BD - Katanga de Nury et Vallée (2016-2019)
Voilà une BD qui me pose un cas de conscience : Je la trouve intéressante mais la forme me gène jusqu’à poser un problème de fond.
Car si j’ai lu cette série de 3 tomes, c’est pour son sujet, le Katanga, province du sud de la République Démocratique du Congo (Ex-congo Belge). C’est en fait toute l’histoire de la décolonisation du Congo Belge qui est ici et même bien plus. On pourrait aussi parler des similitudes avec le Rwanda car là aussi sont présents des conflits ethniques. Le sujet a été peu traité dans la BD, la période de colonisation belge de ce pays de 1891 à 1960 étant peu reluisante (à l’image de la colonisation française, anglaise…)
Le tome 1 commence justement à raconter l’histoire du Katanga, le roi M’Siri venu de Tanzanie et perpétuant le commerce des esclaves, son assassinat par un colonel belge, etc…On parle finalement assez peu de la période Belge, jusqu’à cette scission du pays entre le Congo et le Katanga. Car cette province est riche de ressource, notamment des diamants, de l’uranium….Et donc elle est stratégique pour les occidentaux. On se retrouve alors propulsé dans ces années 60 avec l’indépendance du Congo dirigé par Joseph Kasa-vubu et un certain Patrice Lumumba, le premier ministre. En parlant de Katanga, on parle de Lumumba, héros de la décolonisation, ou plutôt devrais- je dire Martyr.
Dans une BD, il faut des Héros ? Ici, on voit des blancs comme Orsini, manipulateur et confident des dirigeants du Katanga avant d’être homme de main. Il y a Cantor, le mercenaire qu’il emploie et toute sa bande envoyé par le gouvernement belge pour sauvegarder ses intérêts. On voit bien des intervenants noirs, comme le sont les membres du gouvernement katangais, mais les vrais héros s’avèrent être un frère et une soeur, Alicia et « Charlie ». Ils deviennent les personnages clés de toutes les intrigues, notamment cette histoire de valise de diamant qui attise les convoitises.
Mon premier problème est dans le dessin. Il est certes fin et détaillé mais pourquoi dessiner les personnages noirs avec des lèvres surdimensionnées, des dents proéminentes et des attitudes presque simiesques. On est dans la caricature, ce que l’on ne retrouve pas chez les personnages blancs. Seules les femmes noires échappent à ce dessin pour être de sculpturales beautés souvent dénudées. Mon second problème est dans la description des activités de ces tribus. Elles sont décrites comme des sortes de hordes armées tous justes bonnes à déferlées comme les aliens dans Starship Troopers. Elles tuent, violent, et même sont cannibales. Si ces éléments sont vraies (il y a eu condamnation pour des actes de cannibalisme, …), la surenchère dans la description finit par gêner le propos. Il n’y a que Charlie et Alicia qui contrebalancent cette caricature du « sauvage noir ».
Les trois ouvrages abordent aussi les manigances du pouvoir, le rôle trouble de l’ONU et évidemment le rôle de la Belgique qui envoie des mercenaires pour protéger ses mines, et L’Union Minière du Hant Katanga. La Belgique enquêtera aussi sur l’assassinat de Lumumba, comme si on demandait à un meurtrier d’enquêter sur des meurtres, dont le sien. On ne parle pas de Mobutu ou très peu, on ne voit pas l’impact de la guerre froide, l’influence américaine qui veut juguler le communisme en Afrique. Au fil du récit, on s’aperçoit de la complexité de la situation, des luttes d’influence et du fait que les colons ont joué sur les rivalités tribales pour asseoir leur pouvoir.
La BD est intéressante en tant qu’aventure, maintenant suspens et tension. Mais on ne peut trouver les héros blancs, omniprésents, sympathiques, même quand ils luttent pour sauver leur peau. Le dessin serait réussi sans ces caricatures. La mise en couleur est magnifique. On peut se demander pourquoi certains noms réels ont été changés aussi. L’intérêt principal est de parler d’un sujet peu connu, encore sous le voile du mystère. Et même imparfait, je trouvais intéressant d’en parler ici. Chacun fera le tri dans ce qui gène, ensuite.