Législatives 2022 - Journal d'un militant, vol.1

J’entame ce journal d’un militant politique après le deuxième tour des présidentielles 2022. Qu’est-ce qui m’a enfin décidé à m’engager ? Ce regret de premier tour, ces 420 000 voix, mais pas seulement. Un long processus de ressentiment par rapport à l’injustice et la malhonnêteté dans ce pays. La violence d’un quinquennat puisque j’avais déjà failli faire de même en 2017. Alors, même sans être de mon bord politique, j’espère vous intéresser. Une série d’articles dominicaux jusqu’au 2ème tour des Législatives.

Si j’ai milité pour la cause animale, sous différentes formes, je n’ai jamais participé à la politique en tant que telle. Il y a de la politique dans la cause animale, c’est incontestable. Mais rien qui me pousse à tracter autour de chez moi, faire du porte à porte, appeler les amis, les collègues, etc… Et puis surtout, nous habitons dans une zone à priori peu favorable à nos idées, à savoir une banlieue plutôt pavillonnaire avec des cadres supérieurs (CSP), notamment dans la banque (nos voisins). Mais pas que… Et c’est le “mais pas que” qui est important. Ok, avec 20% des suffrages exprimés, l’Union Populaire arrive seulement en 2ème place, loin derrière le roitelet, au 1er tour. Pourtant, on a vu un peu partout en France une abstention forte et une disparité selon les ages, les classes sociales, qui arrive à un président quasiment le moins bien élu de la 5ème république, Pompidou excepté dans le contexte de Mai 68. Et pourquoi pas le Parti Animaliste alors ? Je les soutiens mais là, il faut être réaliste : Il y a urgence pour peser réellement, pour que les animaux soient sauvés des exactions de ces 5 ans donnés aux lobbies de la Chasse, de l’agriculture intensive et de l’Agro-alimentaire. Le Parti Animaliste, c’est pour autre chose.

Nous voilà donc à nous inscrire dans les groupes de notre circonscription et là, premier problème : Il n’y a pas de groupes dans notre ville et dans les 3 villes voisines. Qu’à cela ne tienne, nous commençons par la plus proche pour tâter le terrain. Et puis de fil en aiguille, nous allons voir tout ce qui concerne les villes de notre circonscription. C’est particulièrement alambiqué avec des découpages très loin des alliances entre communes dans la vie politique locale. Nous sommes donc avec une grande ville du coin, bastion rocardien et socialiste auparavant, des villes devenues plus banlieues dortoirs et pas mal de zones pavillonnaires orientées CSP/CSP+. L’orientation politique de 2017 a été au centre droit, comme beaucoup, par défaut dans une démobilisation générale après les présidentielles. Il paraît même que la député élue n’a quasiment pas été vue à militer dans la circonscription, encore moins depuis. Elle ne se représente pas. Cette fois, on ne nous y prendra plus !

Deuxième étape, et à la lecture d’un excellent manuel du militant sur le site de l’ActionPopulaire, nous analysons les résultats de chacun des bureaux de vote de nos villes les plus proches. Et là surprise (pas vraiment…), il y a des bureaux nous donnant en tête (plus de 35%), mais ce sont aussi des bureaux à forte abstention (plus de 30%), donc il y a un potentiel. Mais c’est aussi pour une des villes, des zones où il y a un fort électorat RN. Ce sont les bureaux comprenant de l’habitat collectif, et surtout de l’habitat à loyer modéré. Les zones pavillonnaires haut de gamme sont largement chez ce que l’on appelle le “Bloc Libéral” (Macron, Pécresse…). Une exception tout de même dans une des villes où le vote Zemmour est fort dans une de ces zones, et souvent égal au vote Le Pen. Il y a donc un sacré boulot pour des villes où la gauche radicale est inexistante en municipalité et où le PS s’est noyé dans les compromissions habituelles avec des pseudo-écologistes et le centre droit.

