Musique - Delgrès - Mo jodi (2018)
Voilà un album qui m’a fait violemment revenir au blues, un blues aux conotations créoles, caraïbes et de Louisiane.
Grace en soit rendu à Pascal Danaê qui est à la tête de ce projet. Guitariste et chanteur, déjà membre de Rivière noire, il a travaillé avec les plus grands (Peter Gabriel, Youssou N’dour, Gilberto Gil…). Cette fois, il ne s’entoure que d’un batteur, Baptiste Brondy et d’un joueur de Tuba sousaphone, Rafgee. Rien que l’utilisation de cet instrument typique des fanfares de Louisiane ancre bien le projet. Et puis, pour ne pas me déplaire, il y a aussi la merveilleuse Skye Edwards en guest sur un titre. Mais pourquoi ce nom d’abord ? A cause d’un certain Louis Delgres que je ne connaissais pas : Ce colonel a été un abolitionniste et s’est opposé à Napoléon en Guadeloupe en 1802. Car si la révolution libéra les esclaves en théorie en 1794, la réjouissance fut courte puisque Napoléon rétablit l’esclavage. Je vous laisse découvrir le destin tragique de cet homme, ici.
Avec un tel nom, un tel “background”, et en choisissant du blues, le groupe ne pouvait parler que d’esclavage. Mais ce n’est pas le genre de blues triste, c’est un blues tonitruant, brut, rauque. Il y a déjà le choix du dobro, d’un jeu au bottleneck et la ligne de basse tenue par le tuba. Il y a un set de batterie épuré mais qui claque monstrueusement. Le son en est presque “garage”, flirtant avec le rock tout en gardant une rythmique blues. Et puis, si les paroles sont en créole, on arrive assez facilement à en comprendre le sens. Quand j’ai entendu “Respecte nou”, c’était aussi clair que quand j’ai entendu “Mo jodi” ou “Mr Président”. La musique et les paroles te prennent littéralement aux tripes. Le sousaphone gronde, les cordes du dobro gémissent de rage.
Mais l’album a aussi des plages plus douces, plus reposantes, notamment le “Sere mwen pli fo” avec Skye Edwards. Le duo ne tarde pas à nous embarquer dans un blues beaucoup plus guadeloupéen. Mais on a aussi des rythmiques plus inattendues, comme sur “Ti Mamzel” avec des arrangements modernes et épurées. On peut aussi citer la participation de Jean-Louis Aubert, au rang des guests. Et puis on a presque un rockabilly dans “Lanme La”, un blues que n’auraient pas reniés les pionniers de ce métissage musical. Quelle énergie pour terminer un disque qui ne demande qu’à repartir de plus belle. Je ne me lasse décidément pas de ce disque qui va rester longtemps à m’accompagner… au moins cette année. Alors je ne vous dit pas tout sur les titres qui méritent bien d’acheter la version “gold” pour mieux en profiter.
Tiens pour la peine, je vous mets carrément deux vidéos :