Blog - Twitter ou Mastodon, ça sert à qui, à quoi ?

En Novembre 2022, après le rachat de Twitter par Elon Musk, une vague d’utilisateurs a commencé à arriver sur Mastodon, son supposé équivalent libre et décentralisé. Mais entre surprises et interrogations de toute part, ça devrait faire se poser des questions sur l’utilité de ce qu’on appelle le “micro-blogging”.

J’ai observé la situation, ayant fait le chemin depuis plus longtemps et ayant aussi changé dans mon utilisation du réseau à l’oiseau bleu. Le compte twitter qui subsiste actuellement est essentiellement orienté sur l’activité politique ou comme lien avec certains contacts autour de cela. Mais je me suis aussi remémoré les 3 phases où j’ai utilisé ce réseau : D’abord à ses débuts, l’apprentissage, un peu comme ce que font les twittos qui découvrent maintenant Mastodon. Ensuite, dans une seconde phase, plus pour faire connaître ce que j’écrivais ou diffuser la “bonne parole”, soit un des chapitres ci-dessous. Et enfin cette dernière phase militante et politique qui est elle aussi une utilisation que je décris plus bas. Entre tout cela, il y a eu aussi des utilisations d’autres réseaux sociaux, de messagerie instantanée et donc des outils libres comme Mastodon, Pixelfed (un équivalent à Instagram que j’ai abandonné). Je n’ai pas utilisé Tik-tok ou snap-chat ou discord mais je suis déjà allé voir ce que c’était sans y trouver d’intérêt.

Alors pour les raisons d’aller ou pas sur Mastodon, Twitter, il y a eu d’excellents articles des collègues qui expliquent tout ça : Ploum, Cyrille, Lord, Gilles, Affordance, …Et comme le dernier article le dit, il y a peut-être un malentendu. A peu près autant qu’un utilisateur de Youtube qui penserait à utiliser Peer-tube pour faire la même chose, soit toucher le plus large public avec un espoir de monétisation. Et de là se pose la vraie question de ce que l’on veut faire de cet outil qu’est le site de micro-blogging.

Une source d’information ?

Si l’on revient un peu au début de Twitter et notamment en France, il y a eu pas mal de journalistes et de médias et c’est un réseau assez privilégié pour diffuser des articles, des liens ou commenter l’actualité dans quelque domaine que ce soit. Et donc dans l’autre sens, s’informer. On peut aller commenter le hashtag de l’émission à la mode, l’évènement du moment et y trouver autant de bonnes informations que de rumeurs. Ca n’est pas allé en s’arrangeant même si on ne suit que des comptes certifiés, le fameux truc qu’Elon Musk veut fourguer à la somme de 8$/mois, ce qui reste finalement raisonnable pour certaines des stars du réseau mais ne règle pas le problème d’authenticité (une boite de pharmacie en a subi déjà les conséquences en bourse). On peut aussi y suivre les journaux ou chaines TV qui abreuvent le réseau de liens vers leurs articles comme ….un flux RSS. Et là donc on a un premier clivage. Parce que Mastodon, c’est à la base un réseau social de geeks plutôt gauchistes, pas vraiment dans la monétisation. Donc ce sont des informations plutôt pointues ou techniques ou quelques délires mais aussi quelques bots reprenant les tweets de médias. L’utilisateur de Mastodon originel, il sait que sa solution préférée pour l’information, c’est le bon vieux flux RSS. Mais éventuellement il voudra faire passer des informations utiles qui lui tiennent à coeur….On verra ça dans la troisième partie. Bref, en dehors de quelques médias un peu alternatifs et de gauche, il y a peu de comptes de média natifs. En regardant les comptes de Twitter les plus suivis, je vois que ce sont des stars du sport, de la politique, de la chanson…donc niveau information c’est discutable pour l’intérêt et je vois bien un autre réseau plus adapté à cela chez Meta, hum. (mais qui ne permet plus le RSS)

