BD - The Best we could do de Thi Bui (2017)

Lorsque j’ai découvert le sujet de cette bande dessinée, je me suis dit qu’il me fallait absolument la lire. L’auteure entreprend, en effet, de retracer la saga d’une famille vietnamienne qui a trouvé refuge aux Etats-Unis.

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Je connais moi-même beaucoup de l’histoire de la famille de mon épouse, qui a des ramifications aux États-unis. Alors, forcément, ce récit devait nous parler un peu plus qu’à d’autres lecteurs. Mais j’ai été surpris à la fois par le style graphique et la longue introduction sur la vie de l’auteure aujourd’hui, ses relations avec ses parents, ses soeurs… Je m’attendais sans doute à quelque chose de plus chronologique. Il faut savoir attendre et comprendre. Le besoin de faire ce récit lui est apparu lorsqu’elle a donné naissance à son premier enfant…

En dépeignant le caractère conflictuel avec ses parents, le fait qu’il y ait des difficultés de communication avec sa mère, la crainte de son père et pourtant un amour réel pour les deux, Thi Bui installe ses personnages et essaie aussi de comprendre la raison de cette situation. Cela l’amène tout naturellement à parler de l’histoire de ses parents et à plonger dans ce conflit si meurtrier, au centre de tout. Ici, nous ne sommes pas dans la guerre, les combats mais dans l’itinéraire de civils qui fuient les conflits et aspirent simplement à vivre heureux. La mère vient d’une famille bourgeoise et installée mais qui pourtant ne supporte pas le colonialisme français. Le père vient d’une famille pauvre, le grand-père choisissant de combattre en laissant son fils à ses parents. Cette histoire est assez proche de celle que je connais mais je n’ai jamais eu la chance de parler à tous les protagonistes pour la comprendre vraiment. Aller sur place n’aide plus vraiment, le temps ayant fait oublier tout cela, et disparaître les acteurs.

Le dessin est épuré, sans trop de détails sur la vie de l’époque, forcément, puisque l’auteure était trop petite pour s’en souvenir. Il y a parfois des planches moins réussies mais là n’est pas l’essentiel. Il y a la force du récit. A commencer par les doutes sur la capacité à être mère, la prise de conscience que le temps sur cette terre nous est compté. Puis viens la découverte des épreuves traversés par ses parents, l’épisode “Boat People” qui résonne avec la situation actuelle. Si d’autres eurent la chance de prendre des moyens de transport plus confortable pour refaire leur vie ailleurs, on oublie toutes les frustrations que l’on peut avoir à ne pas pouvoir retrouver ce que l’on avait, à ne plus être reconnu pour ce que l’on était. De professeur, on en devient cuisinier ou ouvrier sur une chaîne de montage. Et puis il y a cet arrachement au pays que l’on aime. Pour les Vietkieus, le jour de la “libération” était vécu comme le jour de la perte d’un pays. Même après le retour, ce n’est plus pareil et on se sent étranger.

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Cette BD a peut-être bien des défauts mais elle est tellement juste dans ce qu’elle dépeint sur ceux qui ont fuit un pays en guerre ou leurs enfants. Au delà même du conflit vietnamien, elle parlera à beaucoup. Malheureusement, elle n’est qu’en anglais et si un éditeur français avait la bonne idée de la traduire, je suis sûr qu’elle toucherait un large lectorat. Pour l’instant, il faut se contenter de l’import pour une somme très raisonnable ou bien en format numérique (EDIT : elle est éditée par Hachette sous le titre “Nous avons fait de notre mieux”).


Ecrit le : 19/06/2018
Categorie : bd
Tags : 1970s,2010s,autobiographie,bd,guerre,histoire,LittératureetBD,vietkieu,vietnam

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