Réflexion - Eté ou avoir été
L’été, ses canicules, ses villes qui se vident…Une saison que j’aime haïr maintenant, ou que je hais aimer, c’est selon.
Je dois dire que j’ai toujours eu un sentiment étrange avec cette saison. Bien sûr, en Juin, je me réjouissais de partir en vacances bientôt, de retrouver l’une des destinations de ma jeunesse, à savoir la campagne Sarthoise et sa ferme, ou bien la Normandie et ses plages, à moins que ce ne soit une destination nouvelle, une location de quelques semaines. Je n’ai pas à me plaindre de ces mois d’été passés avec parents ou grands-parents. A cette époque bénie des années 70 ou 80, le tourisme était moins massif, les voitures moins climatisées, les jeux moins informatisées. Mais l’été, c’était les préparatifs, la voiture que l’on charge avec les affaires de 5 personnes. Puis nous nous entassions dans la petite berline qui aujourd’hui parait lilliputienne, à l’ère du SUV. J’ai toujours en horreur cette odeur de plastique et d’échappement de la R6 familiale et je la ressens comme si c’était hier. Je me souviens de la couleur des sièges, du tableau de bord, de son levier de vitesse noir étrangement disposé…
L’été c’est le moment où l’on reste un peu plus seul au bureau, où l’on peut réfléchir, s’organiser, se remettre en question. L’été c’est la préparation de la grande bataille de la rentrée, cette course infernale où il faut passer tous les investissements, les commandes en 2 mois car après on ferme les vannes. C’est le défilé du 14 Juillet, ce grand guignol que j’ai fait un jour un 13, le Famas contre le torse. Ce sont les feux d’artifices, devenus aujourd’hui sons et lumières. C’est le retour au passé à l’aide de l’avenir, c’est prévoir la refonte du blog, redessiner les icônes, la bannière. L’été c’est le moment du ménage et du repos bien mérité, de vivre avec les oiseaux et les feuilles qui bruissent avec le vent. Les voilà qui me réveillent justement de ce petit songe partagé. Encore quelques semaines à passer avec l’été, et quelques souvenirs à égrener, pour dans quelques années, parler de ce que j’ai été. L’été est-il si cruel ?
Nous avions la glacière, la table et les chaises de pique-nique et il n’y avait pas autant d’autoroutes, ou nous en faisions l’économie. Donc c’était la nationale à un train de sénateur, la recherche du coin ombragé pour s’arrêter manger le midi, et tout un cérémonial pour s’installer. Souvent, il fallait trouver le petit coin pipi pour ces dames, parce que nous les mecs on peut juste se contenter d’un arbre et en pleine campagne, tu n’as ni aire, ni WC publics. Comme en plus j’étais systématiquement malade en voiture, j’avais eu droit à ma cuillère de Vogalène bien dégueulasse. Peine perdue souvent puisque j’avais droit à un bel arrêt vomi une fois sur trois. Elles commençaient bien les vacances. Serré derrière entre papy et mamie, dans un habitacle bruyant qui commençait à chauffer, j’avais à peine le temps de jeter un oeil à ma petite BD de Placid et Muzo. Le sommeil finissait par l’emporter puis une fois réveillé, j’avais la question que tous les parents détestent et redoutent : “C’est encore loin ?”. Pourtant, il y avait des points de repère, au fil des ans, des escales obligées, comme une boulangerie pour les croissants du matin, sachant que nous partions souvent à 4 ou 5 h! Et puis les pauses siestes, papa étant seul à conduire.
L’été commençait vraiment quand on emménageait. Dans la Sarthe ou en Normandie, c’était l’ouverture de la maison, les araignées à chasser, le ménage à faire, ma chambre à investir, les jouets à retrouver pour patienter. Dans les locations, c’était prendre ses marques, trouver où ranger les affaires. Et puis, après une première nuit où le sommeil arrivait vite, il fallait faire les premières courses. C’était aussi un rituel qui dépaysait, alors que souvent c’était juste un supermarché ou une épicerie tout à fait classique. Juste le nom qui changeait : Joubert, Coop, Codec, Felix Potin… Cherchez l’intrus. Mes parents ont toujours été hyper-organisés, chose dont j’ai hérité. Ils avaient le guide vert Michelin, les cartes jaunes du même fabricant, sans doute l’héritage auvergnat aussi. Et les balades avaient déjà été pensées, réfléchies, balisées, écrites comme un roadbook de rallye raid. Pas de GPS, c’était maman qui faisait la douce voix… “Mais il fallait tourner à gauche là, pas ici, voyons!”. La balade était culturelle, architecturale, nature, rarement commerciale. Pas beaucoup de souvenirs de parcs de loisirs, à part quelques zoos et je ne m’en plains pas aujourd’hui. J’ai d’autres souvenirs que d’autres enfants devenus adultes, sans doute.
L’été, c’était fuir la foule déjà et aujourd’hui je continue à détester l’été pour cela. Je préfère Septembre, cette première semaine bénite où il y a déjà des retours et où l’on ne travaille pas encore. Aujourd’hui, c’est plus fin septembre car d’autres ont la même idée que moi. Et puis, il n’y a plus de saisons, mon bon mossieur. Au moins l’été, avant, c’était chaud mais pas trop, ensoleillé avec des fruits, des fruits, des fruits et des salades bien fraiches. Des fruits qui avaient encore du goût, qui ne venaient pas de l’autre bout de l’Europe ou du monde. Même en Bretagne j’ai toujours eu beau temps. Je soupçonne la météo d’avoir changé quand je suis devenu adulte, rien que pour bien me faire regretter mon enfance. Mais bien vite, j’ai compris que l’été, c’était aussi revenir chez soi, retrouver ses marques et profiter de l’absence d’école, l’absence d’habitants. L’été, j’adore Paris, ses rues vides, ses matins calmes où l’on profite de ruelles désertes et fraiches. J’adore toutes les grandes villes désertes, comme si elles ne s’offraient qu’à moi, qu’elles dévoilaient leurs trésors cachés. On peut y flâner plus tard, entendre le tintement des verres et des fourchettes des terrasses des restaurants, la musique des guinguettes, quand d’habitude tout est couvert par un sourd brouhaha. On peut prendre le temps de revenir par un chemin détourné, trouver une ruelle ignorée, un petit coin de calme que l’on ne soupçonnait pas.
