Musique - Johnny Clegg - Best of 1979-2016
J’ai cet article sur le feu depuis plusieurs années. Entre temps, le chanteur nous a quitté mais j’ai toujours envie d’en parler. Parce qu’il fit irruption sur nos ondes dans les années 80, quand l’Apartheid devenait enfin inadmissible pour l’occident.
J’étais au collège quand j’ai du entendre un des premiers titres de Johnny Clegg et Savuka. Car le chanteur sud-africain, surnommé le “Zoulou Blanc” était alors indissociable de Savuka, qui n’est pourtant pas son premier groupe. Né en Angleterre en 1953, sa famille vient pourtant de Lituanie et Pologne du coté de sa mère et s’est installé en Rhodésie (Zimbabwe aujourd’hui). Il n’aura pas connu l’Angleterre très longtemps, pour suivre sa mère en Afrique du Sud, puis découvrir l’Afrique du sud avec un beau-père éphémère. Ce n’est que par amitié qu’il découvre la culture zoulou, sa musique, ses langues. Et une première rencontre l’amènera à fonder le groupe Juluka, de 1976 à 1985 avec Sipho Mchunu. Un groupe emmené par un duo entre un blanc et un noir sur de la musique zoulou, ce n’est pas très bien vu dans ces années d’Apartheid. Censure et tabassage en règle furent de la partie. Et donc Clegg fonde Savuka après le départ de son comparse, alors qu’il avait déjà pu se faire connaître à l’international. Et la fusion entre musique zoulou et pop-rock prend vraiment forme.
Pourtant le titre qui me l’a fait connaître, “Scatterling of Africa” est un titre de Juluka mais qu’on mis sous le nom de Clegg qu’un “marketeux” de la maison de disque a du trouver plus vendeur. Il fut réédité avec Savuka…la version que l’on entend dans le film “Rain Man”. Car l’album qui fait découvrir Clegg c’est “Third World Child” de Savuka où l’on retrouve le hit “Asimbonanga” qui parle de Mandela. Les années 87-90 seront les années de la lutte contre l’Apartheid et Clegg trouve enfin la lumière qui lui manquait. Paradoxalement, la libération de Mandela sonnera le glas de sa carrière internationale, lui qui avait œuvré pour le rapprochement des cultures. Savuka sort trois albums entre 1985 et 1993 puis met 8 ans à revenir, Clegg retrouvant son complice de Juluka, Sipho Mchunu entre temps. Il aura bien la reconnaissance dans les années 2000 par des distinctions mais moins de succès pour sa musique. Et si je fais le choix d’une compilation, c’est pour ne pas l’enfermer dans une période trop restreinte et donner la chance à des titres qui n’ont pas eu leur chance par chez nous.
J’avais par exemple un vague souvenir d’Africa qui date de 79 et qui a déjà tout d’un hit avec ce mélange entre les choeurs zoulou et la pop anglaise. Et puis Clegg ne peut cacher les inspirations celtiques dans bien des titres, ce qui se marie parfaitement aux sonorités africaines. Universel Men en est l’exemple et aux paroles, on comprend la censure de l’époque. Impi me fait penser à un brouillon d’Asimbonanga avec ses choeurs et sa rythmique plus folk. Il y manque juste un refrain plus marquant et de meilleurs couplets. L’album rajoute quelques raretés de la période Juluka qui n’avaient pas été gardés par des maisons de disque trop frileuses à l’idée de n’avoir que des paroles en Zulu. Et on transite ainsi dans les années 80, les années Savuka avec des rythmes plus chaloupés, plus funky comme Siyayilanda. Mais j’avoue trouver plus mon compte dans les années Juluka et le début de Savuka. J’ai découvert ainsi December African Rain ou Bullets for Bafazane qui sont dans un des albums les plus politisés, “Work for all”.
Si je me passe allègrement des remixes, Il faut forcément qu’il y ait Scatterlings of Africa, Asimbonanga, et puis I call your name qui était un hymne très dansant de cette époque. Ok, j’étais incapable de prononcer le “ngibiza igama lakho” qui était scandé dans le refrain. Et ce titre est bien moins politique dans cette époque qui n’est pourtant pas calme. Je me souviens aussi de Dela qui sentait déjà la fin du succès…Mandela était libéré l’année d’après et on oublia bien vite l’Apartheid. Enfin … En France. La musique de Clegg perdit aussi un peu de sa particularité avec les années pour suivre les modes. Il est tellement bon dans des sonorités plus folks et authentiques. Comme sur Osiyeza qui est dans une version live sur cette compilation. Car même si ce n’est pas une très grande voix, il a son timbre…J’oublierai rapidement New World Survivor par exemple qui gomme tout ça.
Au final, c’est une compilation qui mérite une petite réduction de titres, comme souvent, avec moins de remixes et de titres récents, mais qui a le mérite de revenir sur les périodes marquantes du chanteur et de ses deux groupes. A l’heure du choix pour la vidéo, je choisis la joie qu’il pouvait communiquer plutôt que l’émotion. Et il emporte avec lui une part de l’histoire de son pays, qui lui aussi l’oublie ces dernières années.