Blog - Télé...
Télé vient du grec ancien τῆλε, ça veut dire loin. Mais on l’utilise souvent comme préfixe dans bien des mots
On l’utilise dans télévision, cet outil permettant de voir ce qui se passe loin de nous, mais qui finalement nous fait oublier ce qui est près. La semaine dernière, un scandale franco-français m’a interpellé. Il est du même ordre que l’histoire du Burkini et tant d’autres faits montés en épingle par des extrémistes de tous bords, surtout par là ——> Il s’agit au départ d’une chanteuse, youtubeuse et candidate à The Voice, le télécrochet qui dicte sa loi dans la variété française. Mennel est française, de parents turco-syriens et algero-marocains. Elle chante plutôt bien, en anglais, français et en plus elle a tout ce qu’il faut pour ce programme : Elle est jolie et a un signe distinctif. Ah…lequel ? Elle porte un turban le plus souvent pour masquer ses cheveux ou un voile aux couleurs chamarrées, comme on en rencontre plus souvent en Malaisie ou en Indonésie, le plus grand pays musulman dans le monde. Elle se montre proche d’une association féministe musulmane et parle de paix pour la Palestine parfois, ce qui déjà lui attire quelques ennemis chez les ultra-laïcards et pro-israéliens extrémistes. Dans The Voice, elle reprend le Hallelujah de Leonard Cohen avec de l’arabe. Mais voilà que les twittos facistes ressortent quelques-uns de ses tweets qui auraient du rester privés, qu’elle aurait écrit à l’âge de 19ans après l’attentat de Nice, où elle met en doute le fait qu’à chaque fois les terroristes laissent leurs passeports (ça paraît curieux au premier abord mais en y réfléchissant, ça se comprend….Et je connais des dizaines de personne pas complotistes pour un sou qui trouvaient ça bizarre à chaud) et elle dit que le gouvernement (Valls) est aussi terroriste ( Du Rainbow Warrior aux conséquences dramatiques de l’intervention en Lybie en passant par les déclarations pas très fines de Valls et Fabius à l’époque ça peut aussi se comprendre aussi à chaud). Tout ce petit monde commence à demander sa tête jusqu’à des personnes à la morale douteuse comme Françoise Laborde ou la chroniqueuse télé de TPMP Isabelle Morini-Bosc qui trouve même malsain de voir une femme voilée parlant arabe à la télé en ce moment. Bref, j’hallucine de voir un tel brouhaha (ils sont même jusqu’à se fritter entre chroniqueurs de TPMP pour faire du buzz parce que le concurrent de TMC les grignotte) pour ce qu’on pourrait qualifier au pire de maladresse de jeunesse (l’accusation d’apologie du terrorisme ne tiendrait pas très longtemps juridiquement) et surtout un programme de musique (apparemment elle a aussi perdu son job depuis) …Heureusement encore que c’était sur une télévision privée car on aurait dit que la télévision publique ne doit pas montrer de religion (sauf les émissions du dimanche matin ?).
Maintenant, au-delà du sujet initial (ce sont les suisses qui en parlent le mieux ?), il faut en tirer quelques leçons. Que les extrémistes dictent leur loi sur l’actualité, ça devient une habitude, jusque pour des nominations récentes dans des partis ou des commissions. Qu’on exhume des déclarations passées, soit…sauf que curieusement, il y a plusieurs traitements selon les origines, la religion, la sexualité, ce qui continue de diviser un peu plus chaque jour cette société. Mais il y a aussi utilisation de déclarations plus ou moins privées qui sont finalement du même ordre que l’enregistrement de toutes nos conversations de tous les jours. Les réseaux sociaux ne sont que des enregistrements, même temporaires. C’est un peu comme les commentaires “off” des politiciens que les journalistes dévoilent ensuite dans des livres/articles. Cela mène à une auto-censure totalement disproportionnée et bancale, car de l’autre côté, on peut dire les pires inepties (dont des théories du complot religieux/maçonnique qui fleurent bon le racisme …) comme celles citées au-dessus pour lyncher médiatiquement le coupable présumé. Toutes les excuses prononcées ne suffisent pas et le pardon semble à géométrie variable ce qui ne fait qu’attiser un peu plus les haines. J’ai déjà parlé, par le passé de ce problème lorsqu’on parle de personnes ayant commis des crimes/délits et purgé une peine de prison. Mais ici, nous ne sommes que sur des tweets… des commentaires à chaud, des paroles peu réfléchies qu’on prononcerait au comptoir du bar du commerce, au café avec des collègues. Si je voulais polémiquer, je dirais qu’on est parfois plus tendre avec des crimes et délits sexuels que sur des tweets. Déjà qu’il ne se dit pas grand chose de pertinent, alors aujourd’hui on évitera d’aller à contresens de l’avis général ou du toptweet, même si c’est absurde. Mais en plus, tous les jours, j’entends/vois des propos publics racistes, complotistes, polémiques, sexistes…et s’il fallait virer sur le même principe toutes les personnes qui en sont les auteurs, ce sont 15 millions de chômeurs que l’on aurait. Je ne dis pas qu’il faut tout laisser passer, mais qu’il faut laisser la justice faire son travail (qu’elle a bien du mal à faire avec le budget ridicule qu’on lui octroie) lorsque c’est de son ressort. Même si je n’aime pas Nordahl Lelandais ou Jawad Bendaoud, je ne suis pas apte à juger de la culpabilité. A cette allure là, on aura des affaires Dreyfus, ou Marie Besnard tous les mois. Mais comme je vois qu’on fait des pétitions pour enlever des prix musicaux à un artiste malgré des décisions de justice, la connerie progresse….
