Cinéma - The Lighthouse de Robert Eggers (2019)
Quel film incroyable que ce film de genre classé dans l’horreur. Oh cela n’a vraiment rien d’un slasher ou d’un teenmovie. Ce n’est pas un film tout public. Il est éxigeant, dur, parfois glauque et violent. Vous me direz, vu le genre…
The Lighthouse est un film de cinéphile pour les cinéphiles. Déjà, le choix de l’image en moyen format (en réalité du 1,19:1) en noir et blanc, filmé avec des objectifs anciens sur une vieille caméra 35mm. Ensuite l’histoire inspirée par Edgard Allan Poe, sur une nouvelle inachevée du même nom. Et puis le lieu : Un phare perdu en mer, deux personnages qui ne se connaissent pas, et … des mystères que cachent ces deux hommes (Willem Dafoe et Robert Pattinson). Pour son deuxième long métrage, Eggers est ambitieux, insérant aussi des textes d’Herman Melville (Moby Dick) dans les dialogues.
L’aspect formel a énormément d’importance. C’est déjà un bel objet filmique. J’y suis sensible parce que j’aime les films classiques et la photo en noir et blanc. Et quelle photo ! Il y a un véritable hommage à l’expressionnisme allemand années 30. Les gros plans sur Dafoe sont absolument sublimes avec ce regard de l’acteur, cette peau burinée, cette barbe hirsute. La lumière est absolument fantastique et Jarin Blachke mérite les récompenses sur ce point. On le retrouve sur un épisode de Servant, dont je parlerai bientôt. La bande son de Mark Korven n’est pas à négliger avec des sons d’ambiance et cette musique dont on ne sait si elle vient de machines, de la nature ou d’instruments. Tout cela rend le film fascinant, pesant aussi, angoissant dans ce petit carré qui nous est donné à voir sur l’écran.
Là où le film pèche, c’est qu’il reste trop long par rapport à l’histoire. Eggers se la pète un peu trop à montrer l’aspect formel et oublie à quelques moment cette véritable construction de la folie humaine. Il faut être déjà fou pour construire et habiter un phare sur ce morceau de terre qui affronte les éléments. La mer est déchaînée, le vent aussi. Même les mouettes et les goélands sont agressifs, presque autant que dans les Oiseaux d’Hitchcock. On se doute assez rapidement de la fin avec cette escalade de la violence, de la folie…Encore que. Je n’en dirai pas plus sinon que l’Homme, l’humain est remis à sa place de simple mortel.
Il faut un acteur comme Willem Dafoe pour incarner ce marin handicapé devenu gardien de phare. Son regard est inquiétant, glaçant, habité par je ne sais quel souvenir. Pattinson semble éclipsé d’abord puis au fur et à mesure devient lui aussi effrayant. Il lui manque encore de l’étoffe mais il s’en sort très bien. On ajoute à cela du fantastique, des légendes. En pleine relecture de Lovecraft, j’étais même parti sur des hypothèses encore plus horrifiques. L’antre de la folie me guettait comme le spectateur qui finit par douter de tout dans ce film. Question référence, j’ai pensé aussi à “L’île nue”, parce que…nature, isolement, dialogues rares.
Voilà clairement le genre de film qui ne laisse pas indifférent. On déteste vite ou on adore, il n’y a pas de demi mesure. Enfin si, un peu puisque j’ai mis des bémols sur certains points. Eggers pourra améliorer sa copie au prochain mais après “The Witch” il semble fait pour ce genre là. Un film qui se mérite, et pas seulement parce qu’il faut courir dans une salle éloigné de chez soi, 3 semaines après la sortie nationale par la faute d’un distributeur un peu couillon. Bon, c’est vrai que ce n’est pas non plus le film qui remplira les salles à millions mais de là à le sortir pendant les vacances scolaires où il y a des blockbusters et des dessins animés. En plus, il est déjà disponible sur les réseaux….Mais je n’ai rien dit.