Je n’ai jamais ce même plaisir dans la station balnéaire où j’ai mes habitudes, l’été. J’ai beau connaître tous les coins où me garer, tous les parcours pour éviter les embouteillages, toutes les ruelles pour éviter la cohue, je vais forcément tomber sur LE français énervant, LE parisien sans-gêne, etc…C’est marrant, statistiquement, je trouve rarement un belge, un hollandais, un allemand, un anglais, …. de ce type. Je pourrais même en décrire la caricature si cela n’avais pas déjà été croqué par d’autres dans livres et films. Je ne me vois vraiment pas retourner dans le sud, sur la méditerranée, maintenant. Déjà que le peu de fois que je l’ai fait, c’était à moitié hors-saison. J’évite ces lieux comme la peste, préférant le refuge des sommets escarpés, les moins connus, évidemment. Et pourtant, la plage, la mer, ce sont aussi des souvenirs de jeunesse, du club de plage à grandes oreilles où c’était plus sportif que ludique à l’époque. Il n’y avait pas de trampolines et autres Barnums du genre, mais juste une balançoire, une barre fixe, une poutre. Peut-être l’influence de ce qui s’appelait le CREPS à l’époque, pour développer le sport en France.
Car l’été, c’est aussi la découverte d’autres activités, des sports aussi divers qu’atypiques pour moi, du Kayak au Parapente, en passant par l’équitation. Ca en fait des souvenirs pour plus tard, bons ou mauvais. L’été, c’était surtout l’insouciance, les soirées passées à lire des romans sans qu’ils ne soient imposés par qui que ce soit. C’est le monde de Dune, les Terres du Milieu, les voyages sur la lune, les mousquetaires, les pirates… Un voyage dans l’imaginaire, celui que je me suis construit, bien loin de toutes les modes de la cour de récréation. L’été, c’est les rediffusions de films à la télévision, le droit de rester tard à les regarder, sur le canapé ou sur le lit entre Papy et Mamie. Jean Marais, Fernandel, Bourvil, Errol Flynn, John Wayne sont venus chaque été me rendre visite et passer une soirée : La Chance. Ils viennent encore parfois, mais maintenant, je peux les inviter où je veux,quand je veux, j’ai la permission de minuit tout le temps. Alors ça a moins de charme.
Thomas Gainsborough — Worcester Art Museum; photograph taken on April 28, 2010.
L’été te rappelle ce que tu as été. Il te rappelle qu’avant tu allais chercher le poisson au port, quand on en péchait encore pas trop loin. Il te rappelle que tu allais chercher le lait frais à la ferme, quand tu avais le droit d’en boire tout chaud dans la bouteille en métal. Il te rappelle qu’avant il y avait des moules, des coques que l’on avait le droit de ramasser ou cueillir, puis que l’on faisait cuire dans une grande marmite orange avec des odeurs incroyables. Il te rappelle la sole meunière de mamie et les déjeuners sur la terrasse…Aujourd’hui, même si je le voulais, ça serait plus compliqué. Les pillages, le changement climatique, la surpopulation ont mis fin à cela. L’été a été, il ne sera plus. Et pourtant l’été est encore. C’est juste qu’il est différent, avec sans doute moins d’innocence. Il y avait aussi les animations de plage, les podiums avec des célébrités plus ou moins hasbeen et même parfois les jeux de 20 h . L’été, a été ainsi bercé par des musiques, des hits plus ou moins festifs, les radios locales….ainsi Asimbonanga fut le hit de la fin du printemps et du début de l’été 1988, en cette semaine marquée par la disparition de son interprète, Johnny Clegg.
L’été c’est le moment où l’on reste un peu plus seul au bureau, où l’on peut réfléchir, s’organiser, se remettre en question. L’été c’est la préparation de la grande bataille de la rentrée, cette course infernale où il faut passer tous les investissements, les commandes en 2 mois car après on ferme les vannes. C’est le défilé du 14 Juillet, ce grand guignol que j’ai fait un jour un 13, le Famas contre le torse. Ce sont les feux d’artifices, devenus aujourd’hui sons et lumières. C’est le retour au passé à l’aide de l’avenir, c’est prévoir la refonte du blog, redessiner les icônes, la bannière. L’été c’est le moment du ménage et du repos bien mérité, de vivre avec les oiseaux et les feuilles qui bruissent avec le vent. Les voilà qui me réveillent justement de ce petit songe partagé. Encore quelques semaines à passer avec l’été, et quelques souvenirs à égrener, pour dans quelques années, parler de ce que j’ai été. L’été est-il si cruel ?
PS : L’été c’est aussi des blockbusters au cinéma, souvent décevants mais parfois de bonnes surprises. Cette année, il ne faut pas rater le ToyStory 4, justement un retour à l’enfance depuis 16 ans qui a retrouvé toute sa fougue passée. Et je vois qu’il n’est pas trop tard pour Parasite non plus.