Souvenir de Joueur - Les Livres dont vous étes le héros
Cela aurait pu être un Souvenir de Gamer … ou de lecteur-joueur plutôt puisque nous sommes entre les deux. Ce type de livres a bercé mon adolescence et les voilà de retour a la mode ?
Je resitue un peu le contexte. Nous sommes donc dans les années 80. Le jeu de rôle commence à devenir populaire. J’en ai entendu parler dans des magazines comme Jeux et stratégie. On parle beaucoup donc de Donjons et Dragons, d’Heroic Fantasy, de Gary Gygax, d’un certain Steve Jackson, Ian Livingstone (qui créent aussi Games Workshop, le monde est petit),etc… Mais ce même Gygax a aussi écrit, devinez quoi, des Livres-jeux ou Livre dont vous êtes le héros pour la dénomination commerciale française. C’est vraiment en 1982 que cela cartonne avec la série « Défi Fantastiques » édités en France chez Gallimard Jeunesse.
Si je me souviens des copains de collège avec qui j’ai échangé ces livres, je ne me souviens pas vraiment du premier que j’ai lu, sinon que c’était dans cette série. Car il y a eu d’autres séries chez Gallimard, enfin plutôt des collections puisque les histoires ne sont pas liées les unes aux autres. Parmi ceux-là, celui qui m’a marqué le plus, c’est « La Sorcière des Neiges » dont je préférais finalement la couverture de l’époque à celle de sa réédition. Une des autres série que j’ai essayé, c’est « Loup Solitaire » avec un héros récurrent. Et j’ai du avoir aussi un « Quête du Graal » parce que forcément, la chevalerie et la magie, ça le fait et puis aussi la fameuse (mais limité) série « Sorcellerie ». Je n’ai pas spécialement accroché à celle sur Sherlock Holmes, par rapport aux livres. A l’age d’or de ce type de livres, il y en avait vraiment pour tous les goûts. Pour moi, cela a du durer à peu près 3 ans avant que je ne passe aux jeux de rôle, aux wargames, et pas que moi, forcément.
Le principe reste toujours le même avec de petites variantes. On commence par lire un petit chapitre et on doit faire des choix qui nous guident vers d’autres petits paragraphes ou chapitres. Il y a des combats que l’on doit jouer avec des dés ou en utilisant les petits symboles de dés en haut des pages (ils avaient pensé à tout). Si on compare au jeu de rôle, le maître du jeu serait donc le livre et le joueur a quelques réflexes propres au jeu de rôle. On pouvait d’ailleurs reprendre des caractéristiques de personnages dans certaines séries, comme on peut le faire dans des campagnes de jeu de rôle. C’était donc une forme d’initiation ou une manière de jouer en solo, si on veut. A l’époque où le jeu de rôle sur ordinateur était quasi inexistant à part quelques « dungeon crawlers » (en 85-86), le succès était évident. C’est justement lorsque les ordinateurs ont été capables de fournir des aventures en solo que le déclin de ce type de livre a commencé, soit dans les années 90.
Les voilà qui reviennent, parce que c’est un peu générationnel, que cela reste une lecture plutôt qu’un écran et que finalement cela donnait aussi le goût de lire de l’heroic-fantasy, du polar, de l’horreur, etc. Mes souvenirs de lecteurs sont lointains mais je me souviens bien de quelques phases de cette « sorcière des neiges », ainsi que des deux premiers tomes de « Sorcellerie! », Les Collines maléfiques et La cité des pièges. J’ai eu aussi « Le Sorcier de la Montagne de feu », parce que le titre m’inspirait. Je vous laisse admirer les couvertures de l’époque :
Le problème de ce genre de livre c’est que le lecteur doit respecter les règles, dont celle de ne pas revenir en arrière, celle de ne pas tricher dans les combats et autres tirages de dés. Avouez que c’est tentant aussi parce que le Maître du jeu est totalement passif. Je n’avais pas terminé tous ceux que l’on m’a prêté ou que j’ai possédé (je ne suis pas sûr qu’ils soient encore chez mes parents dans un carton). Il faut finalement accepter d’être dans un cul de sac, reprendre tout à zéro, perdre… Ce qui n’est pas courant dans un livre. Nous sommes bien dans un jeu avec une interactivité à mi chemin avec ce que l’on trouvera et dans le vrai jeu de rôle et dans le jeu vidéo même dans ses aventures les plus basiques (où l’on devait taper du texte, des mots-clés ou cliquer).
