Le Docteur-Réalisateur Lilti a déjà largement traité le domaine de la médecine au cinéma dans ses films (Hippocrate, première année, …). Mais depuis deux saisons, il ajoute à cela une remarquable série.

Bienvenue dans le monde des internes en médecines. Hippocrate est un peu la suite du film du même nom, que l’on aurait pu mettre dans le cursus Liltien après “Première année” qui traitait des études, et avant “Médecin de campagne”. Mais c’est bien une nouvelle équipe d’interne que l’on va suivre. Il y a Chloé Antovska (Louise Bourgoin), plus chevronnée et bourreau de travail. Il y a Alysson Lévêque (Alice Belaïdi) la nouvelle pleine d’idéaux. Il y a Hugo Wagner (Zacharie Chasseriaud), le fils de la chef du service réanimation. Et puis Arben Basha (Karim Leklou), le légiste albanais qui vient en renfort, personnage clé de la série (et prolongement de celui joué par Reda Kateb dans le film du même nom). Le service de médecine interne de l’hôpital est touché par une maladie tropicale infectieuse, dans la première saison. Les internes doivent alors remplacer les titulaires qui sont confinés mais se retrouvent aussi confrontés au manque de lits et à la dure réalité du terrain sans l’expérience requise. Dans la deuxième saison c’est le service des urgences qui doit fusionner avec la médecine interne après une inondation.

En deux saisons Lilti décrit donc la médecine générale de l’hôpital et les urgences, les deux secteurs clés pour le grand public. A travers des personnages très humains, avec leurs failles, il nous implique totalement dans l’histoire. S’y ajoutent les patients auxquels on peut s’identifier, des amours, des drames, des jalousies. Bref, la vie, alors que le rythme des consultations ne donne pas beaucoup de temps à tout cela. IL n’y a que 8 épisodes par saison et c’est particulièrement intense. Mise en scène réussie, donc, avec une belle galerie de personnages (Anne Consigny, Bouli Lanners, Géraldine Nakache) dont quelques habitués du réalisateur, notamment dans les figurations et petits rôles. Le casting est très bon justement d’autant que la direction d’acteurs est précise. On croit totalement à ce qui se passe, même si on voit parfois des ficelles très cinématographiques. Nous sommes loin des locaux clinquants des séries hollywoodienne genre Dr House ou Good Doctor, au point qu’à l’export il semble y avoir un décalage. Place ici à l’hôpital public bien de chez nous, n’en déplaisent aux “grands pontes” qui voudraient faire croire que c’est du passé.

Lilti n’épargne ni la médecine d’abattage, ni le cynisme dont font preuve certains médecins, tout en montrant la difficulté du métier. Il montre une réalité crue parfois, sans oublier l’humain derrière. Ce n’est pas gai, c’est sûr, même si on sourit aussi dans les relations entre les personnages. La deuxième saison, après l’installation des personnages dans la première, montre le doute, le besoin de sentir une vocation, un thème récurent chez Lilti qui a quitté la médecine depuis 10 ans maintenant. Techniquement, rien à dire sur la manière de filmer. On sent qu’il y a du répondant pour garder à la fois le réalisme et passionner le spectateur.

Seulement 16 épisodes de 52 minutes, hélas et il va nous falloir attendre une troisième saison quelques temps avec sans doute l’impact du virus.

Enfin, attendre, il y a aussi un petit livre écrit pendant le confinement par le cinéaste, Le Serment. On peut le voir de plusieurs manières. C’est un bon complément à la série et aux films déjà, avec des éléments de “Making of”, des coulisses. Il y a une sorte de d’auto-psychanalyse de la part de l’auteur qui s’interroge sur ses choix de carrières, ce qui l’a marqué, ce qu’il inclut de lui même dans ses films. Et puis il y a une grosse interrogation sur ce qu’est la médecine, sur ce que devient l’hôpital, à défaut d’y trouver des réponses. C’est un témoignage intéressant qui permet aussi de comprendre le désamour de cette profession de personnel soignant, cette déshumanisation en marche depuis tant d’années.

En vidéo : La Bande annonce