Réflexion - Et si le blog était un jardin
J’ai déjà fait des articles sur les coulisses du blog, ma manière d’organiser ou de réorganiser mais en discutant avec quelques collègues, il en ressort que le blog est comme un jardin personnel où l’on y affiche de beaux partères, comme des zones plus en friches…
Durant cette quinzaine d’années où j’ai testé beaucoup de choses, où j’ai cassé de nombreuses adresses, où j’ai participé à des projets communs, j’ai modelé petit à petit ce qui fait ce blog aujourd’hui, et ce qu’il sera demain. A raison d’une version tous les deux ou trois ans, avec 4 ou 5 moteurs différents (selon si je compte les versions de Wordpress), cela m’a donné le temps de m’organiser, sachant qu’en plus ma vie a suivi son cours. Il y a l’organisation personnelle des sessions d’écriture et l’organisation en elle-même des brouillons, des articles à venir. Car cela peut paraître étrange à mes collègues mais je ne sors plus jamais rien “en direct”.
Le temps d’écrire
Le parallèle avec le jardin commence ici. Il faut prendre le temps car comme une plante, un bon article peut mettre du temps à se construire. Cela commence par se trouver des moments où l’inspiration arrive. Pour ma part, c’est surtout le matin quand la ville dort, après m’être occupé de ces majestés félines et parfois avant de me rendre en quelque pas à mon bureau de télétravail. La nuit porte conseil parfois pour mûrir une idée et l’esprit n’est pas encore sollicité de toutes parts. D’autres fois c’est le soir mais cela se coordonne avec mon système de notes et ma création de brouillons pour les idées à mûrir. Autrefois dans Wordpress, je pouvais saisir un article directement sur le smartphone ou le PC et le laisser en brouillon, rajouter des idées, des chapitres. Aujourd’hui c’est un répertoire brouillon avec des fichiers markdown, et une page du Bullet Journal où les idées viennent. Les idées, ça vient n’importe quand et c’est le souci donc autant les organiser, les jeter, les réunir avec d’autres. Toutes ces petites graines d’articles sont donc bien rangées, attendant le bon moment pour être plantées, pardon écrites.
Le temps de cultiver
L’article est donc commencé, souvent de manière embryonnaire, un peu comme un roman dont on dessine la trame, les personnages, les chapitres. Et parfois ça vient juste après une lecture, un film, une écoute, … Pour les chroniques évidemment. Avec le temps j’ai fait le choix de donner envie sans en dire trop, de ne pas avoir une structure type comme j’en vois trop souvent avec les données techniques, les citations et extraits. Je déteste aussi faire des analyses sur ce que veux dire l’auteur/réalisateur parce que ça dévoile trop, ça gâche le plaisir. Bref, je ne suis plus lecteur des Cahiers du cinéma et de Positif depuis un paquet de temps, encore moins de forums et sites littéraires. Peut-être que je rate le coche parfois, que je fais trop court et que je me répète quand même, avec des thèmes récurrents qui se dessinent dans ces quelques 1400 articles. Ces articles là se fond presque à chaud, d’une traite et passent dans la rubrique relecture, un autre répertoire donc où je classe cela par rubrique. Et puis il y a les articles de fond, plus long, qui de quelques idées et chapitres deviennent des paragraphes qui sont coupés, déplacés, puis illustrés par une image, une vidéo. C’est la plante qui pousse jusqu’à avoir des fleurs ou des fruits. Avant dans Wordpress je pouvais voir l’historique d’écriture avec les versions alors que maintenant je ne regarde plus. Juste que mes répertoires sont automatiquement dupliqués et sauvegardés pour plus de sécurité. J’ai des brouillons qui datent de 2 ans, d’autres traités en une semaine, il n’y a pas de règle. Je sais juste que parfois je dois forcer le destin, me lancer sur un sujet que je sais encore tendu, sortir de ma zone de confort.
Et parfois dans ce jardin, j’essaye de faire pousser des choses nouvelles. Il y a eu des dessins, de la musique. J’ai eu des périodes délirantes où je me cherchais et que j’ai fait disparaître totalement. Il y a encore des rubriques qui évoluent comme cette revue de médias qui grossit, grossit puis diminue, se développe d’un coté puis de l’autre. Il y a des zones éphémères, d’autres en friche. Et finalement c’est un peu comme un jardin avec les saisons, les années. Il y a des arbres qui mettent du temps à pousser, des fleurs qui ne durent qu’une saison, des plantes pas adaptées à l’exposition, l’acidité du sol. Mais à la fin ça arrive à la phase de relecture.