Imaginez si cette machine enregistrait vos conversations de bureau ?
Et ici, nous abordons une notion que l’on appelle “Droit à l’oubli numérique”. Je profite de la disparition de John Perry Barlow, auteur d’un fameux document sur l’indépendance du cyberespace, pour rappeller que l’internet d’aujourd’hui n’est plus celui des pères fondateurs (mères fondatrices ?). On discute sur des réseaux privés, sécurisés ou pas. Nos déclarations sont enregistrées, diffusées, à notre insu la plupart du temps. La plupart du temps, la suppression d’un compte d’un réseau social n’est juste qu’une suspension et surtout ne supprime aucunement les données enregistrées, des liens avec d’autres personnes entre elles. Les juristes ont bien du mal à définir les limites de ce droit, surtout en cette période trouble où tout est bon pour définir des profils à risque. Si autrefois les entreprises faisaient discrètement des enquêtes de voisinage, maintenant, il s’agit de faire des enquêtes par l’ingénierie sociale. On peut facilement trouver des failles chez la génération facebook (qui a aujourd’hui plus de 30 ans et même plus proche de 50 ans si j’en crois un article du Guardian) et ça continuera pour les autres réseaux, de toute façon. Mais en même temps, chacun devrait avoir droit à des erreurs, à se façonner par la confrontation d’idées. Nous avons le droit de nous poser parfois des questions stupides, d’aller voir les failles des théories officielles comme de celles des complotistes sans forcément se dire que personne n’est allé sur la Lune ou que la terre est plate. Nous avons le droit de dire des conneries à chaud sur un évènement et tout le monde en dit tous les jours (je ne vous raconte pas le matin au café les jeudis ou vendredis au boulot…). L’exemple même de ces chroniqueurs télé qui s’invectivent montre une société qui ne sait plus communiquer et discuter. Et quand je suis allé voir les commentaires “chez” cette chanteuse, je voyais du grand n’importe quoi de tous bords en terme de complots de telle religion ou de telle puissance financière, ce qui montre que plus personne ne croit …
Bienvenue dans un monde où plus personne ne croit…
La croyance, pas celle de la religion, est pourtant essentielle. Elle vient de loin, elle aussi, du passé. Elle vient de la capitalisation de savoir, de nos ancêtres. d’expériences. Si je crois dans ce qui s’est passé durant la deuxième guerre mondiale, cela vient de ce que j’ai lu mais aussi de que l’on m’a raconté, de ma famille qui a vécu certaines choses, de documents, photos (dont je regrette aujourd’hui la disparition). Tout le paradoxe aujourd’hui est d’avoir mis à disposition une somme incroyable de savoir et ne plus savoir qui croire. Il n’y a pas un télé-évangéliste du vrai qui nous inculque cela, à part l’école mais elle est aussi remise en cause par des parents. Wikipedia est régulièrement battu en brèche pour une faille ou une imprécision. Mon côté scientifique et l’expérience m’ont montré aussi que toute vérité peut être remise en cause. Il ne faut jamais rester dans sa zone de confort en se disant que la manière que l’on a de faire quelque chose est la seule et unique. Je vois le monde par ma petite lorgnette, d’où je suis mais il me manque tant de points de vue. Rien que sur le conflit israëlo-palestinien, il faut comprendre autant les points de vue des belligérants que des voisins, quand le “vrai” justement n’est pas interprété de la même façon ou ne s’arrête pas au même point temporel. Mais dans mon activité professionnelle, j’ai ressenti aussi cette perte de foi dans les résultats de mesures physiques, qui en fait s’additionne à la perte du savoir, du lien entre le calcul et la mesure. On ne sait plus vraiment comment on fait et pourquoi on le fait. C’est souvent un problème d’archivage, de documentation des acquis, du pourquoi de telle ou telle décision. On peut appeler ça retour d’expérience, conservation du savoir-faire mais le cause racine est identique : La perte de références et de repères. Cette semaine encore, mon instinct me fait douter d’un résultat et je me suis déplacé pour comprendre ce qui peut se passer mécaniquement, examiner les sources d’erreurs, … Je ne maîtrise pas tout mais je préfère vérifier, aller voir aussi ceux qui savent mieux que moi. Et cela peut aller jusqu’à l’oubli du sens d’un algorithme, d’une formule mathématique. La méthode de Singapour a du boulot, ha ha …
