Cinéma - Cats de Tom Hooper (2019)
Je n’avais pas prévu d’autres chroniques cinéma avant la fin de l’année mais les circonstance font que… Littéralement assassiné par les critiques et des spectateurs bercés trop près du mur, cette nouvelle adaptation cinéma de la comédie musicale mythique mérite une chronique … militante.
Il ne vaut absolument pas les 2/10, les 1/5 que l’on voit fleurir un peu partout et les avis d’une génération qui décidément ne comprend rien qui sorte de sa norme. Ah parce que pour encenser la moindre bouse siglée Marvel ou Disney, il y a du monde…Et dans les salles aussi même pour aller voir des Alad’2 avec Kev Adams (852 000 spectateurs !). Pour trouver des films comme The LightHouse ou comme Une Affaire de famille par contre, pas de multiplexe de banlieue et on continue de fermer des salles non subventionnées. Bon, là c’est quand même une grosse machine d’Universal avec un spécialiste du genre aux commandes (Tom Hooper, Les Misérables). Mais on a affaire à un film sans concession à l’époque.
Comme le Musical, pas de dialogues mais uniquement du chant. Comme le musical, pas de vrais chats numérisés mais des acteurs maquillés en chat. Comme le musical, la musique utilise de l’orgue Hammond et des trompettes, ce qui le date. Comme le musical, c’est une histoire relativement simple en apparence mais avec plusieurs lectures, une histoire écrite par T.S. Elliot, prix Nobel 1948. Je devrais plutôt dire des poêmes…Et justement, il y a de la poésie dans cette histoire. Nous sommes dans le Londres de l’entre-deux guerre ici et une petite chatte nommée Victoria se retrouve abandonnée dans un sac. Elle fait la connaissance d’autres chats errants, les Jellicle Cats, qui attendent la nomination d’un d’entre eux pour une sorte de résurrection.
C’est un Londres du West-end et autour, une ville fantasmée la nuit qui nous est donnée à voir. Jeux de lumières, couleurs boostées, nous sommes dans l’univers du Musical classique hollywoodien. Pourquoi pas, on a vu largement pire au niveau colorimétrie (juste avant je me suis tapé la ridicule bande annonce du nouveau Bad Boys avec son filtre polarisant jaunâtre appliqué à la truelle). Visuellement, c’est homogène, c’est un choix d’artiste qu me convient. Le fait d’avoir changé le type de maquillage ou les costumes pour que l’on reconnaisse un peu mieux les têtes d’affiche me convient également, même si ça me perturbe. Ah oui, je suis fan de la version musical...cf ma chronique à Mogador. Comme le musical, on prend du temps à installer le contexte et les personnages, les prétendants à la Jellicosphère. On voit aussi le méchant de l’histoire en filigrane. Personnellement, j’aurais supprimé un numéro pour le rythme. (Il y a une nouvelle chanson d’Andrew Lloyd Weber en plus)
Parlons des aspects négatifs tout de suite. La traduction française en sous-titres (puisque VO) est affreuse et ne colle pas du tout avec toutes les versions sous-titrées ou traduites existantes. Le sens est parfois dénaturé. Le mixage est encore mauvais comme pour bien des films récents avec des effets sonores trop forts et des paroles trop faibles par rapport aux envolées musicales. Amis mixeurs, achetez vous des oreilles…ou du talent, puisque je ne suis pas le seul à faire ce constat, même pour les albums musicaux qui sortent aujourd’hui. Comme en plus les salles étalonnent le son sur les pics de son, ça n’aide pas si la salle est bourrée de gens bouffant des bonbons. Là ça allait, nous étions 6 ! Le casting n’est pas mal dans l’ensemble mais faisant la part belle à l’acting plutôt qu’au chant. Il y a trois numéros faibles au niveau de la voix et du groove.
Mais j’ai apprécié les risques dans la mise en scène, comme la péniche sur la Tamise et les disparitions “magiques”. La version de Memory, décidément une des plus belles chansons du monde, est coupée en trois avec même un duo. Ça fonctionne très bien et Jennifer Hudson m’a encore tiré d’abondantes larmes. La jeune ballerine Francesca Hayward est très bien dans ce rôle de Victoria qui prend plus d’importance que dans l’original. Judi Dench reste fidèle à elle même, sachant qu’elle avait joué dans cette comédie musicale à Londres dans les années 80. Ian McKellen est touchant, comme à son habitude. Enfin la chorégraphie fait appel à de la danse classique, modern jazz, funk, hip-hop (avec Les Twins !), claquettes mais parfois cela pourrait être mieux filmé.
Je suis sorti de la salle dans une totale incompréhension de ce ressenti quasi général. OK, je veux bien admettre que voir des gens en chat ça fait bizarre…mais finalement pas plus que des types en collant projeter des toiles d’araignée ou se déguiser en Viking, ou voir un raton laveur qui voyage dans l’espace, ou un lion en image de synthèse parler et chanter. Que le sens de ce texte échappe, cette deuxième chance que l’on donne dans la vie, j’ai plus de mal aussi à le comprendre. Et en même temps quand je vois des films aussi moyens que The Artist ou La,La Land (surtout pour l’interprétation et la danse) remporter les suffrages, je me dis qu’il y a vraiment un problème de culture et de barème. Cette version est loin d’être totalement réussie mais reste au niveau d’un bon Broadway. Le temps la réhabilitera peut-être, comme il descendra de leurs piedestals beaucoup des stars du box-office de cette année.
Dans cet océan de médiocrité qu’est devenue la production cinématographique actuelle, je suis content d’avoir été un des rares à voir ce film ainsi que beaucoup d’autres prévus en début d’année. A ceux qui trouvent les noms des personnages ridicules (Le Point), les lumières criardes (que ne disent-ils pas aussi sur Jean-Pierre Jeunet), les costumes etc… (Je n’ose imaginer ce qu’ils diraient d’un Américain à Paris de Minelli) Restez dans votre grisaille ennuyeuse et laissez encore un peu de rêve dans ce monde qui en manque sérieusement. A bon.ne.s entendeu.r.se.s… Moi, je retourne me voir Brigadoon et ses décors en carton-pâte.