Cinéma - Les Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa (1954)
Considéré unanimement comme un chef d’oeuvre, ayant inspiré beaucoup de cinéastes, c’est un film incontournable pour aborder le grand Kurosawa.
Et pourtant, un film de 3h17, en japonais sous-titré, en noir et blanc, dans le japon médiéval, ça ne motive pas grand monde, dit comme ça. Mais il y a un tout, une quasi perfection qui rend ce film inoubliable. A commencer par l’histoire :
En 1586, à l’époque Sengoku, dans un Japon médiéval ravagé par des guerres civiles, les paysans sont fréquemment opprimés par des brigands qui les rançonnent. Une troupe de bandits à cheval s’apprête à attaquer un village mais décide de reporter l’attaque en attendant la prochaine récolte. Un des paysans, Yohei, a surpris la discussion et court aussitôt avertir les autres villageois. Ces derniers sont effondrés, à l’exception de Rikichi, qui essaie de trouver une solution. Ils finissent par consulter Gisaku, l’Ancien du village, qui, à la surprise de tous, rejoint l’avis de Rikichi et conseille d’engager des samouraïs pour défendre le village.
Dans le premier tiers du film, le spectateur assiste au recrutement des samouraïs et nous sommes entre le drame et la comédie. Le succès du film tient notamment dans le charisme de ses acteurs. Si on a retenu Toshiro Mifune dans son rôle de faux Ronin, très théatral jusque dans le maquillage, il y a un Takashi Shimura magistral et on le retrouvera avec bonheur dans Kagemusha, 26 ans plus tard. L’installation des personnages est méthodique tout comme la tension présente entre les villageois. Certains semblent avoir des secrets et Kurosawa nous les dévoile peu à peu.
Dans le deuxième tiers, le spectateur assiste à la mise en place des fortifications du village, l’entrainement des villageois à se battre. Les relations entre les samouraïs s’installent mais aussi avec les villageois. Nous entrons dans la romance, nous entrons aussi dans une sorte de western où l’on attend les hors-la-loi avec l’aide des sheriffs. On sent que Kurosawa va au delà du film de Samouraï, glissant quelques critiques sur le Japon guerrier, sur les exactions des soldats dans les villages (le discours de Mifune…) qui finissent par se retourner contre eux. Mais c’est la beauté plastique qui ressort véritablement à ce moment avec des plans absolument magnifiques. La rencontre du jeune samouraï avec la paysanne déguisée en garçon est incroyable de force et de beauté.
Et puis il y a le troisième tiers, celui du film de sabre, le Chanbara. C’est une évidence pour ce Jidaigeki (film historique) mais encore faut-il maîtriser les codes du genre. Là aussi Kurosawa fait preuve d’une grande maestria avec des scènes de combat extraordinaires, une maîtrise de la lumière avec son chef opérateur de l’époque Asakasu Nakai. Le son n’est pas à oublier avec une présence hypnotique. Ce n’est pas une musique comme en rencontre habituellement dans les films mais une ponctuation sonore. Elle emprunte à la musique traditionnelle pour coller à l’époque mais il y a quelque chose de très contemporain tout en ayant des parties symphoniques, grâce à son compositeur Fumio Hayasaka qui décèdera l’année suivante.
D’abord sorti en version raccourcie, il faut le voir en version intégrale pour en saisir toute la force et l’universalité. On se rappelle du remake Les Sept mercenaires mais il ne faudrait pas s’arrêter là. Kurosawa commence alors à se faire un nom et à sortir du Japon et il aura l’occasion de confirmer ce talent avec Vivre, Ran ou encore Rêves, pour ne citer que ceux-là. Il sera aussi à l’aise avec la couleur qu’avec ce noir et blanc si nuancé et profond que l’on ne parvient à l’oublier.