BD - Scènes de la vie de Banlieue de Caza (1976)
Ah, la banlieue, ce monde mystérieux et obscur. Il fallait bien quelqu’un comme Caza pour la décrire dans Pilote dès les années 70. Et ce recueil pour s’apercevoir que tout n’a pas vraiment changé.
Il faut vous dire que j’ai découvert Caza forcément bien plus tard par l’illustration ci-dessous dans un magazine consacré au jeu de rôle, au fantastique et au wargame. Cette illustration est restée des années dans ma chambre d’adolescent avant d’en partir quand… j’en suis parti.
Outre la magnifique mise en couleur, il y a quelque chose d’organique que j’aime dans son trait, qui peut aller parfois jusqu’à une sorte de pointillisme et pas seulement la classique trame. Et donc j’ai découvert plus tard qu’il avait parlé de la banlieue, un sujet qui me parle forcément. Surtout qu’elle est abordée ici par le biais du fantastique et non sans humour et autodérision.
En effet, dans cette suite d’histoires parues dans le magazine Pilote, on retrouve le dessinateur qui se met en scène. Il est un peu celui qui se retrouve prisonnier dans cette banlieue grise, froide, uniforme, faisant penser à un état totalitaire bien réglé, bien surveillé. Il est aussi celui qui essaye de faire sauter cette uniformité, dynamiter la normalité. Je pense par exemple à l »histoire « Pavillon noir » qui à elle seule vaut le détour. Ca me fait penser aussi au très récent « Contes ordinaires » de Ersin Karabulut, mon album de l’année 2018. Là aussi, c’est une société résignée qui a sa petite vie bien réglée.
Le fantastique peut surgir à chaque page. J’en veut pour preuve cette illustration où le père de famille ne s’imagine pas vraiment arriver là.
Alors les couleurs donnent sans doute la date de l’album mais aussi une ambiance. Il y a moins de surréalisme que chez un Moebius, si on compare à cette époque. Du moins dans cet album ou plutôt cette série de trois albums qui sont aussi réunis dans une intégrale. Je me suis concentré ici sur le premier avec sa jolie couverture colorée.
Un peu oublié aujourd’hui, Caza et sa série méritent d’être lus et relus. Il y avait presque un aspect prémonitoire dans sa vision de la banlieue et même l’écologie. Si les populations changent au fil du temps, la vie reste toujours aussi monotone, même dans des pavillons bien alignés et toujours plus loin de la vie…réelle. Une vie qui n’est justement pas forcément celle des grandes villes truculentes mais se passe aussi ailleurs pour Caza…Et comme pour moi finalement. Le dessin a toujours autant de style, même en contemplant son évolution au fil du temps. Il y a une touche Caza et ça c’est rare aussi. Un grand monsieur que je tenais à saluer au moins dans une chronique.
Habitants de banlieue ou d’ailleurs, vous retrouverez sans doute des souvenirs ou des réalités dans cet album.