BD - Chroniques du Leopard de Appollo et Tehem (2019)
Je vous emmène sur l’île de la Réunion, à travers ces chroniques historiques. Car il s’agit de la Réunion des années 40, années sombres en France, méconnues pour ce qui est du sort de cette ile, pas encore département français.
Charles et Julien se rencontrent au lycée Leconte de Lisle. Leur monde, c’est La Réunion des années 1940. Parmi les élèves qui fréquentent l’établissement, on compte notamment Raymond Barre, les frères Jacques et Paul Vergès… Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1942, nos deux héros, Charles et Julien, assistent par hasard à l’arrivée du contre-torpilleur Léopard qui vient libérer l’île au nom de la France Libre. C’est le moment tant attendu par les jeunes gens du lycée Leconte de Lisle, où l’action, l’affrontement s’offrent enfin à eux.
Si les auteurs connaissent bien cette île et le lycée, ils nous livrent un récit romancé basé sur des faits historiques. On sait assez peu de chose du comportement des Vergès ou de Barre, dans la réalité mais tout cela paraît plausible. Il y a d’autres personnages de l’île dans ce récit, quelques exilés de force, par exemple comme Abd-el-Krim, ou un prince déchu d’Asie du sud-est dont je vous laisse découvrir le parcours. Car la Réunion, c’est aussi une colonie avec tout ce que ça comporte dans le comportement de la caste blanche. C’est une île où les gens se connaissent mais où la “race” et la couleur de peau ont une grande importance. Ainsi, lorsque Turpin arrive, il est catalogué “Zarabe” car son père a été tué là bas.
Le lycée est le seul de l’île, celui des blancs ou métisses privilégiés. Les Vergès sont des fils de médecin, par exemple et Raymond Barre un fils d’une très riche et puissante famille locale. L’éducation, l’école c’est un privilège de caste ici. Mais je ne vais pas tout dévoiler non plus. Il y a beaucoup à dire de ces 200 pages passionnantes, cette fresque de presque 2 ans qui rappelle ce qu’était la Réunion et ce qu’il faut garder en mémoire pour la comprendre. Le fait d’avoir pris deux héros adolescents, presque adultes, aide à mettre le récit à la portée du plus grand nombre. Le dessin est plutôt épuré, lisible, avec assez peu de couleurs, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer sur cette île si colorée. Et ça fonctionne très bien. Le fond l’emporte sur la forme. Et pourtant, les bulles sont finalement peu nombreuses.
J’ai mis juste un peu de temps à entrer dans ce récit, que j’imaginais autrement. Il y a un peu du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, c’est sûr avec ce Turpin débarqué en cours d’année et qui bouleverse les habitudes de l’autre héros. Primé à Angoulême, cet ouvrage le mérite pour ce mélange d’aventure, de témoignage historique et de récit adolescent (il y a tous les “passages” de cette période de la vie).