Cinéma - Parasite de Bong Joon-Ho (2019)
Auréolé d’une palme d’or 2019, ce film coréen ne fait que confirmer que le pays du matin calme recèle bien des pépites. Et pourtant le sujet paraissait énigmatique : Thriller ? Comédie sociale ? Horreur ? Satire ?
J’avais laissé Bong Joon-Ho avec son Snowpiercer, un bon film qui montrait déjà le côté social et lutte des classes. Le voilà dans un objet plus ambitieux mais avec encore son acteur fétiche, le magnétique Song Kang-ho. Ici, pas de coproduction internationale ou de futur apocalyptique mais un sujet bien Coréen :
Toute la famille de Ki-taek est sans emploi et ils n’ont plus d’argent, ils survivent en pliant des boîtes à pizza cartonnées. Ils habitent dans un appartement au sous-sol tout petit et sombre, sans accès au Wi-Fi. Un jour, ils reçoivent la visite d’un étudiant qui ne veut pas laisser son poste de professeur d’anglais d’une jeune fille de la famille Park à un étudiant comme lui et préfère que ce soit son ami, Ki-woo, pas encore étudiant, qui le remplace auprès d’elle. Pour justifier de l’expérience, ses enfants ont l’idée de fabriquer un faux diplôme pour permettre à Ki-woo, son fils unique, de le remplacer auprès de Da-hye, la fille de la riche famille Park
On ne sent pas vraiment venir la machination qui se trame dans ce film. On voit bien que cette famille galère pour joindre les deux bouts, tout en essayant de travailler (on peut y voir ici un parallèle avec Une Affaire de Famille…) mais que va pouvoir donner cette rencontre entre les riches et les pauvres. Une première machination s’installe et on se dit qu’on a compris ce qui allait se passer, que la falsification allait être découverte, etc… Mais non, tout ce Plan ne se déroule pas du tout comme prévu. Nous voilà plongé dans des fausses pistes et surtout dans l’envers du décor du miracle économique sud-coréen, un pays qui n’oublie pas la menace du nord, comme on peut aussi le découvrir.
Pour nous, occidentaux, la Corée, c’est des bagnoles, des téléphones, de l’électro-ménager, une sorte de Japon bis. On ne connaît que très peu de la situation politique, de la corruption endémique. On sait un peu plus que le système scolaire est assez proche du Japon dans son exigence et qu’il y a aussi un fort taux de suicide. Cela s’arrête à peu près là et voilà déjà un enrichissement qu’apportera le film : La société coréenne est très divisée entre une classe qui réussit et profite avec insouciance (ici les Park qui ne jurent que par l’Amérique et les produits européens) et une classe laborieuse qui fait tout pour survivre, jusqu’à vivre dans des caves, des entre-sols, sous des escaliers. Cette classe rêve des produits qu’elle contribue à fabriquer, érige le Wifi en dieu pour arriver à communiquer dans cette société numérique. Et paradoxalement, elle va utiliser cette société ultramoderne pour essayer de s’en sortir.
Le film est riche de métaphores, entre la pierre de collection et le jardin de la maison, par exemple. Il n’est pas trop coréen dans sa forme, ou dans son humour, pourtant très présent. Car le film est fort de son intrigue, de son suspens et sa charge émotionnelle, mais aussi de son humour, de sa mélancolie. Il faut prendre le temps de digérer l’histoire, ses personnages, pour le moins attachants, pour comprendre l’universalité du propos, qui explique sans doute son succès chez les cinéphiles. Si, en ayant vu un peu de la bande-annonce et de l’affiche, on s’attend à ce que ça dégénère, il est peu probable que l’on comprenne comment tout va se déclencher. L’esthétique est sublime, travaillée dans le moindre détail, jusqu’au choix de la maison qui sert de théâtre à l’histoire. J’avais d’ailleurs repéré le film dès la diffusion des trailers de Cannes pour sa plastique et son sujet. La musique y est autant discrète qu’efficace et l’histoire fonctionne par la mise en scène qui fait finalement oublier les 2h12.
Il mérite donc sa palme pour moi, même si je le mets un cran en dessous de son prédécesseur japonais, sur une thématique qui reste proche. Je peux difficilement en dire plus sans dévoiler trop du film. Il y a pourtant beaucoup à discuter sur cette matière, ce sujet, la réaction du monde du cinéma qui est pourtant plus proche des Park que des Ki-taek. Ah si, il faudra trouver le lien qu’il y a entre Snowpiercer et ce film. Un indice, regardez le casting.