Législatives 2022 - Journal d'un militant, vol.2
Deuxième semaine de militantisme dans cette campagne des législatives. Et cette fois, nous avons créé un groupe d’action populaire sur notre zone.
Avec le soutien des groupes voisins, on se sent tout de suis moins seuls. Nous avons repéré toutes les zones d’affichage, les groupes d’immeubles que nous allons viser dans le porte à porte, le tractage. Mais déjà, on crée notre groupe après ces premières expériences. Facile sur le site de l’action-populaire. Sauf qu’il faut trouver des membres maintenant. Il y a bien ceux des groupes environnants qui viennent faire grossir le truc mais il faudra faire mieux en se faisant connaître. Il y a aussi des évènements à créer, bref faire vivre ça pour prêcher la bonne parole. Labourer le terrain…
Cela commence donc par des tractages sur les marchés. Et il y en a 2 par semaine dans notre secteur, sur les deux villes du groupe, ça fait donc 4. Des renforts ne seront pas de trop, c’est sûr. Mais il faut bien commencer, à 2. Premier marché, 4 commerçants qui se battent en duel pendant les vacances scolaires. Mais on a tout de même croisé des sympathisants, discuté, et même essayé de convaincre un gars plutôt jeune. Par contre, on a aussi croisé des gens de la mairie, de droite. Malgré la taille du marché et le fait qu’il y ait peu de monde, ils nous demandent de nous placer à l’extérieur. Ok, nous faisons. Mais au moment de partir, nous sommes allés les trouver pour leur demander selon quoi ils voulaient cela. Ils nous parlent de loi, sauf que la loi ne dit pas cela. “Ah oui mais VOUS avez VOS lois” nous répondent-ils ! Et madame de répondre : “C’est bizarre, nous avons vu des responsables politiques sur les marchés, comme par exemple Stanislas Guerini”. Cris d’orfraie de la part de la dame, et voilà la personne qui alpague un homme, une référence en droit public…Sauf que ce brave homme n’a fait que dire que tracter sur un marché est tout à fait autorisé, sauf trouble à l’ordre public, du moment que nous n’interférons pas avec le libre commerce dans cet espace. J’en profite pour essayer de mettre une des sbires de la mairie de mon coté, une passante rappelant aussi les pratiques locales. Nous partons en restant polis et souriants face à ces gens visiblement énervés et agressifs.
Le lendemain, rebelote dans une autre ville, au marché plus grand. Cette fois, avec le renfort de deux militantes et ça fonctionne pourtant moins bien car on a une population moins…réceptive. On y croise étrangement Xavier Bertrand, certainement en visite. Pour un peu on l’aurait presque convaincu de tourner sa veste…Bon, il a pris le tract quand même. On a quand même croisé des sympathisants, très heureux de voir enfin des gens comme nous dans leur ville qui en manque cruellement. Cette fois, donc, pas de mairie. Un chef d’entreprise nous a exposé son point de vue libéral sans que l’on se fâche. Après, tout, s’il veut travailler 80h pour diriger sa TPE, c’est son droit. Mais qu’il comprenne que la liberté qu’il prône, c’est aussi de faire des choix différents et que la fraternité dont il parle c’est aussi un partage des richesses. Ça a du mal à passer. Pour le coup, j’aurai presque convaincu un syndiqué ayant voté L.O. de venir faire un tour dans l’union populaire. Un gars qui a pourtant des contradictions (qui n’en a pas) en affirmant les origines religieuses de la France tout en étant Protestant (non, je n’ai pas osé parler de la St Barthélemy) et en me parlant de racisme anti-blanc. Je pense quand même lui avoir montré l’ouverture d’esprit qu’il y a et le non-communautarisme.
On continue aussi à réseauter, à faire connaissance des militants de la circonscription. Nous avons aussi fait un petit passage à Paris pour le 1er Mai, vu que nous devions de toute façon aller sur place. Pas d’héroïsme non plus vu que nos amis policiers ont l’air particulièrement remontés depuis la défaite de leurs petits préférés. Et puis ce sont les grandes manœuvres à gauche pour l’union. Nous étions à “Matignon” la semaine passée et c’était calme alors que maintenant c’est le grand défilé des partis qui réalisent à nouveau ce que doit être la gauche. Scission possible chez EELV, séparation d’avec les vieux éléphants coupable de traîtrises au PS, discussion entre LFI et NPA, on n’y croyait plus et je peux vous dire que c’est sacrément attendu lorsqu’on en discute. A place de la République, on retrouve d’autres groupes du coin et on discute entre militants en attendant “la star”. Je rencontre un militant “vert” de ma ville d’origine qui dit que pour lui EELV c’est terminé, quelque soit la décision du siège. Sandrine Rousseau semble assez d’accord, à ce moment. Il y a évidemment des anciens CGTistes, des cheminots, des profs, etc…Nous, nous sommes tous jeunes, tous justes auréolés de nos premières petites actions de terrain.
