Cinéma et Musique - Elvis de Baz Luhrman (2022)
J’avais quitté Baz Luhrman en bons termes avec son Gatsby, qui revenait à un bon niveau après le très moyen Australia. Et pour ce cinéaste si musical, j’étais impatient de voir ce qu’il ferait de la vie d’Elvis Presley.
Pour moi, un biopic, c’est plutôt sans surprise. J’en attends presque un documentaire en plus vivant, c’est à dire que je veux apprendre des choses. Mais en même temps, je me doute qu’il y aura des libertés prises avec la réalité pour rendre cela digeste. Il ne faut pas trop de libertés (hum… Queen) ni que les acteurs soient trop éloignés de leurs modèles (hum…Queen encore). Bref, avec Elvis et ses milliers de sosies potentiels, je me disais que ça pourrait le faire. La vision de la bande annonce durant le festival de Cannes m’avait donné une bonne impression. Toutefois, il y avait une surprise : Plus qu’un hommage, comme tout biopic, on s’orientait sur le relationnel entre Elvis Presley et le Colonel Parker, son manager mythique. Et ça, ça m’intéressait aussi.
C’est parti quand même pour 2h40 de film ! Dès le générique (et même avec l’affiche), on sait qu’on est chez notre réalisateur australien amateur de couleurs et de clinquant (Ballroom Dancing, Moulin Rouge). Au casting, on a un inconnu dans le rôle titre (Austin Butler) et on ne peut pas dire qu’il ressemble assez au modèle. Le colonel est interprété par un Tom Hanks grimé pour paraître plus gros surtout. Ça passe. Je ne trouve pas non plus que Olivia DeJonge ressemble beaucoup à Priscilla Beaulieu-Presley. Luhrman n’est pas non plus connu pour être très fidèle aux réalités historiques (voir Moulin Rouge) mais pour en donner pour son argent question visuel. Dès le générique, ça claque avec tout le Kitsch que l’on imagine chez Elvis : dorures, strass, paillettes. C’est le colonel qui fera le narrateur et il nous embarque vers des flash-back avec même des parties animées. Ouah, ça envoie déjà bien, même si comme d’habitude je regrette le mixage qui ne met pas les dialogues en valeur.
On est à Las Vegas, puis dans le Tennessee de l’enfance d’Elvis et notamment la banlieue pauvre de Memphis et sa fameuse Beale Street. Elvis est blanc mais est élevé dans un quartier de noir. Ainsi se familiarise-t-il avec le blues et le ryhtm’n blues. Il croise des stars noires de l’époque comme le jeune BB King et le encore plus jeune Little Richard (mais plus vieux qu’Elvis de 3 ans). Luhrman insiste beaucoup sur ce lien avec la communauté noire et l’héritage qu’Elvis doit à cette musique. Réalité ou pas, ça se discute mais il est vrai qu’il parvint à faire ce lien entre deux mondes qui ne se parlaient pas assez, surtout en cette période de lutte pour les droits civiques. Le film revient justement sur l’assassinat de Martin Luther King ou ceux des Kennedy. Un pan d’histoire des USA et de sa musique défile alors. Dans son déroulement, Luhrman utilise beaucoup d’images d’archive, très bien intégrées. Et de ce fait, il insiste aussi sur les attaques racistes de la part des conservateurs vis à vis de ce blanc qui “jouait de la musique de nègres”.
Mais le film est surtout sur cette relation Parker-Presley qui est complexe. Il y a parfois une relation père-fils mais surtout la manipulation et l’emprise que tente de conserver le colonel sur son protégé, sa poule aux œufs d’or. Ce choix de Luhrman éclipse alors d’autres histoires comme celle avec Priscilla, souvent accusée aussi de tous les maux. On y tait beaucoup des dérives de l’entourage d’Elvis avec ces “amis” ou cousins qui gravitent. On passe assez vite sur l’aventure Hollywoodienne. Mais on retrouve toujours le thème de la solitude de l’artiste, ce qui paraît toujours paradoxal avec un tel staff. Elvis apparaît comme ce jeune garçon d’une famille pauvre qui se retrouve catapulté dans un monde qui lui est étranger et se prend pour le super héros qu’il rêvait d’être enfant. Alors il est dans l’excès en tout ce qui conduit à sa perte, surtout après la mort de sa mère. Dans tous les cas similaires, les managers ne jugulent pas grand chose…
Je ne vais pas trop en dire non plus, mais globalement le film est réussi, sans atteindre les sommets du genre. Le style Luhrman colle bien à l’univers Elvis, son clinquant, le Las Vegas de ces années. La bande son fait évidemment la part belle à Elvis mais Luhrman a fait intégrer des sons plus modernes (rock, hip-hop…) par Elliot Wheeler, un peu comme dans …Moulin Rouge. A la photo on retrouve Mandy Walker que Luhrman avait embauchée sur Australia. Et le réalisateur est toujours auteur, scénariste, et même dialoguiste. La seule chose qu’il ne maîtrise pas totalement, c’est le montage et la durée associée car il aurait voulu faire plus long. Les 2h39 passent plutôt bien d’ailleurs, sans gros temps mort. J’ai plutôt ressenti des manques sur les points que j’ai cité plus haut. Pour l’hommage, c’est réussi. Pour la partie plus trouble autour du Colonel, ça se discute puisqu’on laisse planer un mystère sans aller trop loin. Un bon divertissement à grand spectacle qui donne envie de réécouter du Elvis, que même le groupe Italien Måneskin reprend dans le final. Juste que Luhrman n’est pas au top par rapport aux précédents films.