Pour ma part, ce n’est clairement pas une source d’information, sinon du coté des coulisses de la politique, parce que j’ai choisi ce créneau en suivant des personnalités de mon “bord”, me créant de ce fait une bulle d’information plus que biaisée. C’est mon choix, parce que j’ai par ailleurs des sources diverses pour le reste, justement par RSS. On retrouvera un peu le même phénomène sur d’autres réseaux avec un public différent. Clairement, il y a un fossé générationnel sur le sujet de l’information et on ne le comblera pas de si tôt. Utiliser le micro-blogging comme source exclusive, surtout avec des algorithmes qu’on ne maîtrise pas, c’est un risque, voire un danger, aussi grand que s’informer exclusivement sur CNews ou LCI. Penser qu’un réseau social est une source d’information écrite, c’est aussi un truc de vieux. Plus jeune, on préférera le format vidéo court, concis, simple, rapide. A force de faire simple, on fait aussi simpliste et donc très manichéen mais là, on sort un peu du sujet. Bref, pour moi, on fait un peu fausse route à moins de faire dans une forme de veille sur un sujet où il y a des experts. Ce n’est par exemple pas vraiment le cas dans la complexe géopolitique, même si on retrouve des directeurs d’instituts, des profs d’université, etc…La limitation de taille de ce type de média est un frein là aussi (ndr : surtout quand on voit la taille de cet article à coté :p )

Petite utilisation annexe à l’information, Twitter sert ou servait parfois à communiquer avec des services, notamment l’après-vente et je trouve que c’est une anomalie de passer par un média dont la confidentialité de l’information est loin d’être avérée. Mais voilà, les Hot line sont sous-traitées, lointaines, chères alors que deux community managers sur un coin de table, ça le fait au niveau du coût. Triste époque et là, c’est sûr, on ne retrouvera ça que sur le zozio…pour l’instant. De là à penser qu’il faut garder un compte en veille pour cette utilisation, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’ont pas franchi. Et puis d’ailleurs, ça sous-entend de se faire connaître sous sa vraie identité de client et pas un pseudo.

Se faire connaître ?

Twitter, c’était aussi un moyen de se faire connaître d’un plus large public par réseautage. Alors ça, c’est la théorie et bien peu ont réussi à se faire un nom sur ce réseau (ils étaient connus avant par un autre média). J’ai quand même quelques exemples mais en creusant, j’ai bien vu que c’était une présence numérique plus globale.. C’est évidemment une vision assez narcissique du réseau qui rentre en conflit avec l’idéalisme de l’utilisateur de réseau décentralisé comme Mastodon. Même si certains se sont fait connaître dans de l’artisanat par exemple, ça reste à une dimension microscopique par rapport à des dizaines de milliers de followers ailleurs. Et puis il faut avouer que chercher quelqu’un sur un réseau décentralisé, c’est parfois un peu complexe, même si on maîtrise le concept. Depuis cette migration, la donne a un peu changé pour l’affluence, au risque de mettre à genou les instances/serveurs. Je vois aussi que des entreprises autour du Libre essaient de se faire connaître par une sorte de marketing et cela peut heurter les plus puristes. Pour l’instant le marketing de masse n’est pas présent sur Mastodon, notamment parce que les outils automatiques ne se sont pas approprié ce réseau.

La pratique sur Twitter, c’est que le taux de lecture des liens dans les tweets est plus que réduit (si tu as 5% de lecteurs de ton message qui cliquent, tu es déjà content), même pour les meilleurs, en y ajoutant la photo/vidéo racoleuse qui va bien. Le réseau pousse aussi à la provocation pour que ça clashe et qu’ainsi on soit “connu”, en bien ou en mal. Tout l’inverse évidemment de l’esprit qui régnait sur le très (trop?) paisible réseau à l’éléphant poilu jusqu’à maintenant. Par contre, si on est un peu curieux, on va regarder les partages de “pouet” (l’équivalent du tweet) et on va trouver ainsi d’autres personnes intéressantes. Et ça c’est justement tout ce qui a été perdu par la plupart des utilisateurs de twitter, comme disait Ploum quelque part, l’aspect réseau sans algorithme castrateur. On sera partagé par d’autres si on sait trouver quelque chose d’intéressant ou d’original à dire et pas du tout dans l’aspect clash. Mais chaque réseau a une forme de public et un age moyen très différent. Il semble être plus dans la quarantaine chez le Mammouth si j’en crois les sondages, et plus vers 25-35 chez Twitter. Si on va ainsi sur d’autres réseaux à l’age moyen plus bas, ça sera évidemment une autre approche. On va toujours sur un réseau=un usage, faut-il le rappeler. Je pense que déjà sur ces deux premier items, on va perdre du monde.

