Littérature - Mémoires vives d'Edward Snowden (2019)
Je n’ai jamais fait de Snowden, une icône. Mais le personnage est intéressant par son parcours, son talent, et ce qu’il a contribué à montrer. Cette (auto)biographie devrait m’aider donc à comprendre.
La première partie est consacrée à l’enfance, sa curiosité pour l’informatique et sa découverte d’internet. Bien qu’un peu plus jeune que moi, ses références me parlent : C64, geocities, bruit du modem… un temps que les moins de 30 ans, etc…
Puis vient le 11 septembre qui déboussole un pays, et ce jeune hacker en herbe avec. Il essaye l’armée de terre mais une blessure l’en empêche. Il se replie vers les services secrets pour mettre son talent au service de la nation. Un héritage familial, aussi. Mais il découvre alors, avec sa curiosité naturelle, que derrière le besoin de défense, c’est une surveillance massive qui s’installe dans un monde hyper-connecté. Il en devient alors le “lanceur d’alerte” que l’on connaît aujourd’hui.
Qu’est-ce que j’attendais d’un tel livre finalement ? Pas forcément de détails sur la surveillance pour nourrir une quelconque paranoïa. Comprendre ce qui peut amener à devenir un lanceur d’alerte ? un peu et de ce côté là, je comprends mieux sa vision des choses. Il décrit au départ une vision utopique d’un Internet épris de liberté, celui que j’ai connu au début. Il a toujours eu, selon cette transcription, une vision idéaliste du monde, qu’il a perdue un temps après ce choc du 11 septembre. Si cette date m’a marqué, ce n’est pas au point des Etats-uniens, peu habitués à une attaque sur leur sol. Je me souviens très bien de la mutation soudaine de la presse (Je lisais Time à l’époque) et de l’opinion. Le livre ne creuse pas forcément assez cela.
Du point de vue technique, la traduction est tellement brouillonne que ça n’aide pas. Brouillonne car les termes techniques sont trop traduits, puisqu’on conserve dans le métier informatique, les vocables anglophones, la plupart du temps. Au moins TOR ne s’est il pas retrouvé traduit, pas plus que TAILS… Il exprime succintement sa methode pour brouiller les pistes, ce qui fait rire jaune. On n’insiste jamais assez sur la robustesse d’un reseau domestique aux intrusions extèrieures. On élude un peu vite le problème de la possession d’Internet, mais pouvait-il en être autrement pour un ouvrage dont l’objectif me semble plus à la vulgarisation et … à laisser sa trace dans l’histoire. Snowden, qui maîtrise plusieurs langues, se retrouve maintenance coincé en Russie, ce qui n’a pas vraiment l’air de le satisfaire.
On n’en apprend pas forcément tant que cela sur son exil de Hong-kong jusqu’à la Russie car il faut protéger ceux qui l’ont aider, même si tous les personnages cités ont des pseudos, sauf les journalistes bien connus de tous, depuis. Le titre français “Mémoires vives” est un peu un jeu de mot, bien moins que celui de l’original “Permanent record”… Quoique. C’est justement un enregistrement permanent qu’il dénonça et son autobiographie est une part de sa vie, qu’on peut lui espérer encore longue. En attendant, une des parties les plus intéressantes est peut-être dans les conséquences sur sa vie privée. Sa compagne de l’époque, devenue sa femme, l’a suivi en exil mais elle n’a longtemps jamais su ce qu’il faisait. Il y a des extraits de ce qu’elle pensait à l’époque et on peut se dire que d’autres lanceurs d’alerte n’ont pas forcément eu sa chance, de ce côté là.
Voulait-il être un héros aussi médiatisé ? c’est la question que je continue de me poser aussi, surtout avec cette autobiographie prématurée. Ambitieux, idéaliste, sans être idéologue, le personnage intrigue, mais un peu moins qu’Assange. Le récit permet de contrebalancer la version “officielle” ou même celle des films et documentaires. Est-ce que son action, et son livre ont été utiles dans ce monde hyper-surveillé (par états ou multinationales) ? Mon pessimisme aurait presque tendance à dire non quand je continue de voir les pratiques de chacun. Et la liberté de parole reste pourtant bien présente, heureusement.