Cinéma - Hors normes de Olivier Nakache et Eric Toledano (2019)
Il y a encombrement de bons films en cette fin d’année 2019. Et j’étais même sceptique à la lecture du synopsis de ce film. Car si j’ai apprécié le “Intouchables” du duo Toledano - Nakache ou encore “Le sens de la fête”, cela restait dans la moyenne. Parler de l’autisme est compliqué.
Car ce film est basé sur l’histoire vraie de deux associations : le Silence des justes, et le Relais Ile-de-France. Ici elles sont rebaptisées La Voix des justes et l’escale. L’une s’occupe d’enfants et jeunes adultes en autisme sévère et l’autre de la réinsertion de jeunes en rupture scolaire dans les quartiers difficiles. “Bruno (Vincent Cassel) et Malik(Reda Kateb) sont les responsables de La Voix des Justes et de L’Escale, deux associations respectives qui œuvrent depuis 20 ans dans le monde des enfants et adolescents autistes qu’ils aident de leur mieux. Ils forment également des jeunes issus de quartiers difficiles, pour encadrer ces cas « complexes », que les structures médicales refusent. L’association de Bruno est cependant dans le viseur de l’Inspection générale des affaires sociales”.
On voit très vite que l’une des associations est liée au milieu juif orthodoxe. En cette période de faux-débat sur la laïcité, on voit ici un exemple où l’on ne s’arrête pas aux signes distinctifs de la religion avec des des personnes portant la Kippa, le Hijab, ou le turban. Voilà pour l’aparté car ce n’est pas le vrai sujet du film. Nous parlons ici du traitement de l’autisme ou devrait-on dire du non-traitement de l’autisme par les institutions de santé qui faute de moyens, se renvoient la balle ou plutôt les patients qui finissent, au mieux dans des associations qui n’ont pas toujours les solutions. Ici tout est “hors normes” justement, entre les personnes souffrant d’autisme, la formation des aidants, l’absence de protocole défini car derrière le mot autisme, chaque cas est unique.
Après le tout médicament qui ne fait qu’enfermer les patients dans des camisoles chimiques et les rendre réellement fous, il y a des solutions mais elles sont longues, coûteuses en temps, argents et bonnes volontés. Le film a le bon goût de montrer une diversité de cas, la difficulté et la pression que cela représente chez les parents, les aidants, les soignants. En se focalisant sur des cas assez extrêmes, le film prend le risque de la caricature. Il y a évidemment des cas d’autisme plus légers, des lieux où l’on peut les traiter en dehors d’association. Beaucoup des acteurs du films sont autistes eux-même et c’est une des satisfaction du film. Benjamin Lesieur y est le plus exposé à l’écran. En parallèle on traite aussi de la réinsertion de jeunes “des banlieues”. Il y a bien des clichés, c’est vrai mais il y a surtout de la vérité dans ces images, ces dialogues, ces cas particuliers.
Ne croyez pas que l’on est dans un pathos permanent. Au contraire, il y a de bons moments de comédie dans la veine habituelle de Toledano-Nakache. C’est même très bien équilibré à mon goût par rapport aux moments de drame ou de tension. Il y a un vrai soin sur les dialogues ce qui est assez rare dans les comédies françaises. Le casting dans son ensemble sonne juste, non seulement par le duo déjà cité mais aussi avec Catherine Mouchet ou Alban Ivanov, décidément familier des réalisateurs. Le film réserve donc des moments de rire, de tendresse même mais n’oublie pas de dénoncer une situation : Celle tu traitement de l’autisme en France.
A l’image du désintéressement de l’état vis à vis des hôpitaux psychiatriques, l’Autisme est un gros problème en France. On devrait même dire les autismes car derrière ce mot, il y a une vraie méconnaissance de maladies, de symptômes ou pathologies. On découvre encore que le milieu médical reste encore très divisé sur le sujet. Cela s’est même vu dans les réactions autour du film. Bien plus abouti que le “intouchables” des mêmes réalisateurs, il est aussi d’un accès plus difficile par son sujet…du moins peut-on le penser. Le regard sur l’autisme doit aussi changer au delà des soignants et aidants. Le sujet est aussi un regard sur les différences, sur les à-priori. Le fait d’avoir deux sujets en un est plutôt habile, justement . Une franche réussite qui devrait avoir du succès au delà du cinéma.