Cinéma - Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec (2019)
Encore une adaptation d’un livre à succès sur un sujet difficile : La place de la Femme dans l’Afghanistan des Talibans. Voilà qui résonne curieusement avec l’actualité, non ?
Nous sommes ici dans l’Afghanistan d’avant le 11 septembre, avant la mort de Massoud mais pendant l’occupation de la capitale afghane par les Talibans. Quand je dis que cela résonne avec l’actualité, c’est que les USA ont failli signer des accords avec les talibans afghans. Encore une preuve que Trump et ses faucons font n’importe quoi à l’international, avec de grands dangers, même si tout cela n’est pas terminé, même côté russe.
Mais revenons au livre de Yasmina Khadra, par ailleurs auteur de l’Attentat, avec aussi une fameuse adaptation cinématographique. On me souffle qu’il y a quelques changement dans le déroulé et les personnages. Il s’agit avant tout d’une histoire d’amour, et même de deux histoires d’amour qui se croisent : Celle d’un jeune couple sans emplois (car incompatibles avec le régime des talibans), Zunaira et Mohsen qui ont perdu toute liberté et espoir, et celle de Mussarat et Atiq, un gardien de prison pour femme et sa femme malade du cancer. Atiq a connu la guerre contre les russes, y a été blessé et ne comprend plus son pays, pourquoi il se bat. Maintenant sa seule subsistance est de garder les condamnées à mort jusqu’au jour de leur exécution, sans même pouvoir leur parler. Mohsen, lui, se surprend à lapider une femme et a peur de devenir comme ceux qui forcent sa femme à rester chez elle, porter le Tchadri, ne plus écouter de musique, ne plus dessiner (son métier). Tout va basculer le jour où Zunaira va se retrouver emprisonnée dans les geôles tenues par Atiq, après un terrible accident. Elle aussi aimerait être comme ces hirondelles qui virevoltent dans le ciel de la ville.
S’il s’agit d’un film d’animation, il ne s’adresse pas du tout à des enfants. Même les enfants y deviennent cruels, lapidant femmes ou chiens innocents à l’image de leurs ainés. Les images sont terribles et montrent la dérive de ce régime totalitaire qui s’appuie sur une fausse interprétation de la religion et plus souvent sur des coutumes tribales pour conserver le pouvoir. On y voit ainsi un Mollah déchu car trop réformateur, et en même temps des petits chefs de tribus qui s’affranchissent de ce qu’ils prêchent pour les autres. Par moment j’avais l’impression de revoir un peu de cet autre film d’animation marquant, mais sur le génocide cambodgien. Ici ce n’est pas un massacre organisé d’une population mais nous n’en sommes pas loin avec les exécutions sommaires et faux procès. Cette même année, il y avait aussi un film d’animation dans ce même environnement : Le très réussi Parvana.
La vision de ces horreurs est adoucie par le dessin dans un style empruntant à l’aquarelle et à l’encre. Je retrouve un peu de l’impression d’un carnet de voyage animé. Le rythme est assez lent pour rendre la monotonie et le désespoir ressentis par les personnages. Zabou Breitman a bien fait son travail d’adaptation, convoquant aussi quelques amis acteurs pour les voix. Elea Gobbé-Mervellec a, de son côté, bien maîtrisé la mise en image de ce Kaboul dont j’avais vu par ailleurs des images de cette époque. A noter aussi la bande son qui utilise une musique afghane moderne pour s’immerger un peu plus dans cet Afghanistan où le son est souvent celui des balles et des bombes. Le fait de voir à travers le Tchadri par exemple donne des moments très forts dans ce film à hauteur de femme.
L’histoire parle indirectement de l’avenir de ce pays, sur le fait qu’une population peut suivre complètement un endoctrinement mais peut aussi un jour se réveiller de ce cauchemar.Les personnages s’interrogent aussi sur le fait de rester et lutter, ou bien partir et revenir plus tard. Peut-on simplement se mettre à leur place sans comprendre ce sentiment d’impuissance ? A voir car hélas, cette histoire est encore d’actualité au même endroit.
Pas convaincus ? Allez lire aussi TigerLilly et son dragon galactique.