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L’oiseau bleu de Marc Chagall 1954-1968

Le monde, justement, c’est au cœur de cette préoccupation qui pourrit la vie de pas mal d’utilisateurs : La popularité, la course au nombre de “followers” (suiveurs en français?). La dopamine et le narcissisme vont de paire chez l’humain abreuvé à ces réseaux qui pourtant nous manipulent comme on l’a vu. Sur d’autres c’est collectionner des cœurs ou autres symboles mais qu’importe la forme. Elle n’existe pas vraiment sur le réseau au Mammouth. Autant je vois des posts sur le zozio pour se glorifier du nombre de personnes qui nous suivent, autant je n’en vois aucun, malgré des scores assez honorables. Je ne vois d’ailleurs pas de décompte des utilisateurs de ce réseau décentralisé (plusieurs millions face aux 200 millions de cuicui) où parfois on peut avoir un compte de secours sur une autre “instance”, quelques bots. Mais ce n’est pas la majorité. Elon Musk a pourtant fait un scandale autour des faux utilisateurs et du vrai décompte des “siens” avant d’être forcé d’acheter. Ce sont donc deux philosophies très distinctes qui ne peuvent cohabiter au même endroit de manière durable.

Une communauté ?

Pour quelques personnes, c’est se créer une petite communauté autour d’un sujet voire de soi. Dans le positif, il y a eu des phénomènes mondiaux comme #Meetoo ou #Blacklivesmatter, #NousToutes pour la France, ou des manifs en ligne comme #StopCorrida…mais ça c’est pour le global. Après, il reste les interactions plus régulières. C’est un peu comme de petites réunions publiques avec des habitués qui amènent parfois d’autres personnes et ainsi de suite, chacun enrichissant la conversation et … Attendez, ça me rappelle un truc ça. Mais oui, les bons vieux forums qu’on a souvent abandonnés ou recréés en massif (reddit, 4chan..) ou micro (Discord pour certains, les canaux IRC, les boucles de messagerie instantanée comme Whatsapp, Telegram). Au final, cela rapprocherait les personnes mais dans les faits, le contrat est-il rempli par ces réseaux ? En ce qui concerne Twitter, à part avoir rapproché les mouvances d’extrême droite de la droite extrême et compagnie, je ne vois pas tant d’aspect communautaire, même chez les fans de One Direction ou de groupes de K-Pop comme BTS. En ce qui concerne les réseaux alternatifs décentralisés comme Mastodon mais aussi Diaspora* et autres, c’est un peu un entre soi qui s’était installé sur quelques sujets liés, soit le logiciel libre, l’administration système, GNU/Linux, le velotaf, les fablab, l’art numérique… Bref, ce qui est une sorte d’économie alternative et disons-le, beaucoup de gauche…mais pas que. Alors rajoutez quelques habitués du zozio bleu là dedans et ça ne peut pas prendre comme ça. Il faut quelques connaissances de base et de l’ouverture d’esprit d’un coté.

J’ai pu voir quelques conversations étonnantes, comme une personne que ça déprimait de voir les dessins d’Allan Barte dans son fil Mastodon…tout en s’y abonnant. Sachant que ce dessinateur est présent un peu partout donc on a l’embarras du choix, même à faire du RSS. Cette personne parlait de “soutenir” Allan en le suivant et là, j’ai compris qu’il y a une mauvaise habitude liée à cette économie du réseau social. Je me suis demandé à quoi servaient les réseaux sociaux pour cette personne. Sans doute un peu de tout ce que j’ai cité et le coté très narcissique de collectionner les followers comme on enfile des perles. J’avoue que ça n’a jamais été un truc que je regardais…Déjà que je ne regarde plus de stats ici alors pour le reste. Bref, l’aspect communautaire de mon coté est limité à un très petit cercle et ça me va très bien car ce sont des personnes que j’apprécie et que je (pense) comprendre. Peu goûtent les réseaux aussi…si ce n’est celui qui amène leur blog jusqu’au serveur. Trêve de plaisanterie, la communauté c’est un peu un leurre utopique car l’audience reste volatile.