Torii Kiyonaga 1789
Le temps de relire
C’est souvent dans la semaine précédent la parution. Parce que d’abord je dois planifier tout ça. Il peut m’arriver de chroniquer 5 BD en 3 jours ou 3 albums de musique en une semaine puis plus rien pendant des mois. Ça, vous ne le voyez pas et un “collègue” me disait que j’agissais comme un rédacteur en chef. Je choisis le rythme de mes rubriques pour ne pas lasser ou essayer, mais c’est un choix personnel. A l’époque où j’étais dans des projets moins perso, cela posait problème. Quand je n’étais que rédacteur sous les ordres, je subissais mais on arrivait à trouver un terrain d’entente. Quand j’étais un rédac-chef, ça a grincé sur mes choix de ne pas toujours suivre l’actualité ou le rythme d’un rédacteur trop prolifique (et dont il fallait corriger beaucoup l’orthographe…sans parler des cotés monomaniaques). Et le rédacteur a fini par me laisser tomber…Avait-il raison ? Je ne pense pas car nous aurions eu des grandes périodes de vide que je compensais en donnant des priorités auxquelles il ne voulait pas participer. Aujourd’hui je suis mon propre maître avec mes erreurs et approximations, mes envies.
Après, il me faut relire et j’ai parfois du mal à trouver le temps et l’état d’esprit pour avoir le recul, voir les fautes d’orthographes et coquilles. Je trouve que le matin ça ne va pas pour ça. Le soir, je ne suis pas assez attentif donc c’est souvent que je vois les fautes au moment de faire paraître, hélas, voir après quand on me le dit. Bon, là, le parallèle avec le jardin est plus tiré par les cheveux, à part si j’ouvrais le jardin au public et que j’enlève les mauvaises herbes, les feuilles mortes? Sur cet article, je rajoute des éléments pour mieux expliquer par exemple en troisième lecture.
Ah si un truc tout de même. J’ai dit que je passais mes fichiers dans des répertoires par rubrique. Sauf qu’en agissant ainsi je n’en maîtrise plus le nombre et j’ai du mettre en place un petit fichier faisant office de calendrier et de comptage des articles prêts à paraître. Je peux ainsi chaque semaine piocher dans les rubriques les plus remplies pour choisir ce qui arrivera dans les 2, 3, 4 semaines à venir…Ce qui m’oriente aussi vers des choix d’activité, comme de lectures. C’est presque trop rangé, comme un jardin à la française, mais en réalité, c’est totalement anarchique dans la manière d’arriver, de “pousser” et de paraître avec des saisons. Un peu comme un jardin japonais, peut-être ? Il y a une volonté de montrer quelque chose, ça demande du travail pour être propre, chaque chose est à sa place parfois dans un chaos organisé.
Justement, si je pratique parfois l’ Haïku (je fais une pause…), c’est que je cherche à épurer. Cela s’est manifesté peu à peu dans la présentation du blog avec une longue recherche autour des logos des catégories, des regroupements pour les limiter aussi. Puis enfin sur la taille, la vitesse du blog. Et pourtant je fais souvent de longs articles, ce qui peut laisser penser le contraire. Il est courant que le premier brouillon fasse autour de 1500 mots et que j’en rajoute près de 800 derrière. Je vois particulièrement le problème sur la revue de médias maintenant où cela grossit au fur et à mesure et où je dois tailler dans le superflu, comme le jardinier dans le buis. J’essaie de faire donc le tour du sujet peu à peu, puis à la fin j’en enlève le superflu, parfois quelques provocations, ou alors je laisse planer le doute sur certains termes comme un mystère à double tranchant, parce que…c’est moi.
Le temps d’éditer
Au dernier moment, il y a la parution et j’ai encore un œil pour vérifier que tout fonctionne, que l’article n’a pas été dépassé par l’actualité, bien que je n’y colle plus pour ne plus réagir trop à chaud. C’est l’âge et la sagesse qui me dictent de ne pas écrire sous la colère, ou l’émotion. J’ai encore du mal sur certains sujets mais ça fonctionne beaucoup mieux qu’avant. Le fait de bosser en Jekyll est mieux que Wordpress pour cette phase car ça m’oblige à vérifier plus de choses, vu qu’en plus je sauvegarde et duplique. Les portes du jardin sont alors ouvertes, au risque que des malandrins viennent piétiner un peu tout.
Mais dans ce temps d’éditer, je remarque parfois que j’ai envie de refaire la clôture du jardin, la porte d’entrée, bref, le site. Ce n’est pas encore le cas pour la version actuelle que j’ai beaucoup travaillée avant, mais ça viendra. Qu’il me paraît loin le temps où le fond était une sorte de jaune verdâtre pour Wordpress ou quand il y avait une mosaïque multicolore. Aujourd’hui c’est la sobriété qui compte pour moi et je n’ai pas vraiment envie de plus ou de moins.
