BD - Michel Vaillant 16 - km 357 de Jean Graton (1969)
J’avais un peu laissé de côté cet épisode de Michel Vaillant parce qu’on n’y parle pas de sport automobile. Et pourtant, il a un peu plus d’importance que les autres, comme témoignage d’une époque.
On y parle en fait du grand bouleversement du pays qui a eu lieu dans les années 50-70, à savoir les constructions d’autoroutes. Ici c’est supposé être l’A10, la plus longue autoroute de France qui commença son long chemin dans les années 70. Les usines Vaillante fournissent des engins de chantier et un des chantiers rencontre une opposition : On y a miné le chantier pour détruire les engins. Allez savoir pourquoi le père Vaillant envoie son fils et Steve Warson sur place pour y déméler l’affaire. Bien vite, on voit que l’ingénieur est dépassé par les évènements et surtout une famille d’agriculteurs, les Morin.
L’Autoroute était un enjeu majeur pour le développement de la France dans ces années. Après la reconstruction, il fallait permettre des exportations, des développements de région que le train ne permettait soit-disant plus. Nous étions dans le “tout automobile” et camion. On peut regretter le choix d’un réseau en étoile, terriblement similaire au réseau ferré mais les autoroutes avaient commencé à essaimé de Paris. Nous sommes ici bien plus au sud, en pleine campagne, une campagne marquée aussi par un autre phénomène historique : Le remembrement.
La BD de Graton explique un peu comment le chantier se passe. L’état français dédommage (soit disant grassement) les agriculteurs et réaménage les terres autour de ces routes. On fait miroiter des échanges facilités avec les grandes métropoles, donc du commerce. Cela s’accompagne d’une transformation de l’agriculture. On parle de coopérative, de grande laiterie… Hélas, on connaît aujourd’hui le bilan de cette agriculture intensive, de cette main-mise des grands laitiers sur le marché. A l’époque, c’était un espoir.
Et puis les Morin, c’est l’exemple de la famille paysanne avec son patriarche, le vieux Morin, qui fait la loi et n’écoute personne. Il règne en tyran chez lui et les petits enfants n’ont pas leur mot à dire. Pire encore, les femmes sont réduites à des rôles subalternes, le ménage, la lessive etc… Sorti après Mai 68, l’ouvrage montre cette autre France de l’époque. Nous sommes évidemment loin d’une protestation façon Larzac ou Notre Dame des Landes, surtout quand on apprend la raison de cette opposition. Mais cet album qu’on pourrait considérer comme mineur au premier abord, malgré toutes ces incohérences, ne manque pas d’intérêt et de saveur avec son twist final et son habituelle happy end.