Cinéma - Rosemary’s Baby de Roman Polanski (1968)
Parmi les classiques du cinéma de genre (ici celui d’angoisse et d’horreur), l’un des plus marquants est cette adaptation du livre d’Ira Levin (le Bébé de Rosemary). C’était avant les affaires Polanski aussi…
Si j’ai parfois du mal avec la froide mécanique de la mise en scène de ce réalisateur, avec le vieillissement de certains de ses films (Le Bal des Vampires), je reconnais aussi qu’il a à son compte de grandes réussites, quand il n’essaie pas de passer d’autres messages que l’histoire d’un livre ou d’un homme. Avec Ira Levin (Les femmes de Stepford, Ces enfants qui venaient du Brésil…), il trouve un grand auteur et scénariste pour lui fournir une histoire qui n’avait pas attendu le film pour être un succès.
L’histoire : « Un jeune couple, Rosemary et Guy Woodhouse, s’installe pour un loyer modique dans un spacieux appartement de la célèbre maison Bramford, un vieux bâtiment de Manhattan assez inquiétant du fait de la réputation sinistre de certains résidents d’autrefois.Rosemary est une femme heureuse, qui se consacre totalement à sa maison et à son mari dont elle souhaiterait avoir un bébé. Guy, de son côté, voudrait devenir un acteur reconnu mais sa carrière peine à démarrer. À la suite de circonstances bizarres, les Woodhouse deviennent amis avec Roman et Minnie Castevet, un couple d’âge avancé, qui vit au même étage qu’eux et qui se transforme en « parents » de substitution à l’égard de Rosemary et Guy. La maladie étrange d’un rival de Guy fait enfin décoller sa carrière et le fait vouloir un bébé avec beaucoup de zèle… », hum.
Vous excuserez que j’omette quelques détails… Âmes sensibles s’abstenir donc. A l’image d’autres classiques du genre, il n’y a pas beaucoup de violence directe mais juste quelques scènes particulièrement dures, le reste tenant à la montée progressive de l’inquiétude et de l’angoisse du spectateur. Cela commence avec l’histoire de l’immeuble et ses faits divers, continue avec cette armoire déplacée par l’ancienne propriétaire (de 80 ans!!) devant un placard…Une mise en scène ciselée où chaque détail compte, permet au spectateur de ressentir ce crescendo émotionnel. Il y a la bande son (Harold Lewis) et pas seulement la musique (Krzysztof Komeda), quand le tic-tac d’un réveil ajoute à l’ambiance. Il y a cette photographie (William A. Fraker) qui joue sur l’obscurité malgré un appartement repeint en blanc aussi virginal que sa propriétaire.
Et justement, pas de grand film sans grands interprètes. Mia Farrow est parfaite, malgré une période difficile pour elle, personnellement (divorce d’avec Frank Sinatra). John Cassavetes assume pleinement ce rôle d’un mari qui oscille entre tendresse et ambition avec ce regard trouble, sombre. Ruth Gordon (Minnie Castevet) a été distinguée par de nombreux prix et c’est vrai qu’elle est terriblement angoissante. Mais j’apprécie aussi Ralph Bellamy dans le rôle de ce « médecin ».
Les thèmes de ce film résonne étrangement aujourd’hui avec l’histoire de Polanski. Il y a un viol, du satanisme, des conflits entre religions catholique et protestante, des souvenirs douloureux et traumatisants qui ajoutent à l’angoisse de l’héroïne. Tout cela est amené avec maestria par le montage et les placements de caméra. Cette technique qui n’a certes pas quitté le réalisateur mais qui ne peut faire oublier le reste aujourd’hui. Il faut laisser de côté ces aspects là pour pleinement apprécier ce film. Visuellement, évidemment, ou même dans les arrangements, il peut avoir des côtés datés. Mais comme un bon Hitchcock du même genre, il est d’une efficacité redoutable pour faire sursauter le spectateur, lui tordre l’estomac ou le faire crier à l’héroïne de ne pas aller dans un piège. S’y ajoute le fantastique lié au satanisme, un fantastique ancestral qui ramène à l’origine même de ce pays. Dommage que j’ai raté l’immeuble Dakota à New York qui servit de lieu de tournage…
Comme toujours, on évitera les remakes et suites non officielles pour ne garder que l’original.