Musique - Le Bruit et l'Odeur de Zebda (1993)
Encore un album qui a tourné des mois et des mois sur ma platine à l’époque et que je retrouve toujours avec plaisir. C’est celui qui a commencé à faire parler de ce groupe toulousain…
Il faut dire que Jacques Chirac et son discours nauséabond flirtant avec le FN, ont bien aidé. Je ne vais pas revenir sur l’histoire de ce groupe, d’autres le font mieux. Mais il faut se souvenir que le groupe est politisé dès la naissance, bien ancré à gauche avec son leader Magyd Cherfi, mais aussi les frères Amokrane Mouss et Hakim. Après Rachid Taha dans les années 80, c’est la deuxième fois qu’on parle du Maghreb et d’un rock métissé. Mais difficile de décrire cette musique par le simple adjectif rock. On y retrouve du Ska, du Reggae et une tendance un peu Hip-hop sans être dans de la fusion. La force du groupe est autant dans les textes de Magyd que dans les riffs, l’énergie de Mouss et Hakim…
Ce n’est pas le premier album du groupe, après des auto-productions en K7 et un “Arêne des rumeurs” à la pochette déjà très militante. Mais il fallait peut être un peu plus de maturité pour que ça fonctionne. Lorsque “Toulouse” résonne de sonorités arabes et que Magyd entame cette description de la ville rose, ça ne pardonne pas. C’est cash, joyeux, rythmé et “avé l’axent!” Et ça ne s’arrête pas avec le très prenant “Taslima” qui use d’instruments arabes encore sur une rythmique plus rock steady bien énergique. Les superpositions des voix des 3 chanteurs donne une impression de joyeux bordel mais tout est parfaitement réglé. Bon, vous vous doutez de quoi parle “La faucille et le marteau”? Mais ça envoie du lourd… Un titre qui “a de la bouche”, quoi. Et puis il y a notre chichi avec Le Bruit et l’odeur, la réponse qu’il fallait à ces insultes trop courantes dans les années 90. On parle de ce que la France doit aussi à ses immigrés, la colonisation, la guerre, les usines, les travaux…
Et on reste forcément dans la même veine avec ‘La Bête JMLP”… oui, le dangereux avec les dents pointus. Enfin ce qui lui reste après cet uppercut musical. C’est carrément rock dans “France2”… on y parle intégration, sujet de prédilection. Mais le groupe n’oublie pas ses potes manouches avec le titre du même nom. Cette peinture de la réalité de Toulouse et sa banlieue ne sera pas complète sans le “chômage”. Mais le groupe sait aussi être plus touchant avec le très beau ‘Mon père m’a dit”. C’est Magyd qui prend le lead avec son timbre reconnaissable. Et puis le groupe rend hommage au quartier de “Matabiau”, avec souvenirs d’enfance et anecdotes. Et puis ils tendent même un dub assez amusant…Je les trouve quand même plus efficaces dans “Ma Rue”, avec son texte si vivant et qui me rappellent un peu de mon enfance de banlieusard parisien. Et puis on ne pouvait oublier le “Cameroun” surtout qu’on sortait de la coupe du Monde 1990 avec Roger Milla…1994 ne sera pas du même tonneau.
L’album se termine et pourtant on a envie de reprendre de cette énergie communicative, de ces textes qui font mouche. L’album “Essence ordinaire” suivra avec un autre tube et puis le groupe voudra être plus présent en politique. Mais ça c’est une autre histoire qui se termine en solo. Les textes sonnent toujours d’actualité et je crains que ça soit pour longtemps.Et pourtant on ne garde que la joie qu’apporte cette musique.