Cinéma - Première Année de Thomas Lilti (2018)
La question du Numerus Clausus chez les médecins fait débat et ce film vient l’alimenter en montrant les coulisses d’une première année sous forme de comédie dramatique. Mais il va aussi au delà de cette question…
Le réalisateur connaît bien son sujet puisqu’il est médecin lui-même et s’est même spécialisé sur le sujet (Médecin de Campagne et la série et le film Hippocrate). Ici, il nous fait suivre la première année de médecine d’un fils de chirurgien, Benjamin, qui se cherche et la troisième première année d’un élève motivé par le métier, Antoine. L’un a des facilités dans l’exercice de bachotage, l’autre ne pense que travailler jusqu’à l’épuisement.
Ayant cohabité pendant mes études avec un doublant de première année, je connais un peu le sujet et j’avais eu l’occasion de voir ce qu’ils devaient ingurgiter. On ne parle pas d’apprendre intelligemment des choses qui serviront mais juste d’ingurgiter des données comme on gaverait une oie. Et cette oie devra tout recracher en 3h de QCM. C’était il y a 20 ans pour moi et ça n’a fait qu’empirer puisque comme le dit un “personnage” du film, ils sont peut-être plus “performants” dans l’exercice aujourd’hui avec plus de questions dans le même temps. Enfin performant, ça va dépendre et le film montre que cette notion est discutable. Ils seront performants dans la notion d’apprendre sans réfléchir, développer un automatisme. A ce jeu, Benjamin est doué et pourtant il ne sait pas pourquoi il est là. La médecine ne le passionne pas. Ses frères ont un discours élitiste, presque comme s’il y avait un gène de la médecine, des élus et les autres. On comprend mieux l’arrogance de certains praticiens vis à vis des patients mais aussi des autres professionnels de santé.
On voit la dérive de ce bachotage, mais on ne s’attarde pas sur le bizutage. On voit la surpopulation dans les amphis (la suppression du numerus clausus ne parle pas de ça). On ne forme pas des médecins, on sélectionne des tueurs, des machines. Benjamin parle de “reptiles” et peut-être considère-t-il son propre père comme un être à sang froid. Le réalisateur oppose en effet la mère historienne et chaleureuse à ce père qui ignore son fils, le prend pour un raté, même quand il réussit un partiel. Mais malgré la gravité du sujet, on rit de certaines scènes. Cela détend l’atmosphère tant elle est tendue.
Malheureusement, la fin est presque prévisible dès la moitié du film et j’espère ne pas en avoir trop dit. Il fallait peut-être que le réalisateur, généraliste pendant 10 ans, règle lui même certaines choses ? Il garde d’ailleurs des éléments qui tiennent plus du souvenir que de la réalité d’aujourd’hui, mais ça passe mieux à l’écran. On ne peut enlever une part de caricature sans alors risquer de tomber dans un film austère. Cela n’enlève rien à la pertinence de ce bon film sur un sujet difficile à traître avec le sérieux nécessaire sans être trop pesant. A voir donc… Et se pose alors la question de la forme de la sélection par rapport au fond du profil d’un bon médecin, ou autre professionnel de santé. Une question essentielle quand on essaye de faire de la santé (et l’éducation) une entreprise comme les autres.