Mais voilà Eric Coquerel qui arrive place de la République à Paris, Manon Aubry qui approchent de la camionnette qui sert de scène. Puis c’est Clémence Guetté, Danielle Obono, entre autres. Les journalistes se jettent comme des vautours sur leurs premières proies. On nous donne quelques drapeaux pour compléter ceux déjà présents. L’ambiance est à la joie avec une bande son entre rap militant et Brassent. Et puis on chante le chant des Gilets Jaunes. Tout ça s’électrise au moment où l’on voit les journalistes changer de proie. C’est Manuel Bompard puis Jean-Luc Mélenchon qui arrivent. Il monte sur scène, rejoint par Mathilde Panot, Clémentine Autain, Aurélie Trouvé, Aymeric Caron…j’en oublie certainement, je n’ai pas tout le trombinoscope, même si on retrouve des têtes vues à la maison de la Chimie. Encore un beau discours bien calibré pour créer de l’union, pour regonfler le moral de ceux qui l’ont encore en berne et partir à la conquête.
Nous repartons en laissant le cortège alors qu’en tête il paraît que les esprits s’échauffent avec quelques black blocks toujours si facilement présents. Nous avons d’autres obligations et rejoignons le véhicule opportunément garé à l’écart avec le drapeau qui flotte au vent. Des sourires, des regards étonnés dans ce quartier devenu un peu Bobo. Il nous faut maintenant organiser le reste des actions à venir. Surtout que l’on a encore rencontré un nouveau membre du groupe et que l’on a une nouvelle inscrite. Des personnes expérimentées en collage d’Affiche pour certaines, des débutants motivés comme nous pour d’autres. En tout cas, une belle bande hétéroclite mais déterminée.
Ah si nous n’écoutions que les commentaires télé ! Entre CDansL’air et les invités du vieux PS sur les plateaux, que de grand n’importe quoi pour dissuader les électeurs de voter. Cette gauche là leur fait peur et ils préfèrent jouer le jeu de l’abstention plutôt que de l’expression démocratique. On nous taxe de menteur quand on dit que Macron est mal élu (ok, pas le pire, mais d’un cheveu), de dangereux agitateurs parce qu’on diraient qu’il est illégitime. Il est légitime peut-être dans le sens de la loi, mais tout comme le reste des candidats, il n’est pas suffisamment représentatif. Le pays est fracturé et nous avons deux blocs qui veulent continuer de fracturer pour régner quand ce nouveau bloc populaire veut rabibocher toutes ces communautés. “Diviser pour mieux régner” d’un coté parce que c’est si facile de détruire, quand nous essayons de construire le progrès social, environnemental. Sans verser dans le complotisme, voir les intervieweurs se recopier les questions idiotes les uns les autres, pose des questions.
Cela ne fait finalement que nous renforcer dans l’idée qu’il y a une vraie chance car sinon la réaction ne serait pas aussi violente. En plus, ils sont gentils les macronistes de nous faire un nouveau scandale avec une députée qui pique dans la caisse pour sa lingerie et ses vacances à la plage. La commission de déontologie laisse passer quand dans le même temps Lidl a viré un directeur qui avait emprunté 89 euros juste le temps d’une soirée. Aujourd’hui, cela ne passe plus mais certains ont l’illusion de l’impunité. Avec l’accord intervenu, on nous critique tous sur le reniement et la trahison, ce qui est plutôt fort de café venant d’un coté du parti des traîtres et du reniement (LREM) et de l’autre des vieux PS qui ne respectent pas les paroles données dans leur primaire (Valls, Hollande, Le Drian, Guiguou, Touraine, Cambadelis, Bartolone…). Mieux vaut les ignorer et tracer la route que tout le monde attend.