Cette semaine passée j’ai expérimenté le travail lointain, le télétravail, comme on dit. Par la grâce d’un VPN et d’une bonne connexion internet, j’étais à la maison en réunion audio avec d’autres collègues pour discuter de résultats, définir des protocoles et processus. Nous regardions les documents des autres et je discutais en même temps avec d’autres sites par tchat interne… C’est même plus efficace parfois car on va plus vite à l’essentiel que la discussion en salle qui dérive, du moins si tout le monde a bien préparé. J’en ai encore un qui est parti sur des chemins de traverse et qu’il faut recadrer…et qui n’a d’ailleurs toujours pas compris la cible visée. Bon, on s’y fait… Mais pour ces deux jours, je suis plutôt satisfait. A part que je n’ai pas pu aller voir certains éléments physiques pour prouver que les résultats d’une mesure avaient une explication logique, qu’un paramètre d’environnement avait varié… Je vais éviter de faire trop technique mais l’expérience est concluante seulement si on prépare le terrain avant. J’ai même fait mon entretien annuel…ça doit parler à quelques-uns, non ? Reste que nous sommes totalement inégaux dans cet accès au télétravail. J’ai pu éviter les transports perturbés et les bouchons, le risque de chute. J’ai pu éviter de faire des contorsions dans une installation pour mettre en place du matériel. Mais il faut toujours des personnes sur le terrain à un moment. Beaucoup de mes collègues de terrain ne peuvent se permettre cela. C’est impossible dans les chaînes de production… Dans un de mes anciens métiers, je pouvais faire tout à distance, sauf que rien n’était encore en place. Ce confort n’est accessible de manière sécurisée qu’aux sachants ou aux sociétés qui ont une infrastructure informatique adéquate. Il faut savoir utiliser un PC, configurer sa connexion Wifi dessus, bref, un petit minimum de choses qui fait du tri dans cet accès, de l’inégalité. Et puis il y a le risque de dérive. Sous prétexte de pouvoir accéder à ses documents chez soi, nous pouvons vite terminer un dossier chez nous en mettant en danger notre bien-être familial. Il faut se fixer des limites et se déconnecter. Sachant que je communique avec des équipes en 2x8, je pourrais aussi céder à la tentation de poursuivre jusqu’à pas d’heure, de rattraper le retard. J’ai encore vu des hiérarchiques envoyer des mails le dimanche à 18h. La pression dans certains milieux professionnels est telle que c’est le risque. Difficile aussi de ne compter que sur le télétravail sans rencontrer l’humain au bout au moins une fois.
Principe du VPN
Et pourtant c’est un peu ce que nous faisons aujourd’hui à travers les réseaux, les outils de communication où nous idéalisons aussi nos interlocuteurs, dans le bon et le mauvais sens du terme. Dans ce monde où tout n’est que télécommunication, où je communique ici aussi avec toi lecteur sans te connaître et sans que tu me connaisses, tout n’est pas à rejeter ou louer. On imagine ce que veut dire ou faire une candidate de télé-crochet. On se dit qu’un acteur ressemble à son personnage. On s’imagine ce que doit faire ou voir notre interlocuteur en audioconférence en Chine, Inde, USA. On regarde un résultat d’essai sans voir le processus. On vit avec des images lointaines qui s’animent dans notre esprit. On fait des rencontres fabuleuses et de mauvaises expériences, c’est sûr. On garde aussi des contacts avec des personnes croisées à l’autre bout du monde….comme l’Asie qui a fêté vendredi le nouvel-an lunaire.
Chúc Mừng Năm Mới à tous… et je termine par ma bande son de la semaine