BD - Superdupont de Lob, Gotlib et Alexis (1972)
Comment, la France n’a pas de superhéros ? Mais si, souvenez vous de SuperDupont !
Superdupont a tout du Superman à la française, avec des superpouvoirs. Il vole, il est fort, il sait tout,voit tout. Il a tout de Batman, sans les gadgets et le majordome car Superdupont n’est pas milliardaire. Il aime la France, il défend son image… Enfin, celle que lui a, celle que l’on avait dans les années 60-70, la France de Pompidou et Giscard, la France gaudriole, la France terroir, la France ouvrière, la France indépendante. Superdupont est un héros chauviniste comme captain America.
Sauf que… les auteurs sont Lob, Alexis et Gotlib au dessin. On se doute donc qu’il y a beaucoup de second degré dans cette caricature. Avec son bérêt, ses charentaises, son marcel, sa moustache et son écharpe tricolore, il a fier allure, le superfrançais. Le premier tome n’y va pas de main morte en reprenant les symboles de la Françafrique, dans une caricature aussi magistrale que celle de Reiser, ou bien du Japon que le français confond encore avec la Chine. Son ennemi, c’est l’Anti-france, une organisation mystérieuse, reprenant l’expression de Raymond Barre à l’époque. Si au début, ils parlent souvent allemand, on trouve de l’anglais, de l’espagnol, du portugais, de l’italien, du flamand, le tout mélangé à toutes les phrases dans un langage pourtant compréhensible du lecteur.
J’étais hilare devant les aventures de notre héros pour sauver le mètre étalon. Il faut avoir un peu de culture de la situation politique de l’époque pour bien tout comprendre, cela dit. Mais le problème, aujourd’hui, c’est que le second degré ne passe pas aussi bien. D’ailleurs, le Front national réutilisa à son profit Superdupont, en prenant cela au premier degré, dans les années 80, à la grande colère de Marcel Gotlib. Car la BD dénonce les excès de cette France rétrograde, qui se referme sur elle même, se veut fière mais pourtant archaïque. C’est de l’auto-french-bashing comme on dit aujourd’hui. Ce qui est un délice pour moi, risque de ne pas l’être pour un lecteur non averti, qui n’a pas baigné dans cet humour … so Mad !