Cinéma - Un divan à Tunis de Manele Labidi (2020)
Voilà un film qui part sur un malentendu. En effet, avec la bande-annonce on peut croire à une énième comédie autour de la psychanalyse dont la particularité serait de se passer à Tunis, avec son petit lot de clichés. Raté, même si le film ne l’est pas.
Pour son premier long-métrage, la réalisatrice franco-tunisienne se penche sur un autre patient : La Tunisie. A travers la figure de son héroïne Selma (jouée par l’iranienne (!!!) Golshifteh Faharani), psychanaliste qui revient au pays, elle fait défiler une galerie de personnages qui représentent un peu de cette Tunisie post-printemps arabes. On cite souvent ce pays en exemple de transition réussie parce que n’ayant pas sombré dans le chaos ou dans une nouvelle dictature. Mais est-ce que ce n’est pas plus compliqué que cela, justement ?
J’avoue avoir peu d’éléments pour juger de la véracité de cette peinture, ou plut de cette sorte de conte psychanalytique. Selma, c’est un peu la blédarde française, idéaliste, hautaine parfois, mais qui se confronte aux réalités de ce pays. Il y a le conservatisme de la famille, avec l’oncle et la tante qui ne voient pas d’un bon oeil l’installation d’un cabinet de psychanalyse sur leur toit. Il y a la self-made woman qui va de l’avant comme Baya (Feriel Chamari) ou le policier intègre qui voudrait un pays exemplaire (Majd Mastoura). Il y a les nostalgiques de Ben Ali, il y a ceux qui tentent de survivre parce que l’administration ne paye plus. Il y a les jeunes qui rêvent d’un avenir lointain. Il y a les rescapés des prisons et des tortures. Il y a les homosexuels, il y a un peu tout ça dans ce Tunis.
L’œil est très critique, même vis à vis des voisins proches (Maroc, Egypte). Il est aussi critique pour ceux qui prennent les tunisiens pour des imbéciles, comme Selma parfois. Tout n’est pas que système D et corruption comme tout n’est pas conservatisme contre progressisme. Si le parti religieux conservateur Ennahdha a remporté des élections, c’est autant pour ses racines religieuses que pour l’ordre qu’il représente aux yeux de certains. Le film ne rentre pas dans ces éléments purement politiques. Il est plus descriptif, tout en usant d’humour pour rendre cette psychanalyse d’1H30 plus digeste.
Malheureusement, cela manque parfois de rythme, de répondant. On reste assez factuel eet d’ailleurs, je vous laisserai juge de la conclusion dont j’ai mon interprétation. La réalisatrice est née en France et a forcément une vision biaisée par rapport à ce qu’un tunisien resté au pays pourrait en voir. Il aurait peut-être fallu un peu plus des deux malgré les nombreux efforts de mise en scène. C’est un peu le Freud du portrait dans le cabinet, finalement, qui se met à écouter parler la Tunisie. Et si justement, il fallait d’abord écouter ce que la Tunisie a à dire avant de vouloir en faire un laboratoire ou un exemple ?