Le retour en grâce de ce type de livre m’étonne un peu mais c’est cyclique. Il y a déjà cette période de la vie où l’on veut retrouver son enfance, son adolescence. Comme par hasard, cela fait 25 à 30 ans…Et donc ensuite, on fait découvrir cela à ses enfants qui ont l’âge que l’on avait à l’époque. Le marketing sait faire ce qu’il faut derrière…C’est l’occasion de dépoussiérer, de rendre cela plus accessible à des enfants un peu plus jeune, d’adapter des licences récentes. Et je n’ai pas trop envie de m’y remettre. Je préfère finalement un « vrai » livre ou un vrai jeu, aujourd’hui. Je ne renie pourtant rien de cette époque. Ce qui était le plus sympa autour de cela, c’étaient les échanges que nous pouvions faire, les discussions que nous pouvions avoir, chacun voyant ces imaginaires à sa manière, parlant d’une étape que l’autre n’avait pas vu, ou pas encore vu. On ne fait pas ça sur un roman car ça s’appelle « Divulgacher ». Il y avait une valeur d’entraide qui se retrouvera aussi ensuite dans les grands jeux de rôle sur ordinateur/console (vécu de Bard’s tale à Final Fantasy).
Tiens, justement, je parle de Bard’s tale et c’est typiquement un des premiers dungeon crawlers suffisamment évolué qui m’a fait quitté ces livres. Sorti en 1985, j’ai du l’avoir en 1987 je pense… Avec les Dungeon Master sur Amiga et les Ultima sur PC (qui avait un univers, n’était pas dans un dongeon…). Ultima qui a été créé par Richard Garriot, un ami de … Steve Jackson. La boucle était bouclée même si cette série de jeux présente surtout dans les années 80-90 n’est plus d’actualité. Il y a d’autres formes de jeu vidéo offrant ce type d’expérience et même un retour aux sources dans le jeu de rôle, ou bien des développement plus grandioses, plus multijoueurs depuis. Ce qui fait qu’aujourd’hui l’offre est pléthorique,autant sur tous les supports que sur les jeux sur table qui reviennent en parallèle. J’ai même un collègue qui n’a pas connu cette période et qui joue aujourd’hui à un jeu de rôle d’initiation avec ses grands enfants sans vraiment s’en rendre compte. Il y a une certaine logique à ce retour aux basiques dans tous les axes du jeu. Moins de moyens, moins de complexité, retour à la convivialité. Je ne sais pas comment les ados d’aujourd’hui s’approprient l’ouvrage et s’ils se l’échangent autant que nous à l’époque.
Ce que je ne me vois pas faire, par contre, c’est écrire ce type d’ouvrage qui nécessite une organisation pour structurer le récit. Je serai curieux de voir comment les auteurs procèdent car ça me semble aller plus loin qu’un « boulot » de Maître du jeu dans un Jeu de rôles. C’est forcément plus balisé puisqu’on ne va pas tomber sur le « mauvais joueur » qui va plomber ou délirer durant une partie mais il faut prévoir de fausses pistes, du suspens, de l’intensité, du mystère sans perdre totalement le joueur-lecteur. Vraiment, je ne saurais pas faire, c’est une autre manière d’écrire et concevoir. Un de mes lecteurs s’y est-il essayé ?
J’imagine maintenant qu’après ce retour au premier plan, cela va redevenir à nouveau plus confidentiel mais ne pas disparaître complètement. Un peu comme les cahiers de vacances tiens… Les rééditions montrent qu’une bonne histoire ne se démode pas. On continue bien à lire du Shakespeare, du Zola, … Mais ce genre est aussi très masculin dans ses histoires et ses héros. Ça ne ferait pas de mal de féminiser cela un peu plus, d’aller dans d’autres genres aussi que la sempiternelle fantasy. Cela arrive peu à peu parce que forcément qui dit mode, dit nouveaux auteurs. Tant que ça ne tombe pas dans le cliché sexué non plus… (là je crois qu’il y a du boulot).
Voilà c’est un pan de ma jeunesse que je dévoile ici, sûrement aussi celle d’autres lecteurs et une autre manière de donner à la fois le goût de la lecture, de l’imaginaire, des jeux apparentés que j’ai cité… J’en connais qui ont replongé d’ailleurs ou ont découvert cela il n’y a pas si longtemps. C’est l’occasion de partager le ressenti, les bons titres du genre. Et puis j’aurai pu développer cet article sur le jeu de rôle que l’on joue un peu tous les jours avec d’un côté ce personnage virtuel créé pour Internet, même sous un vrai nom, et de l’autre le rôle que l’on « joue » un peu aussi dans son travail de tous les jours avec des missions données par un maître du jeu qu’on appelle chef. J’aimerai bien avoir accès à ma fiche de personnage, tiens d’ailleurs ! Ça mérite bien un peu de musique épique….