Le collage d’affiches c’est une autre violence. Plutôt que d’avoir un peu de fair play et de partager les panneaux d’affichage, c’est à qui collera par dessus le concurrent ou viendra lui déchirer ses affiches. Je trouve ça stupide, un gâchis monstrueux mais c’est comme cela, surtout à droite. Ok, on ne va quand même pas laisser l’affreux zozo sur les murs, ça fait peur aux enfants. sauf qu’à des endroits, la police est complice et colle elle-même les affiches pendant son temps libre. Ma foi, Skin-head ou BAC, on a parfois du mal à faire la différence. On a donc fait un peu de papier-peint en extérieur et on se marre bien à plusieurs, la bande de 30-40ans que nous sommes. Une petite bande qui est protéiforme, qui grossit, diminue, se scinde en fonction des jours. Chacun a ses petites habitudes aussi et il y a la vie de famille à concilier. Maintenant le groupe d’action est sur 3 villes. Et ça ne demande qu’à grossir surtout maintenant qu’on a des EELV, des PS et PCF qui rejoignent le mouvement…Deux jours plus tard, la région remet ses affiches. Mais il reste des traces en dessous :-D
Dans toutes les actions militantes, il y a des moments difficiles après l’intensité. Après le 1er mai et les accords pour la création de la Nouvelle Union Populaires Ecologiste et Sociale (NUPES, hum…), nous avons ressenti un peu de flottement. Après les premières rencontres, pas grand chose dans celles que nous avons monté ensuite. Ça continue à s’inscrire dans notre groupe d’action mais ça ne se mobilise pas encore. Oh, c’est toujours un peu pareil, comme dans la protection animale. Il y a de la curiosité puis plus rien.
Alors il faut quand même garder le moral. Nous avons fait en solo notre premier porte-à-porte et ce fut plutôt difficile. Si comme d’habitude, il y a des messages sur l’interdiction de démarcher dans les immeubles, cette fois on a ressenti plus d’agressivité. On nous a clairement signifier de partir. D’habitude le nom “France Insoumise” suffit mais là non. Il y a eu des problèmes de sécurité, cambriolages ou agression et ça se ressent. Si je devais schématiser la population de l’immeuble, elle serait un peu caricaturale : Immigration portugaise ou Nord-africaine. Et ça n’a pas l’air de franchement bien se passer dans ce premier immeuble pourtant pas si mal entretenu pour du HLM. Alors sur certains escaliers, on a sonné aux 10 appartements sans avoir une seule personne qui nous ouvre la porte. OK, c’étaient les vacances mais tout de même. Ceux qui rentraient ne nous laissaient pas rentrer non plus. Et pour ceux que l’on avait à l’interphone, c’était soient des étrangers qui ne pouvaient pas voter, soient des abstentionnistes qui ne voulaient pas changer d’idée. Bref, on a fini parfois par mettre les tracts dans la boite à lettres.
Et le lendemain, c’est tout l’inverse. On débarque sur un marché où personne ne va d’habitude, dans une cité un peu oubliée par la Mairie ou le reste des habitants. Ça tombe bien, j’habite à coté, j’y vais faire des courses. Un peu le modèle réduit de là où j’ai passé mon enfance en fait. Je m’y sens à l’aise et en même temps je sais trop bien ce que ça peut devenir à force d’abandon. Le tractage est un franc succès. Mélenchon déclenche des sourires auprès de jeunes, de moins jeunes et même d’anciens, quelque soit l’origine, la couleur de peau. Un type court vers moi, joyeux : “On vous attendait”. Une petite association qui tente de donner de la vie dans ce quartier où il reste heureusement des commerces. Par contre, on ne parle pas politique dans les commerces. Pas de café du coin, ici tout se dit en privé ou à l’écart, par petits groupes. On tracte avec une vieille militante de 30 ans notre aînée mais qui ne manque pas d’énergie. Pas de doute, on reviendra parce qu’il faut écouter, transmettre.
Parfois on se demande si nous n’en faisons pas trop. Une action pratiquement tous les jours parce qu’il y a un énorme retard. Mais je pense que ça paiera. Un peu comme quand Mélenchon était bas dans les sondages, allait se perdre dans des débats discutables à la télévision. Mais au final ça a fini par marcher. Pour nous, c’est lent car il fallait attendre aussi les négociations, les nominations. On s’interroge s’il ne faut pas attendre le nom du ou de la candidate, la nouvelle affiche, le nouveau logo. On l’a attendu ce fameux accord et qu’est ce qu’on a pas entendu sur les reniements de la part d’une presse chienne-de-garde qui n’a jamais dit la même chose pour tous les ralliements à Macron ou les traîtrises à la Valls, Hollande ou Cazeneuve. Ils n’ont même pas la culture européenne du compromis que l’on rencontre jusqu’à Bruxelles, et nous font des procès sur l’Europe. Au moins, maintenant, les liens se dévoilent au grand jour. La presse est quasi noyautée et il ne reste qu’une presse militante très à gauche pour parler autrement des choses. Plus de neutralité, s’il y en eut, mais surtout plus la moindre honnêteté maintenant dans ce pays divisé comme jamais.
A suivre…