BD - Sur un air de fado de Nicolas Barral (2021)
Voilà une BD qui m’a tout de suite attiré par sa couverture et son sujet. Un homme seul et l’ombre de la police ou de militaires, avec un titre qui évoque le Portugal…
J’avais vite compris qu’il s’agissait de la dictature qu’a vécue ce pays. Mais autant on connaît le déroulement de la dictature espagnole de Franco, autant on connaît moins les années de dictature de Salazar et ce qui a poussé tant de portugais à l’exil. J’ai et j’ai eu de nombreux amis et collègues portugais mais ce n’était pas un sujet dont on parlait. Comme s’il y avait un certain tabou pour avoir laissé s’installer ce régime. La BD ne revient pas sur l’accession au pouvoir de cet homme plutôt étrange par rapport à ses “confrères”. Les premières planches montrent l’accident assez ridicule qui conduira à sa mort…Mais pas encore à la fin de la dictature. L’homme sur la couverture, c’est Fernando Pais, paisible médecin solitaire, qui va pourtant de conquêtes en conquêtes. Il va aussi soigner des membres du PIDE, la police politique tout en ne cautionnant pas leurs agissements. Mais il semble cacher un secret.
Son secret, c’est un amour passé avec une militante qui n’eut d’autre choix que l’exil. Son secret, c’est aussi une famille conservatrice qui apprécie Salazar, un frère qui travaille pour le PIDE. Fernando essaie de ne pas faire de vague, de soigner ses patients et puis un jour il croise un petit garçon et renoue avec la dissidence…et l’amour. L’histoire est faite de flash-back et de scènes se passant en 1968-69. On y ressent cette atmosphère pesante, cet espionnage de tous, ce fichage, la police qui se permet tout ce qu’elle veut. Et à la lecture de ce livre, je me dis qu’on a parfois la mémoire trop courte. Ces années 50-70, c’était hier, avant-hier mais les mêmes discours continuent à reprendre racine. Je me dis aussi que l’on a trop peu écrit sur le Portugal et que c’est dommage. En toile de fond de ce régime, il y a la décolonisation, la guerre en Angola, terrible dont les conséquences se font encore sentir.
Un très bel ouvrage, une belle réussite avec une histoire à tiroirs mais qui en appelle d’autres. L’auteur a puisé dans l’histoire de la famille de son épouse pour nous raconter cette fiction très proche de la réalité. La fin reste même ouverte à une suite…