facilitant la tâche d’un roi qui n’en demandait pas tant. La théorie du choc était son fond de commerce.

Ainsi, ce royaume s’endormait peu à peu dans une routine où il voyait ce qui ornait les frontons de ses édifices perdre chaque jour de son sens, chacun prêchant un peu plus pour sa paroisse, pour son petit pouvoir sans se soucier du voisin. Le roi avait réussi d’un tour de passe-pass à ficher tout le monde, à diviser un peu plus ses opposants, et à savoir potentiellement le comportement de chacun, comme en rêvait l’empire ennemi. Les tenants des vraies libertés, de la démocratie n’étaient plus audibles face à tous ceux qui voulaient cumuler les pouvoirs, comme dans beaucoup d’autres royaumes du continent. L’état d’urgence était devenu permanent, entre terrorisme, révolte, virus et maintenant guerre. Manifester devenait difficile avec la peur de perdre un morceau de son corps. Les partis du coté obscur prospéraient sans se marier, mais avaient beaucoup d’enfants. De l’avenir de la planète, on ne parlait même plus alors que c’était l’urgence absolue. Et puis, profitant du choc de la guerre, le roi se dit que le moment était parfait pour pousser ses serfs à travailler plus, même les enfants, obliger les plus pauvres à travailler dans des tâches qui n’existaient même pas contre une maigre rétribution, quitte à réinventer des titres à des services qui fonctionnaient mal en espérant que la baguette serait magique. Il se dit même qu’il pouvait se permettre de qualifier les enseignants de fainéants, puisque lui seul devait posséder le savoir. Paradoxe d’un roi qui ne savait faire lui même mais accusait son peuple de dormir, tout en faisant faire à ceux qui avaient créé les crises financières passées.

Ainsi le royaume semblait se diriger vers 5 ans de plus de règne, à moins que le peuple ne se souvienne de tout ce qui s’était passé. On se gardait bien de le rappeler autant que certains conflits ou petites disputes dans le milieu des observateurs qui observaient …le futile.

Moralité : A ne pas assez regarder, années après années, pour quel roi on vote, on se retrouve parfois à ne plus avoir le choix du monde où l’on vit et où vivront ses enfants.

Bande son, pour sourire video


Ecrit le : 02/04/2022
Categorie : reflexion
Tags : politique,france,2022,présidentielle

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