J’ai donc limité des catégories en regroupant dans des menus, et il reste quelques tags que je peux éventuellement reprendre plus tard pour aider une fonction recherche. Pour l’instant, on peut chercher avec Ctrl+F ou “Rechercher dans la page” pour l’utilisateur, et moi avec de la recherche locale sur mes fichiers. Pourquoi ces catégories aussi disparates ? J’ai du mal à concevoir cela autrement puisque dans la vie, j’ai aussi du mal à savoir ce que je veux lire, voir, puisque la curiosité m’attire vers un tas de sujets. De la même manière, j’ai forcément du mal à m’attacher à une presse qui a tendance à se spécialiser ou s’orienter selon une idéologie, quand je suis plus versatile. Il ne me semble pas que l’on s’abstienne de lire, regarder des films, séries, écouter de la musique, se passionner sur un sujet de société parce que l’on veut se spécialiser. Je retrouve le même problème professionnellement et dans mes études où j’ai trouvé avec bien du mal une “spécialité” me convenant et m’amenant à tout voir. Cela m’a amené à faire le tour du sujet automobile de la conception à la distribution en passant par la fabrication, sans être le moins du monde spécialiste pointu…Quoi que. Bref, il peut m’arriver un jour de faire disparaître une chose au profit d’une autre et ainsi de suite et mon “jardin japonais” essaie de raconter ainsi souvenirs, rêves, et passions, et pas seulement exposer des choses bien rangées mais ennuyeuses (désolé, je préfère le jardin à l’anglaise sinon)
Constable 1815
Pourquoi ce jardin ?
Le jardin que représente le blog est une image de la personnalité du jardinier/blogueur. Je ne suis pas Monet avec Giverny, c’est sûr, ni même Le Nôtre à Versailles. J’ai juste envie de cultiver ce petit lopin de terre du web sans prétention que me faire déjà plaisir à moi même et de partager. Alors chacun fait à sa manière. Tout ce que j’explique avant ne s’adapte pas à tout le monde, évidemment. Chacun son rythme, ses envies, sa manière de vivre, de lire des blogs aussi. Une question me taraude depuis toujours, c’est de savoir pourquoi c’est un besoin pour moi. Mon père était justement toujours dans son jardin, c’était son truc, son refuge après une journée de travail, son refuge pendant la retraite, sa tristesse de ne plus pouvoir faire les dernières années. C’est un peu pareil pour moi avec l’écriture, j’ai l’impression. Pour d’autres ça sera jouer d’un instrument, voyager, que sais-je encore ? C’est quelque chose en moi, qui vient sans doute de l’enfance, de manques, je n’arrive pas à en être sûr. Alors qu’importe. Après de nombreuses années, alors que beaucoup ont abandonné, je pense avoir trouvé l’équilibre dans ma manière de faire. Je me demande juste qu’est-ce qui pourra me faire arrêter à part la santé. Est-ce qu’un jour la parution s’arrêta et que quelqu’un se dira : “Tiens, pas d’article d’Iceman depuis un mois… Il est mort ou quoi ?”. Heureusement, les idées foisonnent, le réchauffement climatique n’aura pas perturbé suffisamment le climat pour faire mourir mon jardin.
Des récits de voyages passés. Des articles en anglais pour m’y remettre. Reprendre totalement des choses que j’ai faites/écrites. De la vulgarisation scientifique / industrielle. Voilà quelques exemples qui passent par la tête. J’ai aussi écrit cet article suite à des conversations, notamment une alors je ne sais pas si je réponds à des questions, à toutes les questions. J’ai cessé de vouloir imiter les autres très tôt. Je n’ai pas essayer d’être riche avec ça, ou encore moins célèbres. J’apprécie toujours de recevoir ces mails de commentaires, de parler avec vous dans le secret ou pas. Là aussi, j’ai ouvert un jardin à quelques uns, histoire de prendre l’apéro, de profiter de l’ombre, du soleil, du silence. Moi qui suis casanier et un peu ours au premier abord, ça me va bien d’avoir cette représentation de ma complexité. Je pense même que ça m’évite aussi de “m’endormir”, de sombrer dans une routine même si de l’extérieur la parution régulière peut sembler routinière. Beaucoup de blogueurs parlent d’exutoire. Il y a de ça aussi et cela donne toutes les formes. Je ne me promène plus dans les mêmes jardins qu’avant, en regrettant certains qui sont fermés ou en friche, ayant cru trop vite dans d’autres.
Voilà, comme d’habitude, j’ai planté, laissé pousser pour faire le tri entre ces jeunes pousses, puis développé mais je ne sais pas en combien de temps ça sera en fleur. Un jardin qui se satisfait de sa discrétion pour prospérer et durer, finalement.
Bande son : Bruce Springsteen - Secret Garden