Mais “l’appartenance” à une communauté, c’est parfois juste participer à un #hashtag (mot clé) à la mode, à un live tweet pour commenter un évènement. Je ne vais pas jeter la pierre, j’ai pratiqué il y a quelques années sur le zozio et puis quelque part, dans une campagne politique, il y a des moments où l’on utilise en masse un mot clé pour être dans les tendances du moment. Du narcissisme communautaire pourrait-on dire ? On se sent pourtant appartenir à quelque chose dans ce moment, participer à une action, aussi futile soit-elle. Cette faculté de faire exister l’individu est aussi au cœur de cette addiction à un réseau social, micro-blogging ou pas. La communauté est bien souvent utopique, à part de rares moments d’entraide autour d’une cause…Même si là aussi on pourra se poser des questions sur pourquoi cette cause et pas une autre. Un dicton dit que c’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît ses amis. Les followers ne sont jamais des amis. la durée et la vraie vie soudent les liens.

Et donc ?

Dans cette période de “grande migration”, les “anciens” (Mastodon a vraiment décollé il y a 4 ans quand même ce qui est récent) ne se faisaient pas non plus trop d’illusions. Aucun réseau ne remplace jamais vraiment un autre dans cette histoire très récente du web. Et si certains ont compris que chaque réseau implique sa manière de discuter et partager, d’autres ont vite perdu leurs marques et oublié leurs propres débuts (c’était amusant de voir le zozio conquérir le grand public au début, aussi). Pourtant des trésors d’informations pour débutant ont été proposés de tous côtés. Cela a surtout fait ramer les pauvres instances déployées par des passionnés, des bénévoles, des associations…parfois stimulé des dons.

Je vois quelques anciennes personnalités politiques (dont certaines font même des podcasts sur le sujet) retrouver l’envie des débuts, (quelques jours?), s’investir un peu plus que d’autres. Mais globalement il y a encore et toujours une subdivision, une migration aussi sur d’autres outils. Je ne saurais prédire si Elon Musk a cassé son jouet au profit d’autres réseaux concurrents. Il avait failli couler Tesla lorsqu’il s’était trop impliqué avant d’être mis sur la touche tout en restant actionnaire. J’ai vu un témoignage sur ce qui se passe chez SpaceX ou l’on relativise son management. Les instances américaines surveillent ça de près et ça pourrait aussi modérer son interventionnisme…qui commence par la réactivation du compte de Donald J. Trump. En attendant, cela a fait réfléchir une petite frange d’utilisateurs de ces réseaux sur le besoin de l’utilisation. Honnêtement, pour l’aspect politique, je me contente de retweets ces temps-ci ce qui importe assez peu…le compte est en sommeil jusqu’à ce que Macaron 1er craque ou parte. L’efficacité dans ce domaine est plus que relative. Et pour le reste, l’automatisation de la publication des articles pour permettre une réaction me suffit, en plus de l’aspect veille. Les (rares) discussions me ramènent sinon à un aspect forum car rarement à plus de 5 personnes. Je ferai sûrement du tri quand cet engouement se sera tassé. Comme je l’ai dit plus haut, le RSS reste au cœur de mes préoccupations pour n’avoir qu’un seul et même endroit à suivre. Et demain, dans 2 ou 5 ans, un nouveau joujou émergera pour nous connecter, nous écharper aussi, avec de nouvelles générations d’utilisateurs, etc…Un cycle qui succède à un autre. Et le micro-blogging ne sera sans doute qu’un terme disparu, creusant la tombe de ce trop long article.

forcément, il faut de la musique de Mammouth pour terminer video


Ecrit le : 26/11/2022
Categorie : reflexion, geek
Tags : réflexion,blog,geek,internet,blog,twitter

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