Cinéma - Dune, part One de Denis Villeneuve (2021)
C’était le film le plus attendu de l’année…Cette année de reprise. Et j’ai attendu un peu que les salles se vident pour profiter tranquillement de la VOST avec madame. La différence entre nous est que j’ai lu Dune et pas elle. Et ça change beaucoup de choses.
Mes souvenirs de lecture datent d’il y a environ 30 ans. Et pourtant, le film a réussi à les réactiver, ce qui est loin d’être le cas de la version de Lynch dans les années 80. Je n’avais pas d’à priori sur Villeneuve qui n’avait pas trop massacré Blade Runner (un entraînement ?) mais vu le pavé que constitue Dune, j’avais de l’inquiétude. Madame y est allé à reculons après la bande-annonce et je ne peux pas lui donner tort, tant j’avais l’impression qu’on me vendait un Star-Wars. Ah le manque de culture des studios, et des spectateurs de nos jours…
Dune, c’est un des cycles fondateurs de la SF moderne, rayon Space-Opera ou plutôt Planet-Opera. C’est un univers qui se passe en l’an 10 000 et des poussières avec des guerres entre des “maisons” qui sont à la fois des entreprises, des armées, des planètes-nations. Au cœur de tout ça, il y a l’Épice, à la fois une sorte de source “d’énergie” mais aussi un sorte de psychotrope. Et cette épice vient de la planète Arrakis que l’on a baptisé Dune à cause de son désert, peuplé par des vers géants qui sont en fait à la source de cette épice. Le peuple Fremen vit en harmonie sur cette planète, jusqu’à ce qu’on veuille exploiter à outrance cette substance. Et comme cette épice est indispensable aux voyages intergalactiques pour des raisons un peu techniques, on a vite fait de faire le parallèle avec… le pétrole. La planète Arrakis est exploitée jusqu’ici par la maison “Harkonnen”, des brutes qui veulent asservir les Fremens. Mais notre film commence quand l’empereur qui dirige l’Imperium décide de donner la gestion aux Atréides, une maison concurrente et plus “ouverte”. Le héros de l’histoire est Paul Atréides, le prince héritier dont la mère Jessica est une membre d’une congrégation religieuse féminine, les “Bene Gesserit”, qui agit comme éminence grise dans cet univers. Disons que là, j’en dis le minimum pour comprendre un peu les enjeux. Il m’a manqué la Guilde spatiale pour l’instant dans cette histoire mais ça viendra sûrement.
Le problème dans tout ça, c’est de caser les explications dans un film qui fait déjà 2h30, tout en gardant de l’action et de gros effets pour capter le spectateur abreuvé de blockbusters. Le film de Lynch avait fait le choix d’une narratrice, ce n’était pas mieux car ça oubliait le roman. Pourtant je pense que c’est là que ça peut coincer. Car depuis l’écriture de Dune par Frank Herbert en 1965, il y a eu une sorte de pillage organisé par beaucoup des Space-opera en films ou série. A commencer par le Star Wars de Lucas…qui s’en cache bien comme pour beaucoup d’emprunts aux religions. Dune y va aussi de son “messie”, c’est du classique. La Force, les Storm-troopers, les vers de sable, l’empire, … bref, en voyant le Dune de Villeneuve, quelqu’un qui ne connaît pas l’origine du film peut avoir une impression de déjà vu, impression partagée par madame. Et il y a une impression de lenteur pour installer l’univers posément comme le fait Villeneuve tout en essayant de simplifier pour que tout le monde comprenne. J’ai un peu de mal sur certaines scènes très courtes qui viennent rompre le fil de l’histoire pour donner une vague explication. Le climax de mi-film arrive presque comme un cheveu sur la soupe.
D’un autre coté, sans être un “gardien du temple”, je trouve que Villeneuve s’en sort bien en respectant les fondamentaux et en gardant un visuel qui n’est pas éloigné de ce que j’avais construit dans mon imaginaire. OK pour les Ornis, pour les Fremens, pour Chalamet en héros (même si j’avais un à priori défavorable avec son look boys band), le baron Harkonnen. J’aurais aimé un peu plus sur le Distille, ce système de recyclage de l’eau du corps qui m’avait marqué dans le roman et dont je trouve qu’on prend trop de liberté à l’image. J’avais un souvenir d’une atmospère plus étouffante et dangereuse. Ça n’a pas l’air très chaud cette planète avec ce qu’ils portent. Pas un gramme de sueur sur le visage. Ah le cinéma et l’image lissée… De même, pas un plan sur les peuples des planètes des maisons, seulement les armées. Techniquement, ça suit bien pour les effets spéciaux avec des plans grandioses. Par contre, le passage sur petit écran risque d’être difficile si on n’a pas une installation audio avec de la dynamique, tant les SFX sont puissants par rapport aux dialogues, surtout dans le milieu du film qui réveille le spectateur. Au passage, Hans Zimmer a réussi à sortir une bande originale qui sort de ses propres poncifs.
Chez Herbert, il y avait une forte connotation arabisante dans les Fremens qui rappelaient des sortes de Touaregs. Et je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec Lawrence d’Arabie (le film sort 3 ans plus tôt). Il y a jusque dans le vocabulaire utilisé pour les noms. Voilà qui va plaire encore à Zob et ses délires sur le cinéma…Trêve de plaisanterie, malgré ses lenteurs je trouve le film assez efficace, mais il manque aussi (le roman idem) de grands moments de sentiments, et évidemment d’humour. Cela viendra-t-il dans le prochain… Et le fait qu’il s’arrête à cet endroit de l’histoire me laisse songeur. Je verrai bien une trilogie, vu le rythme, la seconde partie se concentrant sur le peuple Fremen qui n’est finalement qu’esquissé et le destin de Paul. Il y a d’ailleurs une scène qui me gène, c’est la vision de Paul dans un combat au côté des Fremens et qui en dit trop à mon goût dans un tel format. La troisième partie pourrait alors se concentrer sur les luttes de pouvoir au sein de l’empire, la lutte Atréides/Harkonnen/Empereur et les enjeux pour la guilde spatiale. Et puis en fait, comme Star-Wars, on peut en faire des tonnes, autant que les livres d’Herbert qui ont développé parfois à l’excès cet univers. Comme Villeneuve a essayé de trouver un compromis, il n’y aura peut-être que deux films.
Conclusion : Un film qui répond plutôt bien aux fans de ce cycle littéraire mais qui peut décevoir par le manque d’originalité et de prise de risque, surtout pour un public qui a déjà largement été bercé à ce genre. “Ce n’est que le début”.
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