Sauf que madame et moi, nous ne sommes que 2. Et à voir le vote, il y a pourtant des gens convaincus par le programme l’Avenir en commun (laec.fr pour plus de détails). Nous devons donc apprendre, nous faire des relations pour essayer de fédérer un petit noyau militant dans cette zone “abandonnée”. Il se trouve qu’une “boucle” Telegram a été ouverte par des militants d’autres villes. Me voilà donc à installer Telegram et à être invité là dessus. Bonne ambiance, émulation, on se fait déjà de premières relations. Il va falloir apprendre en allant aider les groupes établis. On prépare aussi du matériel militant. On a l’habitude de bricoler des choses avec la Protection Animale. Alors c’est parti pour commander ça sur le site et aller chercher. On prépare aussi la colle à papier-peint, le seau et l’eau pour les futurs collages d’affiches. Sauf qu’avant, il faut trouver les emplacements légaux, ce qui n’a rien de simple dans une mairie bizarrement aux abonnés absents sur ce domaine civique. Et puis les colleurs de Zemmour sont plutôt sans foi ni loi, à l’image de l’UPR d’Asselineau avant, n’hésitant pas comme les LREM à décoller sauvagement les affiches des autres. Parfois avec une police étrangement complice…

Hop on va chercher le matériel commandé directement au siège du mouvement à Paris. Il n’y a pas encore tout mais qu’importe, on refera le voyage. Affiches, tracts, autocollants, ça bosse pour les expéditions au siège. L’occasion de retrouver un militant aguerri, et accessoirement de croiser encore quelques figures insoumises. Lui a la cinquantaine, passé de syndicaliste, gilet jaune très engagé, et même candidat suppléant à une précédente élection par le passé. On écoute, on apprend, on fait connaissance, on prend le pouls. Mais le grand bain, c’est de faire du porte à porte pour que les gens se sentent concernés par cette nouvelle élection. Inscrire les non-inscrits et convaincre les abstentionnistes, c’est l’objectif.

Nous voilà dès le lendemain à faire du porte à porte avec un petit groupe. Une petite cité constituée d’un groupe d’immeubles des années 60. On rejoint le petit groupe militant. Distribution des tracts et arrive la première étape : Se faire ouvrir la porte de la cage d’escalier en sonnant au hasard. On se présente “France insoumise” c’est plus identifié qu’Union Populaire. Tout le monde connaît Mélenchon mais parfois ça ne marche pas. Hostilité ou abstention. Et puis ce sont les vacances dans la zone. Sans parler de toutes les personnes qui rentrent tard du boulot, de très loin souvent. Combien de fois ce sera un adolescent qui garde ses frères et sœurs en attendant le retour des parents. Il y a juste un vague square pour jouer au ballon dans le coin, plus vraiment d’associatif avec la baisse des subventions. On en parlera avec un groupe de “grands frères”, sauvés de la délinquance par les anciennes associations.

Mais à chaque cage d’escalier, il y a des sourires qui nous accueillent, qui font oublier les ronchons, les désespérés aussi. Il y a de la colère, l’envie de crier qu’on existe ici. Il y a cet homme qui avait milité pour Aimé Césaire en Martinique avant d’être dégoutté par le PS et d’être dans l’abstention depuis des années. Une femme qui commence par nous dire qu’elle s’est abstenue avant de dire qu’elle a voté Mélenchon puis Le Pen parce que Macron, y’en a marre ! Je retiens juste les sourires de ces mères courage qui étaient contentes de nous parler tout en préparant le repas du soir qu’on sentait déjà. Elles parlent de Mélenchon avec joie, alors qu’une seule personne nous dit ne pas le supporter. On a beau dire que ce n’est pas la personne mais les idées qui compte, rien n’y fait. Mais ces dames y croient encore, elles ont des enfants qui y croient aussi. Ça donne aussi du courage aux militants pour continuer à grimper les escaliers un à un.

Après cet exemple, nous pensons déjà à la suite, à la création d’un groupe dans notre ville, à recruter du militant, à faire de l’affichage, du tractage, du porte à porte toujours et encore. On s’attend à des désillusions, de la violence. Nous sommes encore si jeunes…dans nos têtes.

A suivre…


Ecrit le : 22/05/2022
Categorie : reflexion
Tags : réflexion,politique,france,législatives

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