Musique - IAM - L'école du Micro d'argent (1997)

Il fait partie des albums cultes du rap français. Et pourtant, j’ose l’avouer, je l’ai complètement zappé à l’époque et je continue à avoir un jugement trouble.

Ok, je n’ai jamais été très fan de rap. Quand j’ai vu débarqué IAM avec son Mia, j’ai bien compris la part de blague dans le titre mais j’ai surtout eu l’impression que beaucoup l’ont pris au premier degré à l’époque, comme une sorte de titre Pop-rap…Et forcément, à part quelques rappeurs hardcore, le rap-français mainstream de l’époque m’apparaissait comme une sorte de pop à peine renouvelée. J’allais alors plutôt écouter ce qui se passait sur la côte Est des USA, avec d’un côté Public Enemy et de l’autre Wu-Tang Clan. Nous sommes alors dans les années 90, 92-96 pour être précis. Rappel, IAM émerge vraiment en 1993 mais je n’ai pas écouté “Ombre et lumière”.

Alors quand sort leur nouvel album en 97, je trouve beaucoup d’inspiration dans les samples sur ce qui se fait depuis quelques années aux USA. En plus c’est mixé, dans sa première version, à New York par un certain Nick Sansano, qui a bossé avec Public Enemy. Comme je préfère l’original à la copie, je regarde ça un peu de haut et je me marre quand on me sort que c’est le renouveau du rap français… Et pourtant ça l’est d’une certaine manière, comme nous avons toujours deux ans de retard musicalement. Déjà le rap a évolué aux USA et va balayer ces vieillards de la côte est avec la vague west-coast qui a émergé en parallèle et continuera son influence avec des petits jeunes comme Eminem (1997-2000…pourtant pas vraiment près de la mer, mais Dr Dre oui) et ainsi de suite. Mais revenons à Marseille et ce fameux album. Je l’ai donc écouté distraitement puis j’y suis revenu bien des années après pour ne pas mourir idiot.

J’ai un peu de mal sur le premier titre, celui de l’album, qui mixe un peu tout et n’importe quoi niveau mythologie. Mais bon, musicalement, ce n’est pas inintéressant. Dangereux rentre vraiment dans ce qu’on appelle aujourd’hui le “rap conscient”. Bizarrement, avec les dernières déclarations d’Akhenaton, ça sonne différemment mais à l’époque, ça parle. Je préfère Né sous la même étoile qui a un texte vraiment bien senti sur une production sobre et efficace. On avait vraiment la qualité d’écriture que le rap français (et pas que lui) a perdu peu à peu dans sa dérive mercantile. Autre débat… Sur La Saga, on retrouve une grosse intro US qui fait penser à Wu Tang Clan (et pour cause, tendez l’oreille). Et il se trouve que RZA rodait aussi dans le coin. Et il se trouve que Sunz of Man est un groupe cousin de Wu Tang Clan puisque Prodical Sunn est le cousin de RZA. Là, forcément, quand j’avais entendu le titre à l’époque, ça faisait le lien.

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Le titre Petit frère parle à beaucoup de monde. Ca parle de la perte de l’innocence de l’enfance, de la violence, la perte des valeurs. Toujours d’actualité… Elle donne son corps avant son nom parle de prostitution, de l’impossibilité de la séduction sans les risques. On retrouve ce thème sur Chez le mac. Efficace. L’empire du coté Obscur est emblématique avec ses samples de Star Wars et on pourrait se contenter de le prendre au premier degré. Mais il y a une deuxième lecture possible sur le basculement du coté “obscur”, illégal de la vie. Un des titres qui avait le plus d’originalité vis à vis des modèles US, je trouve. Regarde est un peu oubliable musicalement, un peu démodé je trouve, mais il y avait le texte d’Akhenaton et Imhotep. Un texte sur la violence qu’on ne voyait pas, le manque de moyen pour sortir ces quartiers du marasme. L’enfer rappelle que le groupe fonctionnait comme un collectif avec des “invités” autour du tronc commun. Là encore, c’est une chronique de la violence quotidienne, la violence qui perdure 25 ans plus tard. Quand tu allais, on revenait prend l’environnement des arts martiaux et de la mythologie chinoise mais traite encore du quotidien et de la manière de gérer. On retrouve aussi cela dans Un bon son brut pour les truands. Le son fait là encore très east-coast. Bouger la tête parle de la découverte du rap, du hip-hop, de la découverte. Générationnel. La violence revient crûment dans Un cri court dans la nuit avec Nuttea. On n’est plus franchement dans un son français de l’époque. Independanza est bien plus intéressant pour son sample récurent, les paroles.

Et le titre Demain c’est loin est un morceau d’anthologie avec ses plus de 9 minutes où se succèdent Akhenaton et Shurik’n. Il illustre déjà la complémentarité des deux leaders dans le groupe. On pourrait presque le voir comme une synthèse du reste, une conclusion qui ouvre vers une suite (demain), s’il n’y avait encore ce désenchantement, cette violence qui se niche jusque dans les bruitages de flingues et de balles. L’argent, la prison, la mort, tout ça sur une rythmique lancinante qui aujourd’hui parait plutôt basique. Le texte est clairement mis en avant, tout autant que le flow qui donne vraiment la rythmique. “Horizons cimentés, pickpockets, toxicos / Personnes honnêtes ignorées, superflics, Zorros / Politiciens et journalistes en visite au zoo / Musulmans respectueux, pères de famille humbles”. Tiens, demain c’est vraiment loin car ça ressemble salement à aujourd’hui. Et si cet album reste un classique, c’est aussi parce que le contexte n’a pas changé. Le rap, si. A se demander si finalement, parler de la réalité a servi ?

Il y a aujourd’hui des tonnes d’articles et documentaires sur l’évolution du rap français. Évolution qui m’a rapidement perdu, je l’avoue, comme d’autres genres musicaux avant. Au moins ça parlait à un gamin de banlieue, à l’époque. Mais le gamin a vieilli, changé de banlieue. Le style aussi, surtout sur certains titres “ancienne école”, moins sur ceux qui mixaient des samples plutôt inattendus. La voix était pure, pas trafiquée. Mais aujourd’hui IAM n’a plus rien à dire, à rajouter, comme si tout avait été fait dans les trois premiers albums et les mixtapes. Comme NTM, il vaut mieux en rester sur les débuts, ne pas tenter de refaire. L’énergie, cette violence contenue, reste. Et puis elle avait de la gueule cette pochette.

Extrait de l’album : La Saga video


Ecrit le : 19/05/2022
Categorie : musique
Tags : musique,1990s,rap,hip-hop

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