Littérature - Mother Cloud de Rob Hart (2020)

Tout chaud de 2020, voilà bien un roman dystopique qui s’inscrit parfaitement dans l’actualité. Nous y suivons le destin de trois personnages autour d’une multinationale hégémonique, avec espionnage industriel, romance et meurtre à la clé.

Si je ne vous ai pas encore donné envie, il faudrait que je rajoute un contenu forcément politisé. Car on parle d’une dystopie, d’un monde anticipé de quelques années et qui ne donne pas franchement envie. Cloud est une société de e-commerce qui domine le monde. La plupart des commerces concurrents ont fermé. Le trafic aérien n’existe plus ou presque et est dirigé par Cloud qui inonde le ciel de ses drones. Les productions de biens sont dictées par Cloud qui achète aussi tous les brevets. L’emploi est majoritairement celui de Cloud. A sa tête, on a Gibson Wells, devenu malade en phase terminal. Il fait sa tournée d’adieu comme un rocker, dans son bus en passant dans tous les centres, les « mother cloud ». Dont un centre où une certaine Zinnia et un certain Paxton se sont fait engager. Zinnia a une mission : Pirater Cloud. Paxton ne veut que se venger de l’échec de sa société, tuée par Cloud.

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Vous aurez forcément reconnu Amazon derrière Cloud, avec un peu de Steve Jobs derrière ce patron malade et hégémonique. L’hégémonie est totale et le système de production de Cloud fait froid dans le dos. Des employés devant porter une montre qui les dirige en tout, leur donne des notes et une jauge de résultat. Ils sont enfermés quasiment dans des centres, à la merci chaque mois de « la coupe », d’être virés quoi. Tout le monde consomme par Cloud qui a optimisé toute la production, la distribution, le marketing et infiltré tous les rouages du pouvoir. En montrant la meilleure gestion environnementale, Cloud fait un green washing incroyable, dont on découvre peu à peu les raisons. Car il y a plusieurs twists finaux.

Ce monde, c’est finalement un ultralibéralisme poussé à son extrême qui devient une dictature capitaliste. Le plus fort c’est Cloud qui fait plier ses adversaires et devient un pouvoir non élu. Ah si, élu par « le marché », soit disant les consommateurs qui choisissent toujours le plus simple et le moins cher. Pas faux…Et l’auteur nous fait un clin d’oeil à certaines dystopies en disant que ce n’est pas Cloud qui ne veut pas les vendre mais les acheteurs qui n’ont pas envie de les lire. Notre recherche du bonheur illusoire nous fait créer notre propre déchéance et notre propre enfer. Ajoutez à cela une petite dose de transhumanisme et de castes pour nous livrer un « monde parfait » selon Gibson Wells. Presque selon Dieu.

J’étais sceptique sur le début, avec cet enchaînement de mini chapitres découpés par personnages. Ils sont trois qui se succèdent régulièrement. Et petit à petit, on s’attache à Paxton ou Zinnia, un peu moins à Wells et son cynisme. La routine du travail qui occupe l’ouvrage au début disparaît pour aller suivre le duo Paxton-Zinnia dont on se demande comment ils vont faire cohabiter leurs deux missions ou s’ils vont les oublier dans cet espace confiné qui est là pour asservir l’humain. Car on parle bien d’asservissement, qu’il soit du côté consommateur ou du côté travailleur. Même Dobbs, le grand chef de la sécurité, a aussi accepté d’être un esclave d’un système à sa manière. Mais stop, je ne vais pas trop en dire…. C’est une Dystopie moins imaginative que ses modèles car elle se base beaucoup sur ce qui existe déjà. Rob Hart pousse juste les curseurs un peu plus loin pour montrer vers quoi nous pourrions aller.

Allez, ce n’est quand même pas si déprimant, rassurez vous. Il y a de l’espoir et il y a surtout ces histoires parallèles qui maintiennent le lecteur dans un récit distrayant. Un jolie réussite donc pour ce roman à la limite du page-turner technologique. Et qu’on évitera donc de commander en ligne sur … Amazon ou ses recopies françaises.


Ecrit le : 22/04/2021
Categorie : litterature
Tags : 2020s,anticipation,dystopie,littérature,roman,sciencefiction

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